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Croiser le faire robotique agricole bandeau © Biz 2024

Publié le 13 juin 2024 |

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La robotique, ce n’est pas automatique

Si les robots ont depuis longtemps conquis l’industrie, les voilà qui débarquent dans les champs. Ils servent à l’agriculture de précision, à l’automatisation des tâches pénibles, à la résolution des problèmes de main-d’œuvre, que ce soit pour des questions de coût ou pour des raisons de disponibilité. Ce n’est pas encore un raz de marée mais la tendance est suffisamment prégnante pour attiser un mouvement contraire qui fait du « low-tech »1un outil de liberté. Qui du marteau (automatique) ou de l’enclume l’emportera ?

Dossier extrait du quinzième numéro de la revue Sesame,
Par Yann Kerveno,

Visuel : Robotique agricole © Biz 2024

C’est une ferme russe un peu déglinguée, la « Russian Cyberpunk Farm2 ». Sous ses serres pousse du concombre fractal, au dehors les pigeons sont des drones, les robots humanoïdes s’activent, d’autres drones gardent les vaches et les moutons… Ferme où l’on a résolu le problème des eaux usées en connectant les toilettes directement à un trou noir cosmique et qui, pour poursuivre son développement, cherche de nouveaux travailleurs… humains. Vous avez peut-être souvenir de cette vidéo complètement loufoque, mise en ligne voici quatre ans par un vidéaste russe. Une vision ironique et futuriste qui a peu de chances de devenir réalité même si les robots sont aujourd’hui aux portes des exploitations.

L’affaire n’est peut-être pas si nouvelle que cela, comme le rappelle Bruno Tisseyre, spécialiste des questions d’agriculture de précision et de robotisation à SupAgro Montpellier : on compte aujourd’hui 14 000 robots agricoles en France, dont plus des trois quarts mis en œuvre dans l’élevage, le reste servant le plus souvent à l’alimentation des animaux. Les nouveaux, les « robots des champs » se déplacent de façon autonome. Ils sont aujourd’hui capables de prouesses qu’on avait peine à imaginer ne serait-ce que dix ans en arrière, comme ramasser des asperges, des champignons, des fruits, tailler les arbres fruitiers, désherber les parcelles. Et ce, sans contrainte horaire. Au point que Bruno Tisseyre y voit une bascule : « C’est la première fois depuis la révolution verte que nous avons une telle opportunité d’avancées3. »

Le prix de quatre tracteurs

Chez Séverine et Patrick Boyer, en Indre-et-Loire, il y a maintenant un bail – depuis 2016 – que le robot fait le boulot dans une production peu courante, celle de l’osier, déployée sur cinq hectares. Le choix du robot fut une réponse contextuelle. « Nous sommes confrontés, comme toutes les filières, au retrait progressif des molécules de désherbant. Il nous fallait trouver une solution alternative. Nous avions récupéré une vieille bineuse à maïs qui nous donnait satisfaction mais, quand nous avons vu sortir des robots de maraîchage, notre système de production étant proche de ce type de cultures, nous nous sommes dit : pourquoi pas ? » Ils contactent alors Naïo Technologies qui répond chiche ! « La seule différence avec le maraîchage c’est que, si la végétation est basse dans nos parcelles en début de saison, elle peut atteindre deux mètres cinquante ou trois mètres en fin de cycle. La question était de savoir si le robot allait pouvoir faire son chemin dans un tel environnement avec la navigation au Lidar4. » L’appareil livré, quelques déconvenues surgissent, des problèmes de guidage, dans les parcelles justement ou pour les « tournes » en bout de rang. « Par la suite, l’intégration de la technologie RTK5 au robot amènera une vraie révolution en termes de fiabilité », explique Patrick Boyer.

