Sciences et société, alimentation, mondes agricoles et environnement


Quel heurt est-il ?

Publié le 16 janvier 2018 |

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[Bien-être animal] La loi et l’éthique (2)

Par Sylvie Berthier. [article précédent]

Dès lors, faut-il s’étonner qu’un tel télescopage entre l’avancée des connaissances scientifiques, le marketing bucolique et les images de maltraitance ne se traduise par des rebuffades de la société ? Poussins vivants hachés menu, poulets claudiquant, poules entassées, truies entravées, animaux assoiffés et affamés, agonie de porcs gazés, coups de crochet sur des agneaux de lait… N’en jetez plus !

Calvaire, vie de misère… Allez expliquer ensuite aux consommateurs que l’Europe dispose de l’une des législations les plus dures au monde en matière de BEA. Et que dire aux militants qui s’étonnent du décalage abyssal entre les besoins fondamentaux des animaux et de telles conditions d’élevage : « Dérapage » ? Non, répondent-ils, « déraison ».

Pourtant, la question du BEA n’est pas nouvelle en Europe. En 19761, le Conseil de l’Europe ratifie la convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages. Le principe des cinq libertés, émis en 1992 par le Farm Animal Wefare Council, sert de base à la législation communautaire : un animal ne doit pas souffrir de faim ou de soif, d’inconfort, de douleurs, de blessures ou maladies, doit pouvoir exprimer les comportements propres à l’espèce et ne pas éprouver de peur ou de détresse. La Directive 98/58/CE vient ensuite préciser les conditions à respecter, selon les espèces et leurs besoins physiologiques et éthologiques, en accord avec les connaissances scientifiques. A chaque pays de traduire enfin les directives européennes en décret et décider d’aller plus loin, ou non.

Etrangement, aucune loi communautaire ne protège les bovins, les canards, les poissons ou les lapins2, mais le triste sort de cette dernière espèce, dont 99% des animaux sont détenus en cage – un record -, pourrait changer prochainement. En mars, les députés européens votaient en faveur de « l’élaboration de “normes” pour améliorer le bien-être de ces mammifères (…) élevés dans des conditions cruelles», écrit Audrey Garric, dans le Monde.

La France, mauvais élève ?

Dans ce contexte européen, comment se comporte la France ? Avec un pourcentage de fermes non conformes aux règles du BEA plus élevé que dans d’autres pays européens, elle ne fait pas figure de premier de la classe… Au tableau des infractions, déjà, la souffrance. Car si le règlement européen stipule qu’elle doit être « réduite au minimum pendant toute la durée de vie de l’animal, y compris lors de l’abattage », trop de pratiques douloureuses perdurent dans l’Hexagone, principalement  l’écornage des vaches, l’épointage du bec des volailles ainsi que la coupe de la queue, des dents et la castration à vif pour 85% des porcelets.

« En fonction du degré de sévérité des non conformités, des sanctions peuvent aller jusqu’à l’arrêt de l’élevage quand les animaux sont en perdition… et les éleveurs aussi. Mais il vaut mieux informer et former en amont que de sanctionner des hommes qui sont parfois en infraction sans le savoir », estime I. Veissier. Suite à cette difficulté de faire appliquer les règles et à la multiplication des pétitions citoyennes, l’UE lançait, en juin 2017, une plateforme 3 sur le BEA, et demandait aux Etats de se doter de Centres Nationaux de Référence en la matière. En France, c’est à l’Inra que revient le portage du projet de ce centre. Mission : partage des connaissances avec les acteurs œuvrant avec les animaux, diffusion des résultats de la recherche et des innovations techniques, appui scientifique et technique et constitution d’un centre de ressources pour la formation sur le bien-être et la protection animale. Un mieux, certainement. Pas sûr pour autant que cela suffise à calmer les pourfendeurs des normes welfaristes accusées d’être pensées pour les élevages conventionnels.

La suite

https://revue-sesame-inra.fr/bien-etre-animal-peau-de-chagrin-3/

 


 

  1. http://www.animaux-de-ferme.com/lycee-agricole-enseignement-agriculture-productions-animales-bien-etre-animal-reglementation.html
  2. http://ecologie.blog.lemonde.fr/2017/03/14/le-parlement-europeen-se-prononce-pour-la-fin-des-lapins-en-cage/
  3. http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-17-1426_fr.htm?locale=FR

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One Response to [Bien-être animal] La loi et l’éthique (2)

  1. 1011 dit :

    Petite contribution artistique à votre article et surtout à votre appellation « marketing bucolique » que j’aime beaucoup car c’est bien de cela qu’il s’agit !
    Plasticienne engagée, j’ai réalisé une série de dessins intitulée « Pouvoir d’achat ». Absurdité et cynisme des mots utilisés pour l’étiquetage des barquettes de viandes. Cette série de dessins aux crayons de couleur reprend mot pour mot les étiquettes des communicants de l’agroalimentaire. Affligeant comment les slogans font avaler n’importe quoi …

    A découvrir : https://1011-art.blogspot.fr/p/dessein.html

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