De l'eau au moulin

Published on 5 octobre 2018 |

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[Transition : repères pour réussir] Le rôle crucial de l’aliment (4/4)

Philippe Cousinié, Ingénieur agronome et animateur Réso’Them transition agroécologique de l’enseignement agricole, philippe.cousinie@educagri.fr

La notion de transition reste encore mal comprise. L’objet de ces articles est de présenter des repères pour mieux l’appréhender. A partir du déséquilibre mondial, nous nous sommes interrogés sur notre modèle de vie et la nécessité de réussir la transition (1/4), ce qui nous a amené à définir la transition comme un système de champs d’application (2/4) et des ruptures nécessaires au changement. Après le champ de l’agroécologie (3/4), nous nous penchons ici sur l’alimentation, où les choix du consommateur sont déterminants.

Le champ de l’alimentation se situe en bout de chaîne des différents champs occupés par la transition. Les consommateurs et les modes d’alimentation y sont centraux. La transition alimentaire est le produit de toutes les transitions qui influencent l’agriculture et l’agroécologie comme l’écologie, l’énergie ou la technologie. Le choix de l’aliment est donc crucial dans la transition car il est révélateur des choix réalisés au préalable dans ces différents champs.

Prenons le cas d’une tomate bio produite localement par un producteur engagé dans un collectif associatif. Sa production bénéficie de soutiens politiques (plans nationaux pour l’agriculture biologique dans le cadre de la transition agroécologique) et dans le cadre de collectifs par des engagements de producteurs avec des valeurs (que j’associe à la transition de l’humain et à la transition culturelle).

Elle correspond à un choix du cahier des charges en AB plus respectueux de l’environnement que l’agriculture conventionnelle (absence de pesticides et d’engrais de synthèse traduisant une transition agricole) avec des techniques plus manuelles et avec moins d’emballages (transition technique).

Ce choix agit plus favorablement sur l’écologie par rapport aux sols, à la biodiversité (transition écologique), aux économies d’énergies fossiles (transition énergétique).

Sur un plan alimentaire, elle produit a priori plusieurs avantages : elle utilise moins d’eau, offre plus de vitamines et d’oligoéléments et plus de qualité gustative avec par exemple des variétés anciennes (transition nutritionnelle).

Au niveau de la vente, les circuits courts y sont plus fréquents et facilitent le dialogue avec les consommateurs (transition culturelle).

Le producteur bénéficie d’avantages sociaux (emploi) et économique (valeur ajoutée à la vente) ce qui relève d’une transition sociale et économique.

Finalement la transition alimentaire, dans ce cas concret, se manifeste à l’issue du processus de production et de vente dans l’acte de consommation. On pourrait y ajouter d’autres liens avec l’économie circulaire et la transformation (valables pour de nombreux produits agricoles). Nous observons ainsi que l’alimentation joue un rôle complexe de révélateur des choix de la production à la consommation.

L’acte de se nourrir prend donc un autre sens et l’aliment est reconsidéré du point de vue de son impact sur l’écosystème, la santé et la durabilité agroenvironnementale, sociale et économique. La transition alimentaire ne peut être envisagée seule mais en lien étroit avec tous les champs qui contribuent à une alimentation durable et saine.

L’enjeu du choix alimentaire

Le consommateur joue un rôle déterminant dans le processus de transition car son choix impacte en définitive toute la chaîne alimentaire et influence le modèle agricole.

C’est l’engouement pour l’alimentation bio qui a permis son développement (croissance à deux chiffres depuis plus de dix ans) en Europe et notamment en France. A contrario, le consommateur de produits conventionnels encourage l’agriculture industrielle, l’ultra-transformation et une agriculture déconnectée de son territoire (Fardet, 2017).

Pourtant, la notion de transition alimentaire est peu usitée. La vision systémique est absente à tous les niveaux de la chaîne alimentaire. Les consommateurs manquent de repères et d’informations. Au quotidien, ils sont encouragés à consommer conventionnel et industriel par l’influence des modèles agricoles et alimentaires dominants (agrofournisseurs, agriculture industrielle, industries agroalimentaires, enseignes de distribution, effets des médias, etc.).

Cependant, la transition alimentaire représente un enjeu important par les transitions qu’elle met en jeu mais aussi parce que le changement des comportements des consommateurs peut impulser une transition à tous les niveaux.

La transition se conçoit donc suivant un système englobant des transitions qui s’appliquent à des champs reliés les uns aux autres avec des interactions complexes. L’étude, l’enseignement comme la mise en œuvre de la transition passent par la prise en compte de repères indispensables et d’approches qui s’appuient sur la transdisciplinarité et l’analyse systémique. L’enseignement agricole en France a un rôle particulièrement important pour contribuer au développement de la transition agroécologique et des systèmes alimentaires locaux et durables en s’appuyant sur une méthodologie qui favorise le dialogue et l’action (Cousinié, 2018).

Références bibliographiques

Lire l’article précédent : L’exemple de l’agroécologie (3/4)

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