Si les robots font parfois leurs preuves, il reste effectivement quelques freins à lever avant de les voir courir la campagne. « Pour l’instant, ces matériels restent très chers, un engin peut valoir le prix de quatre tracteurs mais il y a peut-être des choses à inventer, des achats en commun, une gestion à l’échelle d’un territoire par le biais d’îlots de parcelles ; conserver le matériel existant et se servir du levier des robots pour diminuer la pénibilité », indique Bruno Tisseyre. Acheter en commun, c’est justement la mission des Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA) et elles seront probablement un levier important pour l’accès à ces types de matériels. C’est le pas que vient de franchir la Cuma de Sallèles d’Aude, non loin de Narbonne, en acquérant un Vitibot, destiné aux travaux de la vigne.

« On pense à l’avenir »

« Nous sommes cinq associés dans cette coopérative, dont deux à être passés en bio et contraints d’employer des outils mécaniques pour le désherbage ou, pour d’autres, de mixer la mécanique et le chimique. Or le désherbage mécanique est gourmand en passages de tracteur et en temps », explique Jean-Marie Santacreu, vigneron à Sallèles et président de la Cuma qui couvre 200 hectares de vignes. L’idée d’avoir un outil autonome pour gagner du temps tournait depuis un moment dans l’esprit des vignerons. « On pense à l’avenir, aux jeunes qui vont s’installer dans le secteur. Le robot est cher, 200 000 euros6, mais il nous permet d’économiser le prix d’une main-d’œuvre que nous avons de toute façon beaucoup de mal à trouver et qui, parfois, manque de compétences », poursuit-il.

Pour l’heure, l’engin n’a pas encore été mis en œuvre dans les vignes, il faut d’abord calibrer les cartes. C’est au plus jeune des associés de la Cuma qu’a été confié le « mapping » – enregistrement des données de localisation qui permettront ensuite au robot d’évoluer en toute autonomie dans les parcelles. « Pour démarrer, nous ciblons quatre-vingts hectares sur les deux cents. Nous avons évité toutes les routes goudronnées et toutes les parcelles où les tournières ne sont pas assez larges pour permettre au robot de manœuvrer en sécurité en bout de rang. » Le robot a beau être habile, il faut le ménager ! Et ce n’est pas Nicolas Frévin qui dira le contraire.

De bugs en déboires

Sa Cuma, à Embreville, dans la Somme, a acquis un robot de désherbage pour la culture des betteraves afin de baisser le coût de la main-d’œuvre sur ce poste gourmand en diable. « Ce robot est capable de supprimer soixante-dix heures de travail à l’hectare et, pour ma part, j’ai pu l’utiliser sur quinze hectares maximum », explique-t-il. Si la première campagne, en 2022, a répondu pleinement aux attentes des deux agriculteurs qui l’utilisent, le contexte climatique y était pour beaucoup. « C’était tellement bien que pour un peu on était prêt à acheter un second robot… »

Mais, l’an passé, les conditions furent complètement différentes et c’est précisément là que les déconvenues firent leur apparition. Avec l’humidité, le froid et la pluie, l’engin n’est plus aussi à l’aise. « Il a fallu qu’on apprenne à attendre que le sol soit suffisamment ressuyé pour qu’il puisse entrer dans les parcelles. Nous avons jonglé avec les “fenêtres” météo. C’est un engin qui avance à 700 mètres à l’heure, il lui faut trente heures pour terminer cinq hectares. Alors on l’a forcé à fonctionner dans de mauvaises conditions »… et ce qui devait arriver arriva, l’engin « a mal travaillé ». Sans compter les bugs informatiques qui viennent parfois bousculer un peu plus le calendrier ou encore la coopérative qui met fin aux contrats de betterave bio. N’en jetez plus, pour 2024, le robot dort dans un hangar. « Nous sommes en pleine réflexion pour voir si nous pourrions mettre en place quelques cultures maraîchères. On a essayé de l’utiliser sur un colza d‘hiver mais c’est un échec. » Là encore, à cause de la météo, de ses fenêtres, mais aussi de la longueur des journées. « L’appareil fonctionne à l’énergie solaire donc, si les journées sont plus courtes, il manque d’autonomie. »

