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Croiser le faire

Publié le 23 janvier 2018 |

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Vieux cépages : La renaissance (2)

Par Yann Kerveno (artice précédent).

À deux doigts de la disparition, les vieux cépages sont aujourd’hui sauvés par le contexte. L’union de coopératives Plaimont a entrepris depuis la restauration de certains de ces cépages qui présentaient un intérêt particulier. Le premier à avoir été sauvé, c’est le manseng noir une curiosité dans cette Gascogne où les blancs sont rois. « C’était intéressant pour nous de pouvoir retrouver un cépage local, rouge de surcroît, pour compléter la gamme des Côtes de Gascogne » détaille-t-elle. A partir d’un pied sauvé – il n’en existait plus que quelques-uns – le patient travail de restauration a permis de remettre le cépage en culture et de développer une cuvée spécifique autour de lui. Moonseng, c’est le nom du vin réalisé, est pour l’instant élaboré par un assemblage manseng et merlot, la part de ce dernier étant vouée à se réduire à mesure que les vignes nouvellement plantées entrent en production. Avec, depuis son lancement, une rupture de stock à chaque millésime pour les dizaines de milliers de bouteilles mises en marché. La parcelle de Sarragachies a également livré un sujet prometteur, appelé tardif parce qu’il est un peu fainéant à mûrir et qu’il expose ainsi ses raisins à la rigueur des premiers grands frimas lorsque l’automne s’avance.

Tardif aléatoire

« Si ces cépages ont été remisés, c’est parce qu’à un moment donné, ils ne présentaient pas d’intérêt pour les vignerons. Il y a toujours une raison objective pour délaisser telle ou telle variété, parce qu’elle ne donne pas les résultats escomptés en rendement, maturité, qualités organoleptiques… Le tardif a été délaissé parce que sa maturité était trop aléatoire. Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, l’avancement des dates de vendanges, il devient de nouveau possible de le cultiver avec des résultats intéressants agronomiquement et œnologiquement… C’est un cépage qui présente un profil très épicé et il est connu dans les archives de Vassal » ajoute Nadine Raymond. Si le tardif intéresse, il se passera toutefois encore quelques années avant qu’il coule dans les gosiers des amateurs avertis. La fin de l’été lui a cependant permis de passer un cap important puisqu’il a été inscrit au catalogue des variétés françaises, ce qui lui donne une existence légale en quelque sorte. Pour pouvoir être planté, il lui faudra maintenant être classé, puis inscrit dans les décrets des appellations qui le désirent pour entrer dans la composition des vins AOC.

Un mouvement assez vaste

La pluie n’a pas faibli lorsque nous nous garons le long d’une parcelle de vigne, encore une fois un peu à l’écart de la route. C’est le conservatoire sur lequel Nadine veille jalousement et qui sert de vivier de conservation et d’observation. La parcelle s’étale sur environ un hectare et compte trente-sept cépages différents, chacun d’entre eux étant représenté par vingt individus. « Dans cette parcelle, nous en avons une petite dizaine qui pourrait se révéler intéressante dont le tardif, le Pédebernade n°5 qui, lui, fait très peu de degrés » Depuis la création de ce conservatoire, une nouvelle parcelle a été créée en 2015 pour accueillir trois fois cent pieds de chacun des cépages porteurs de promesse. Ce souci de « conservation restauration » n’est pas propre au seul Gers. L’autre grande cave du Sud-Ouest, Vinovalie, dans le Tarn, a inclus un conservatoire dans son projet de nouveau siège et centre de production. Cette préoccupation dépasse largement nos frontières. En Catalogne, la famille Torres vient de procéder à la première récolte d’un cépage qu’elle a sauvé par un travail similaire sur deux décennies. La première vendange commerciale du moneu, une variété particulièrement adaptée à la sécheresse, a été achevée en septembre avec des promesses intéressantes selon l’entreprise qui a mis en conservation une grosse quarantaine de cépages catalans, dont six à huit pourraient connaître le même sort que le moneu, le manseng ou le tardif.

L’intérêt de l’INAO.

Emmanuel Cazes, vigneron des Pyrénées-Orientales est aussi membre de la commission technique de l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO). Il confirme l’engouement pour les cépages anciens dont les dossiers d’inscription dans les décrets d’appellation tombent comme à Gravelotte. « On a vu le monbadon, un cépage à distiller à Cognac ou l’hybride caladoc, qui n’est pas un vieux cépage, mais qu’on commence à voir poindre dans les cahiers des charges. Les appellations vont chercher des cépages plus ou moins anciens pour plusieurs raisons. La première, c’est la recherche de segmentation commerciale, la deuxième est liée aux aptitudes techniques de ces cépages, moins d’alcool, plus d’acidité… Mais il faut relativiser, si ces variétés ont été abandonnées, c’est bien parce qu’à un moment de l’histoire, elles n’ont pas donné de bons résultats. Mais globalement, c’est intégré de manière assez favorable par l’Inao. »


Découvrez comment tout le travail d’exploration et de conservation a commencé avec André Dubosc, ancien directeur de Plaimont Producteurs.

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