Les échos & le fil

Published on 29 mars 2019 |

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Les échos #12-2019

Par Yann Kerveno

Vous savez quoi ? Du glyphosate, on n’a pas fini d’en bouffer. La justice américaine s’en mêle et vient de condamner en première instance Monsanto-Bayer à une forte amende en reconnaissant la responsabilité du round-up dans le déclenchement d’un cancer, puis la responsabilité de l’entreprise dans sa volonté de manipuler l’opinion. C’est le deuxième procès perdu par Monsanto-Bayer, mais le groupe a fait appel de la première condamnation. En France, un autre procès moins médiatique reconnaît aussi la responsabilité des pesticides (mais on ne sait pas lesquels) dans la maladie de Parkinson d’une ancienne employée agricole. Maintenant, pour parvenir, peut-être, à se forger une idée « définitive », il faut attendre la communication des documents qui ont servis à l’Autorité européenne de sécurité sanitaire à élaborer ses avis, ainsi que la justice lui a intimé.

Finalement dans ce dossier, à force de gratter, on va finir par tomber sur l’os ; il y a cette étude de 2015 qui explique comment on peut arriver à des conclusions divergentes ou ce document mis en ligne par un chercheur, Marcel Kuntz, qui ne cesse de pester contre le procès fait au glyphosate. Il est allé regarder de plus près le travail du CIRC, seule institution à avoir classé la molécule comme cancérogène pour l’homme, à l’instar de la viande rouge d’ailleurs. Et y a découvert des conflits d’intérêts qui n’auraient pas dépareillé dans l’autre camp, celui qui défend le glyphosate. Bref, on n’est pas sorti de l’auberge.

Finalement, le thème des prochaines Controverses européennes (16-18 juillet à Bergerac, organisées par la Mission Agrobiosciences) fournira probablement l’occasion de plancher sur cette question. Comment dans un même journal (Le Monde en l’espèce), peut-on d’un côté refuser de voir ce que dit la science sur le glyphosate et s’appuyer de l’autre sur la science pour taper sur les anti-vaccins ? Question d’image ? De représentations ? Si le sujet (des vaccins) vous intéresse, La Méthode scientifique a proposé une émission cette semaine sur ce mouvement des anti.

Remarquez, ce qui est pratique avec toutes ces actualités, c’est qu’on a de quoi occuper les discussions du repas dominical, il n’y a qu’à plonger dans les différentes polémiques pour assurer un déjeuner agité ! Tiens par exemple, et si l’élevage n’était pas aussi producteur de gaz à effets de serre qu’on veut bien le dire ? On peut aussi lancer le sujet de la productivité de la ferme France, l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture vient de publier un document synthétique qui offre une photographie de l’agriculture française en 2019. Vous pouvez aussi vous baigner dans cette fiction qui imagine un monde sans glyphosate (mais vous serez surpris quand même !) pour alimenter vos débats.

Tiens, à propos de pesticides, il y a aussi ce papier de France Culture qui remet quelques trucs en place, mais vous pourrez aussi préférer disserter sur l’apport du XVIIIe siècle dans l’histoire de l’agriculture française ou encore sur la proposition de la candidate à l’investiture démocrate, aux États-Unis. Elizabeth Warren a en effet publié une plateforme où elle propose d’en finir avec l’agrobusiness parce que les agriculteurs peuvent aujourd’hui travailler dur, faire tout correctement et ne pas parvenir à s’en sortir et que c’est à cause des décisions prises à Washington toujours en faveur du « big business ».

On pourra aussi lire cette excellente analyse dans La Vie des Idées sur le malaise du monde agricole. Analyse qui recense trois spirales dépréciatives mortifères à l’œuvre depuis trois décennies. Plus les agriculteurs sont productifs, moins ils sont nombreux, moins ils sont considérés par la société, plus ils sont contestés et critiqués.

Les deux auteurs prennent ainsi l’exemple du glyphosate et concluent : « Deux camps aux positions désormais très tranchées s’affrontent et ne s’écoutent plus pour savoir si oui ou non les agriculteurs peuvent continuer à utiliser cette molécule. Chacun des groupes est enfermé dans des positions toujours plus radicales et extrêmes et aucun dialogue n’est possible. Promouvoir le glyphosate revient à tuer la planète, interdire cette molécule revient à tuer l’agriculture française. Les groupes sont polarisés et rentrent en conflit, aucun progrès collectif ne se dessine » écrivent Thomas Roulet et Bertrand Valiorgue.

C’est peut-être, modestement, ce qu’essaye de faire la Revue Sesame, remettre de la complexité dans des débats trop tranchés. En revanche, nous n’avons pas la recette miracle pour que les uns et les autres s’écoutent, mais nous y travaillons.


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One Response to Les échos #12-2019

  1. jean-marie bouquery says:

    OK, on “bouffe” de la monsantinisation du débat, soit ! On compte sur un sésame d’épidémiologie pour nourrir l’opinion.

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