Amorti en cinq à sept ans

Le producteur d’osier Patrick Boyer a, quant à lui, une expérience bien plus positive. « Nous passons une première fois en début de cycle avec le tracteur pour gratter le sol et détruire les adventices. Le robot passe ensuite, en général une fois, pour “rattraper la situation” quand la végétation est trop haute pour permettre au tracteur d’y aller. Sans le robot, nos parcelles ne seraient pas aussi propres. » Question économies, le calcul est assez vite fait. « Vu le coût du travail, un petit robot comme ça, c’est amorti en cinq à sept ans chez nous. Une charge annuelle qui correspond à trois semaines d’un salarié. »

De son côté, Nicolas Frévin, notre cultivateur de betteraves, ne jette pas pour autant le bébé avec l’eau du robot : « Je pense que cet outil peut fonctionner, mais pas chez moi en grandes cultures, admet-il, parce que, si les sols sont un peu croûtés, il n’est pas assez lourd pour faire son travail correctement. » Idem pour les céréales ou le colza. « Dans le maraîchage, le robot a déjà sa place. Pour les autres types de cultures, je pense que le système de “tracteur esclave”7 a davantage d’avenir. » Son amertume est d’autant plus grande que la subvention attendue pour l’achat de l’engin n’a finalement pas été accordée et qu’il revient à la Cuma d’en supporter la totalité de l’amortissement…

« Le robot me parle »

Si les machines sont vendues pour être autonomes, elles ne le sont pas forcément encore pleinement. « Au début, il fallait être présent dans la parcelle et avoir l’œil sur le robot. En revanche, depuis qu’il a intégré la technologie RTK, il faut vraiment qu’il ait un problème pour avoir besoin de nous. Je suis dans la même parcelle que lui, mais je fais autre chose. Comme je l’entends travailler, ça me rassure », explique l’osiériculteur Patrick Boyer. Nicolas Frévin abonde : « Au lieu d’aller biner les betteraves, on surveille le robot dans la parcelle. On n’est pas forcément complètement libre mais on peut travailler à côté ».

Le vigneron Jean-Marie Santacreu n’envisage pas autre chose pour le moment : « On ne sera jamais loin quand le robot travaillera dans les parcelles. Il reste encore pas mal de choses à comprendre à l’outil, pour déterminer la meilleure manière de l’utiliser en fonction de ses capacités et l’intégrer dans les chantiers. Il faudra sans doute aussi que nous nous adaptions à l’outil ! » Ce qui frappe dans les témoignages, dont celui de Patrick Boyer, c’est que le robot semble avoir un statut un peu particulier au milieu des engins, différent en tout cas… « Le tracteur, c’est juste un outil ; le robot, lui, me parle, il m’envoie des SMS quand il a un problème. Mais bon, il n’est quand même pas bien bavard », sourit-il.

Trois types de rapports au robot

C’est grâce à l’antériorité des robots de traite que l’on peut se faire une idée de l’acceptation du robot dans les exploitations, explique le chercheur Bruno Tisseyre : « En gros, les études sur le sujet distinguent trois types de rapport aux robots et à leur utilisation. Le premier groupe va le plébisciter parce qu’il permet de dégager du temps pour des tâches ressenties comme plus intéressantes ou gratifiantes, l’observation du troupeau par exemple… Le deuxième groupe est un peu plus mesuré et regrette que le robot mette de la distance entre l’éleveur et les animaux mais il sait s’accommoder de cet engin. Enfin, le troisième groupe, très minoritaire mais il existe, réunit des éleveurs qui, après avoir mis en place un robot, ont fini par faire machine arrière au motif, justement, que cela les sépare de leurs animaux. »

