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De l'eau au moulin

Publié le 21 juin 2022 |

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[Transitions agroécologiques] 2/3. A l’échelle des systèmes agri-alimentaires territoriaux et dans cinq pays du monde : le projet Rise ATTER

Claire Lamine, Directrice de recherches, INRAE Ecodéveloppement,
Danièle Magda, Directrice de recherches, INRAE UMR AGIR (AGroécologie – Innovations – teRritoires)

Partout, en France, en Italie, au Royaume-Uni, mais aussi au Brésil et aux Etats-Unis, l’enjeu de la transition agroécologique est de plus en plus discuté et porté à l’échelle des systèmes agri-alimentaires territoriaux. Le projet Rise ATTER1 observe 16 territoires dans ces cinq pays, analyse leurs trajectoires, les compare et veut en partager les enseignements pour favoriser les transitions.

Si la non-durabilité à la fois écologique et sociale du système alimentaire global est aujourd’hui largement reconnue, de nombreux collectifs d’acteurs cherchent à rendre les systèmes alimentaires plus durables en engageant différents « maillons » de ces systèmes (production, transformation, distribution, développement, recherche, société civile, institutions publiques etc.) à l’échelle « territoriale », dans différents contextes nationaux. En France, on pense bien sûr à la récente institutionnalisation des Projets Alimentaires Territoriaux ou PAT, mais des initiatives et projets divers les ont largement précédés et inspirés.

Ces expériences de transition agroécologique à l’échelle des systèmes agri-alimentaires territoriaux sont intéressantes à plusieurs titres, et d’ailleurs de plus en plus reconnues par la communauté scientifique et les institutions internationales (voir ici les références bibliographiques de l’ouvrage).

L’échelle territoriale, pour l’analyse et l’action

Le territoire apparaît comme une échelle d’analyse et d’action appropriée car il est le lieu d’un possible sentiment de communauté de destin, mais aussi, concrètement, le lieu d’interactions directes entre des processus écologiques et sociaux qui peuvent favoriser la reconnexion entre l’agriculture, l’alimentation, l’environnement et la santé, mise à mal par les systèmes alimentaires globaux2.

Ces expériences de transition territoriale vont ainsi au-delà des seuls changements de pratiques agricoles ou des seuls changements de formes d’approvisionnement et de consommation alimentaire. Elles montrent qu’une transition agroécologique à caractère systémique est possible en mobilisant une grande diversité d’acteurs appartenant tant à la sphère publique qu’à la sphère économique et à la société civile, mais qu’elle suppose une certaine reconfiguration des interactions et des rapports de force entre acteurs et maillons du système. Selon les contextes, la transition peut ainsi prendre des chemins divers, chemins qu’il s’agit de mieux analyser et d’accompagner dans leur diversité.

Un réseau associant chercheurs et praticiens de la transition agroécologique

Le RISE ATTER3 est un réseau international d’échanges interdisciplinaire et intersectoriel dédié à l’analyse et à l’accompagnement des transitions agroécologiques des systèmes agri-alimentaires à l’échelle territoriale. Démarré en mai 2021 pour quatre ans, il est coordonné par INRAE (Claire Lamine, sociologue et Danièle Magda, écologue). Il associe 18 partenaires publics, associatifs et privés, dont 11 universités et instituts de recherche, 4 réseaux agricoles et citoyens, 2 collectivités territoriales et un bureau d’études.

Il s’articule autour des analyses croisées de 16 cas d’études situés dans des régions rurales et urbaines de 5 pays différents (France, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis et Brésil). Ces cas incarnent différents contextes et chemins possibles pour la transition agroécologique (voir un premier article dans Sesame ici).

ATTER rassemble des chercheurs et des praticiens qui, ensemble, analysent et accompagnent ces différents cas d’études. Il repose sur la mobilité des participants (chercheurs, étudiants, praticiens) entre les organisations et les pays, au travers de séjours d’un mois minimum en immersion dans les cas d’études et fonctionne au moyen d’activités collectives (formations, écoles d’été, ateliers etc.).

Mettre en commun compétences, méthodes et pratiques

L’objectif principal est donc de mettre en commun compétences, méthodes et pratiques pour (i) analyser collectivement les différents cas ; (ii) proposer des démarches d’accompagnement afin d’initier et soutenir les dynamiques de transition dans leur contexte ; (iii) produire des outils d’évaluation des processus de transition et (iv) produire des recommandations de politique publique qui permettraient de soutenir les transitions aux échelles régionales, nationales et européennes.

