Sciences et société, alimentation, mondes agricoles et environnement


Les échos & le fil Paysage ©Yann Kerveno

Publié le 4 décembre 2024 |

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Une copie (bas) carbone

Alors que les tracteurs doivent sortir de nouveau dans les jours qui viennent, vient d’être publié un nouveau rapport sur l’agriculture sous la plume du Shift Project de Jean-Marc Jancovici. L’occasion pour Sesame d’aller voir de quoi il retourne. Il y a deux documents, le premier, une synthèse d’une vingtaine de pages, puis l’étude proprement dite, forte de 250 pages environ, annexes comprises. Intitulé « Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère » ce rapport échafaude, à la suite de constats très objectifs, quatre scénarios pour le futur. Un exercice formel revendiqué comme non exhaustif puisque plusieurs dimensions n’ont pas été explorées : la santé humaine, la microéconomie des fermes, le bien-être animal et les réflexions territoriales (précision apportée page 19 de l’étude).

L’enjeu, c’est d’abattre 48 millions de tonnes d’équivalent CO2 (en émission directe) d’ici à 2050 pour le secteur agricole. Trois premiers scénarios dessinent  des trajectoires avec des finalités différentes :  la première pour atteindre, en plus de la réduction des émissions, une meilleure autonomie alimentaire et nationale, la deuxième pour une meilleure indépendance énergétique nationale et la troisième enfin, une contribution à la sécurité alimentaire mondiale. Autant de chemins  qui conduisent à une réduction drastique des cheptels de ruminants et mêmes de monograstriques (avec un risque, souligné, de report de la consommation sur les produits d’importation).

Moins d’élevage

Dans un quatrième scénario, le rapport propose une synthèse des trois premiers, une « conciliation ». En reprenant pour objectif la réduction des émissions indirectes et l’effacement des émissions directes par du stockage de carbone, la sortie des énergies fossiles et l’autosuffisance énergétique tout en « contribuant à la résilience de la société, décarbonation extra-sectorielle, préservation de la biodiversité et de la ressource en eau ». Dans cette voie de synthèse, les pistes majeures sont celles du développement des surfaces de cultures de légumineuses et une évolution majeure de l’élevage combinant diminution des effectifs et extensification. Moins 20 % pour les ovins et les monogastriques, moins 25 % pour les bovins viande et moins 30 % pour les bovins lait. Selon les auteurs, ce scénario permet de faire reculer les émissions de GES, de couvrir les besoins alimentaires domestiques tout en conservant une capacité d’export sur les céréales.

Panoplie d’outils

Les auteurs reconnaissent ensuite que si les agriculteurs sont prêts à s’adapter, dans leur très grande majorité, ils ne peuvent « supporter à eux seuls la triple responsabilité des conséquences de choix politiques passés, de l’adaptation de leurs pratiques au changement climatique et de la prise de risque financière associée, sans leur garantir un niveau de revenu suffisant et les protéger de la concurrence internationale. » Nous avions déjà abordé ce sujet d’ailleurs dans Sesame, ici et . Ces mêmes auteurs posent donc en prérequis d’assumer et d’accompagner l’augmentation des coûts de production, d’agir « sur la demande pour qu’elle réponde à la production », en clair , il faut qu’il y ait une bonne adéquation pour éviter le report sur les importations et privilégier l’emploi de mesures incitatives plutôt que punitives.

Techno, recherche…

On trouvera là donc toute une panoplie d’outils connus, parfois réclamés de longue date, dont le déploiement, dans le cadre de la PAC, de soutiens contracycliques, pour retirer du marché ce qui doit être consommé sur place et une contractualisation pluriannuelle avec l’aval des filières. C’est ainsi que c’est écrit. Les auteurs recommandent également de « mieux connecter la recherche et l’activité agricole » ainsi que de recourir à la recherche et à la techno pour atteindre les objectifs climatiques, énergétiques et environnementaux. Bref, pour qui ne connaît pas le sujet, la synthèse est une bonne approche, pour qui le connaît, l’étude complète permet une lecture critique. En complément, on pourra aussi lire les deux sous-rapports consacrés à l’innovation technologique en agriculture ainsi qu’à l’emploi et la formation.

Accueil favorable

Les conclusions de ce rapport ont été plutôt favorablement accueillies par le monde agricole, c’est suffisamment rare pour être souligné, au cours d’un grand oral, FNSEA et Confédération paysanne en tête… Même si l’absence du volet économique et des questions de rentabilité affaiblit l’exercice, comme le souligne la presse qui salue toutefois l’approche pragmatique des travaux. Pour devenir incollable sur le sujet, on peut aussi se reporter aux travaux précurseurs de Solago (Afterres) qui parvient peu ou prou aux mêmes conclusions au moins sur l’étroitesse de la voie selon Christian Couturier. Mais avec une divergence sur les moyens, Solagro mise majoritairement sur le bio, Shift Project sur l’agriculture de conservation, explique-t-il.

Maintenant, il sera intéressant de pouvoir plonger dans les résultats de la Grande consultation organisée par le think tank Shift Project qui annonce 7 700 réponses. Ils seront dévoilés le 12 décembre prochain mais semblent d’ores et déjà montrer un monde agricole inquiet de son futur et du changement climatique. On s’en serait douté.

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