Et puis, il y a le regard des voisins qui peut être façonné par la manière de présenter l’engin et ses fonctions : « Quand nous avons acquis le robot, raconte Patrick Boyer, nous avons essayé de présenter cela comme une avancée, nous avons fait de la communication positive. Notre exploitation est perçue comme vertueuse mais cela n’a pas encore convaincu nos collègues dans le secteur. Certains ont des outils de grattage du sol pour désherber, mais ils travaillent encore beaucoup avec les produits phytosanitaires. » Les consommateurs, pour leur part, seront-ils enclins à accepter les robots dans les champs ? La technologie ne va-t-elle pas heurter les représentations à l’œuvre ? Il faudra en passer par un travail de pédagogie, estime Bruno Tisseyre, apprendre des erreurs du passé pour « éviter de voir surgir un label garanti sans robot, sourit-il. Mais il faut aussi garder à l’esprit qu’on ne pourra probablement pas faire sans, sauf à délocaliser certaines productions… »

« Do it yourself »

Si les robots sont des concentrés de technologies, ils sont aussi porteurs de technologies « fermées », propriétés des grandes firmes et donc susceptibles de renforcer le lien de dépendance des agriculteurs aux constructeurs. On se souvient de l’action engagée voici quelques mois par des propriétaires d’engins John Deere qui ont intenté une class action contre le fabricant américain8 pour avoir le « droit de faire réparer » leurs matériels hors des concessionnaires agréés. C’est contre cet effet pervers que s’est construit l’Atelier Paysan en France. Cette coopérative possède trois sites, son siège en Isère, un en Bretagne et un autre dans l’Aude, auxquels s’ajoutent sept camions ateliers qui permettent de dispenser des formations ou des ateliers éphémères, tous dédiés à l’autoconstruction : « Nous intervenons aujourd’hui dans tout le monde francophone ou presque, précise Hugo Persillet, responsable du pôle animation et mobilisation paysanne de la structure. Nous formons entre 500 et 700 paysans et paysannes par an. Nous les accompagnons depuis la conception jusqu’à la construction de leurs outils, puis nous mettons les plans à disposition, en accès libre. »

Dans l’atelier audois, Olivier Fouquet, vigneron à Villerouge-Termenès, met la dernière main à la construction d’un four à pain. « C’est un projet que nous avons élaboré avec des amis néoruraux installés depuis cinq à six ans : monter un atelier paysan-boulanger. Nous avons trouvé trois hectares de terres pour commencer et là on concrétise en construisant un four. On avait regardé du côté du neuf, mais cela ne nous correspondait pas forcément. Et puis moi, depuis que je suis installé, j’ai toujours fait avec du matériel d’occasion, utile et efficace, ça permet de ne pas trop investir. Venir ici permet de construire un outil qu’on a choisi, qui a été pensé par des gens du métier, corrigé à plusieurs reprises – c’est la sixième version je crois – et que nous pouvons adapter à nos propres besoins », justifie-t-il. Et l’affaire n’est pas plus chère ! 3 600 euros pour les pièces nécessaires, la formation étant prise en charge par Vivea, contre 3 à 4 000 euros pour du neuf, pas forcément adapté aux besoins.

Garder la main

Ce four est construit sous la houlette de Léo Serre, formateur de l’Atelier Paysan depuis quatre ans. Il a quitté une entreprise toulousaine de fabrication de matériels agricoles pour rejoindre la coopérative. Une décision qu’il qualifie à la fois d’idéologique et de politique : « On produisait des machines très chères, très technologiques et pointues. Moi qui suis issu d’une famille d’agriculteurs, j’étais perplexe sur la proposition que nous faisions… Ma famille n’aurait jamais été en mesure d’acheter ça et aurait complètement perdu la main sur la machine… » On est là à l’os de la démarche. « Ici, on apprend à autoconstruire tout ce qui est technique hors de l’agronomie : l’électricité, la charpente, le travail du métal, la mécanique…, poursuit-il. On peut bricoler beaucoup de choses, des petits outils, des tarières, des brouettes mais aussi des outils attelés derrière des tracteurs, des outils de traction animale, des fours à pain. En partant souvent de zéro en termes de compétences et avec des plans de machines qui ne sont pas toutes au même stade de maturité. »