Un observatoire en ligne permettra de rassembler les analyses croisées, et notamment de construire une typologie des trajectoires de transition situées dans leur contexte, pour inspirer et éclairer des acteurs, chercheurs ou étudiants dans d’autres contextes. Chaque cas et chaque trajectoire sera illustré par des frises chronologiques soulignant le rôle des politiques publiques et des initiatives clés. Pour chacun, des synthèses restitueront l’analyse que peut faire l’équipe locale, en lien avec les chercheurs et acteurs étrangers, de la trajectoire et des mécanismes de transition à l’œuvre. L’usager pourra naviguer entre les cas et avec des entrées thématiques pour les analyser voire les comparer (politiques publiques, approches de facilitation, évaluation).

Un autre dispositif clé du projet consiste en ateliers croisés [« cross fertilisation workshops »] qui visent à développer les échanges entre chercheurs et praticiens de deux cas d’études, et donc de deux territoires.

 

« Ateliers de fertilisation croisée » : entre Pouilles italiennes et Sud Ardèche

Le premier de ces ateliers, à Alto Salento, dans les Pouilles, a permis à l’équipe française de présenter l’un des cas d’étude, le Sud Ardèche, à une trentaine d’acteurs locaux et aux collègues chercheurs italiens. Symétriquement les acteurs locaux ont présenté leur territoire et ses diverses initiatives. Chaque participant était invité à exprimer une idée « inspirante » après l’écoute de l’autre cas, et à en tirer une piste de collaboration ou de comparaison ultérieure.

L’objectif général est bien sûr de générer une démarche de réflexivité collective, y compris à l’intérieur d’un territoire puisque les acteurs d’un même cas sont amenés à discuter « à chaud » en se comparant à l’autre. Un second objectif est de favoriser l’appropriation des problématiques de transition par des chercheurs et acteurs en s’appuyant sur leurs propres position et rôle dans ce processus.

Politiques publiques et mesures d’accompagnement

L’une  des thématiques  importantes du projet est le rôle des politiques publiques aux différentes échelles et des approches d’accompagnement dans les transitions.

Ces approches se diversifient, notamment dans un contexte imposant le « mode projet » à toutes les dynamiques et initiatives de transition alimentaire.

ATTER analyse donc les approches d’accompagnement à l’œuvre dans les différents pays et dans les 16 études de cas, puis il les caractérise en fonction des conceptions du système alimentaire qu’elles révèlent : est-il pensé plutôt comme un système d’approvisionnement, un système socio-écologique ou un système d’acteurs, par exemple? Quelles démarches de mobilisation des acteurs sont mises en place ? Quelles compétences sont mobilisées, et vont-elles, par exemple, plutôt relever de l’ingénierie ou de l’éducation populaire ?

Produire des connaissances, échanger des compétences

Le réseau a l’objectif, plus largement, de développer les connaissances des participants d’ATTER mais aussi de tous les acteurs qui sont concernés par la transition à l’échelle des systèmes agri-alimentaires. ATTER produit donc aussi une offre de formation  : modules proposés dans les formations académiques des partenaires du réseau (Agrocampus Ouest, AgroParisTech, les 8 universités britanniques, italiennes, brésiliennes et américaines membres du projet, le CIHEAM etc.), une école d’été itinérante entre les pays, des formations reposant sur les études de cas du projet. Des séminaires seront aussi organisés dans les différents pays avec les acteurs des politiques publiques en 2023.

Les premières mobilités au sein d’ATTER ont permis de mettre à l’épreuve ces principes-clés d’échange et de construction de connaissances autour des études de cas, comme le montre le témoignage de Gilles Maréchal. Consultant expert en stratégies alimentaires territoriales, il a été accueilli par l’université de Porto Alegre pour travailler sur un cas d’étude, la Serra Gaucha (voir ici). Au cours de sa mission il a participé à des rencontres avec divers acteurs dans un autre territoire du projet, la Serra fluminense, et c’est ainsi qu’il a pu mettre en discussion les contrastes entre ces deux territoires.

Les références bibliographiques de l’article sont consultables ici.

« This work was realised within the ATTER (Agroecological Transitions for TERritorial food systems) project. This project has received funding from the European Union’s Horizon 2020 research and innovation programme under the Marie Skłodowska-Curie grant agreement No 101007755”

  1. RISE pour « Research and Innovation Staff Exchange », et ATTER pour « Agroecological Transitions for TERritorial food systems »
  2. Voir Lamine C., Magda D., Amiot M.J., 2019. Crossing Sociological, Ecological, and Nutritional Perspectives on Agrifood Systems Transitions: Towards a Transdisciplinary Territorial Approach. Sustainability 2019, 11, 1284; doi:10.3390/su11051284
  3. RISE pour « Research and Innovation Staff Exchange », et ATTER pour « Agroecological Transitions for TERritorial food systems »

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