Un feuilleton de Stéphane Thépot.

( [Autruches] Plus dangereuses que des Toros (4/7) - Revue SESAME


Croiser le faire

Published on 23 mai 2017 |

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[Autruches] Plus dangereuses que des Toros (4/7)

Un feuilleton de Stéphane Thépot.

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En France, les autruches ne sont toujours pas considérées comme des animaux domestiques. Contrairement à des pays européens voisins, comme la Belgique, les ratites demeurent des oiseaux exotiques qui ne peuvent être consommés que parce qu’ils sont assimilés à du gibier. « Mes autruches dépendent toute leur vie du ministère de l’Environnement et ne deviennent du bétail agricole que lorsqu’elles sont passées à l’abattoir », résume un éleveur. Aux yeux de la plupart des producteurs, ce statut particulier est source de complications supplémentaires. Concrètement, cela signifie qu’il faut passer un examen particulier et décrocher un certificat de capacité délivré par le ministère, comme les zoos, pour détenir des autruches en captivité. A défaut, l’éleveur s’expose aux mêmes amendes qu’un particulier qui élèverait un sanglier ou un loup à son domicile. « J’ai passé mon certificat de capacité en même temps que le vicomte de La Panouse », s’amuse Thierry Miquel à Najac (Aveyron). Le créateur du parc animalier de Thoiry avait en effet décidé de montrer quelques lions autour de son château familial dans l’Aveyron, ouvert au public, quand cet éleveur de veaux sous la mère eut l’idée d’ajouter quelques autruches dans sa ferme pour attirer les touristes. « Les examinateurs n’avaient sans doute jamais vu un lion ou une autruche de leur vie », se moque gentiment Thierry Miquel.

A l’autre bout du département, son homologue de Conques n’a pas envie de sourire quand il se remémore ses déboires avec l’administration. Le souvenir le plus cuisant de Christian Vigouroux est cette convocation à la gendarmerie, alors que cet éleveur consciencieux pensait avoir tout fait dans les règles. Si on applique le règlement à la lettre, il faut effectuer un stage de trois ans après l’obtention du certificat de capacité avant de pouvoir se lancer dans un élevage à son compte. Dans sa grande magnanimité, le ministère de l’Environnement accorde un « sursis » d’un an aux éleveurs professionnels. Christian Vigouroux ne conteste pas le principe d’une formation, « surtout pour les gens qui ne viennent pas du milieu de l’élevage », mais il considère ces délais comme totalement exorbitants. L’éleveur de Conques est d’autant plus amer que son cousin de Bozouls, qui a passé son certificat de capacité en même temps que lui, n’a jamais été inquiété par des fonctionnaires tatillons. « Il y a deux poids deux mesures », s’indigne Christian Vigouroux.

Anne-Marie Brisebarre approuve. « On a mis beaucoup de bâtons dans les roues des producteurs », déplore l’anthropologue. Elle ne s’est pas privée pour le souligner lors d’un colloque professionnel en 2011 : « L’application de la réglementation ayant trait à l’élevage et à l’abattage des autruches est confiée aux administrations locales, agricoles et vétérinaires. Or on constate une extrême variabilité dans les rapports entre les éleveurs et ces administrations. Je ne citerai ici que des situations extrêmes constatées lors de mes enquêtes : certains élevages sont contrôlés très fréquemment, trop selon leurs propriétaires qui voient dans cet intérêt de l’administration de la méfiance ou même la recherche d’une infraction à réprimer ; d’autres, une fois l’élevage agréé, n’ont plus d’interlocuteur et semblent totalement oubliés ».

La principale justification de ces contrôles jugés disproportionnés tient à la nature sauvage de l’autruche, qui pourrait s’avérer être un animal dangereux. Les éleveurs eux-mêmes conviennent qu’un oiseau de cette taille ne se manipule pas comme un poulet. Les mâles sont réputés les plus agressifs. Dans la nature, ils seraient capables d’éventrer un lion avec la griffe située à l’extrémité de l’un des deux « doigts » au bout de leurs pattes, surpuissantes. Dans les élevages, il arrive qu’un mâle dominant tue un rival, voire une femelle dont il ne veut pas. A Conques, Christian Vigouroux met régulièrement en garde ses visiteurs avant de les amener faire le tour de ses parcs, soigneusement grillagés. Pas question de pénétrer à l’intérieur. « C’est surtout pour dissuader les gens de faire n’importe quoi », avoue l’éleveur aveyronnais. Supportrice convaincue de la cause des éleveurs, Anne-Marie Brisebarre fait mine de s’interroger : « Pourquoi demander un certificat de capacité pour des autruches, mais pas pour élever des toros de corrida » ?

(Suite.)




One Response to [Autruches] Plus dangereuses que des Toros (4/7)

  1. ONAINA FABIEN says:

    ONAINA FABIEN says:
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    30 juillet 2017 at 10 h 19 min

    Nous sommes des Groupements Agricoles en Afrique Subsaharienne Au Cameroun et au Tchad et nous souhaitons développer une Coopératives pour. l’élevage des Autruches avec vous au Tchad et au Cameroun à une échelle Industrielle.
    Nous serons très heureux de recevoir les informations sur l’élevage des Autruches et sur les conditions éventuelles de notre probable coopération. Nos Contacts. +23566337510,+237674757208,+235 65597478

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