Animatrice de l’atelier de Félines-Minervois, Kristel Moinet en témoigne : « Ce qu’on fait attire beaucoup. Nous touchons aujourd’hui des profils assez différents, pas forcément que des militants. Certains veulent simplement reprendre leurs outils en main car acheter un outil onéreux peut les bloquer dans leur système de production. » Pour que le projet soit accompagné par l’atelier, il doit néanmoins avoir une qualité essentielle : être reproductible. « S’il n’est pas utilisable par une autre ferme, alors c’est qu’il y a un problème dans l’itinéraire technique, lequel a dû créer une dépendance qui n’est pas compatible avec le projet des fermes en agroécologie », tient à préciser Hugo Persillet. Les limites ? « On va les trouver dans les productions les moins poussées en agroécologie. Les grandes cultures en particulier, parce que le contexte socioéconomique dans lesquelles elles sont intégrées rend difficile de se passer de l’appareillage technique. Mais cela commence à arriver avec le mouvement des paysans-boulangers qui mettent en œuvre des matériels reproductibles et low-tech. »

Mobilisation citoyenne

Si le mouvement a commencé par le maraîchage et si c’est encore aujourd’hui le secteur le plus concerné, les autres productions gagnent du terrain. « Ce qui est le plus frappant aujourd’hui, poursuit Hugo Persillet, c’est l’évolution des porteurs de projets. On est en train de glisser doucement du système de la petite ferme “romantique”, centrée sur le maraîchage et gérée en couple qui fait le marché du samedi, à des projets plus complexes, des installations plus mixtes, associant plusieurs ateliers, des installations collectives se donnant pour mission de nourrir les populations. » À Félines, aujourd’hui, l’ambition est bien de changer de dimension : devenir un tiers lieu et l’ouvrir à un public plus large par le biais des formations. Toujours dans l’idée de rendre accessible la technique et d’augmenter le nombre de paysans sur le territoire. « Notre vivier n’est pas assez large, il faut aller chercher de nouveaux publics », plaide encore Kristel Moinet. D’autant que le projet de l’Atelier est éminemment politique, explique Hugo Persillet : « Nous intervenons aussi auprès du grand public : face à l’éventualité d’une robotisation totale de l’agriculture, les paysans ne sont pas assez nombreux pour peser, c’est comme pour les OGM, il faut y adjoindre une mobilisation citoyenne. »


La robotique et l’agroécologie

Quels sont les enjeux pour les robots aujourd’hui ?

Cédric Seguineau : Il y en a plusieurs, la santé par exemple, rappelez-vous que les engins agricoles sont des outils dangereux et plus on s’en tient loin, moins le risque d’accident est grand. Une machine qui travaille sans avoir besoin qu’un opérateur s’en approche permet de réduire l’exposition aux risques (mécaniques, chimiques). Le deuxième argument, c’est que le robot peut prendre en charge des tâches pénibles, répétitives, qui sont à risque de troubles musculosquelettiques. La robotique a à offrir une palette de solutions pour rendre le travail soutenable.

Et vous insistez sur l’enjeu de la transition écologique…

Cela fait plus de trente ans que les chercheurs y travaillent. Ils ont développé des solutions mais on ne parvient toujours pas à surmonter le changement d’échelle. Pourquoi ? Parce que cela met en jeu des questions de coût de revient, de main-d’œuvre, de techniques. Les robots peuvent, à mon sens, jouer un rôle important dans ce changement d’échelle en le rendant possible.

Mais les robots posent aussi la question de la dépendance à l’outil…

Effectivement, c’est un phénomène qu’on a vu à l’œuvre avec la mécanisation, les produits phytosanitaires… Il peut y avoir cette tentation chez les constructeurs de robot de faire « comme avant ». On remplace un équipement conventionnel par le même, sans cabine. Mêmes pratiques, mêmes impacts négatifs sur la soutenabilité de l’agriculture. Et on rajoute une couche d’endettement chez les agriculteurs. La robotique, si elle est réellement pensée comme une solution pour faire de l’agroécologie ou simplement pour accompagner la transition écologique, a le mérite de questionner ces modèles peu soutenables.


Entre deux rangs, le juste milieu ?

Entre le low-tech et le robot qui ramasse des pommes avec des drones, il y a un peut-être un espace à explorer, esquissé par Bruno Tisseyre et mis en œuvre au Clos de Paulliles, une propriété viticole du cru banyuls, propriété de la Maison Cazes à Rivesaltes. Là, les vignes sont face à la mer, cultivées en bio, donc sans recours possible au désherbage chimique mais avec une pente telle que même l’usage d’un tracteur chenillard y est trop dangereux. La pioche resterait la seule possibilité s’il n’y avait… la bidouille ! La Maison Cazes a ainsi acquis un petit robot télécommandé, à l’origine développé pour nettoyer les talus d’autoroute. « C’est un engin facile à transporter en camion d’une parcelle à l’autre et c’est simple à piloter. Mais ce n’est pas un robot autonome au sens où on l’entend, l’opérateur reste à proximité même si le rayon d’action va jusqu’à 150 mètres. Je ne suis pas sûr que l’on pourra un jour disposer de solutions autonomes pour nos parcelles si particulières », précise Quentin Mayer, chef de culture du Clos Paulilles. Surtout, les ateliers du domaine ont créé et adapté un cadre denté spécifique pour que le robot puisse désherber. « L’engin avance à trois kilomètres à l’heure seulement, mais gagne beaucoup de temps par rapport à un chenillard. » En vitesse de croisière, l’engin permet de travailler cinq fois plus vite qu’à la main. Compte tenu du travail manuel économisé, l’amortissement est expéditif. Un à deux ans, selon Lionel Lavail, directeur général de la Maison Cazes. Il retient également l’amélioration des conditions de travail : « Nos salariés sont formés à conduire un engin radioguidé, pas à manier une pioche. Ils veulent tous le faire. »

Gros sous

Le marché de la robotique agricole a attiré nombre de capitaux dans des levées de fonds importantes ces dernières années. Même si des échecs ont été enregistrés, les projections voient le marché mondial du secteur progresser de 17 % par an d’ici à 2030. Il pourrait ainsi passer de 63 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022 à… 218 milliards à la fin de la décennie. Le contexte est favorable, soulignent les analystes. Car il combine les problématiques de main-d’œuvre, d’agriculture de précision, de réduction des intrants et d’augmentation de la population mondiale à nourrir. Le tout dans un écosystème qui associe startups et majors de la machine agricole.

Lire aussi

  1. Littéralement, « basse technologie ». En clair, des technologies simples.
  2. Court-métrage de Sergey Vasilyev, 4 minutes, 19 novembre 2020 (Russie).
  3. https://www.lagri.fr/robots-apres-tout-par-yann-kerveno
  4. LIDAR pour LIght Detection And Ranging, système de guidage par Laser.
  5. RTK pour Real Time Kinematic, système de positionnement par satellite.
  6. La Cuma a bénéficié d’une subvention de 100 000 euros dans le cadre du plan France Relance.
  7. La technologie dite « maître-esclave » consiste à jumeler un ou plusieurs engins, des tracteurs par exemple, qui travaillent simultanément sous la houlette d’un seul conducteur. C’est un moyen d’augmenter la cadence de travail mais aussi de limiter le poids et donc la puissance réclamée.
  8. https://www.reuters.com/legal/litigation/deere-must-face-us-farmersright-to-repair-lawsuits-judge-rules-2023-11-27/

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