Les échos & le fil Pas assez ? Trop d'Europe ? Les avis sont tranchés © archives Yann Kerveno

Published on 29 mai 2024 |

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Europe : faites vos jeux !

La PAC pèse, les agriculteurs bien moins. À 10 jours de l’élection européenne qui renouvellera le parlement, comment les agriculteurs se positionnent face aux propositions des partis ? Comment les partis abordent les enjeux agricoles (qui dépassent ceux de la PAC). On essaye d’y voir un peu clair dans ce fil du mercredi 29 mai 2024.

Visuel : Pas assez ? Trop d’Europe ? Les avis sont tranchés © archives Yann Kerveno

Même si les agriculteurs occupent désormais une portion congrue du corps électoral européen, les manifestations « continentales » du début de l’année ont remis la question agricole sur le devant de la scène. En organisant un genre de grand oral hier mardi 28 mai, Réussir-Agra, le Cevipof, l’Ensat de Toulouse et la FNSEA ont permis d’en savoir, un peu, plus sur les ambitions des six principales listes en lice pour les Européennes du 9 juin. Et d’en tirer plusieurs enseignements, si tant est qu’on peut résumer plus de trois heures de palabres avec les interventions de Gilles Pennelle (Rassemblement National), Olivier Clelant (Reconquête), Christophe Clergeau (PS), Céline Imart (LR), Jérémy Decerle (Renaissance), Claude Gruffat (EELV), Aurelie Trouvé (LFI). Tous candidats à des positions diverses sur les listes, à l’exception de la représentante de LFI.

Un débat européen à travers le prisme français

Le premier et principal enseignement étant qu’en la matière, il est difficile d’avoir, comme on s’y attendrait, une discussion « européenne ». Car très souvent c’est par le prisme français que les débats ont abordé la question européenne et celle de la PAC. Quasi impossible par exemple pour Aurélie Trouvé de s’extraire du débat sur la Loi d’orientation agricole dont le vote solennel intervenait quelques heures plus tard. Impossible pour la plupart des autres candidats de s’extraire d’une position de « défense de l’agriculture française » contre le reste du monde et… contre le reste de l’Europe. Passons.

On retrouve sans surprise les grands clivages classiques dans cette campagne mais quelques sujets semblaient faire l’unanimité. Le point le plus convergent étant sans nul doute celui des accords de libre-échange dont on réclame ici la suppression, là la réécriture avec des règles plus protectionnistes, des clauses miroir, ou encore carrément l’extraction de l’agriculture des négociations, etc. En filigrane, c’est aussi la question de la souveraineté alimentaire qui fait, relativement consensus tout comme la défiance assez marquée face à la commission qui apparaît souvent comme autoritaire face au parlement. Et pas forcément bien inspirée à en croire les récriminations.

Oppositions politiques droite-gauche

Pour résumer —si droite et gauche ont encore un sens à l’échelle de l’Europe où le jeu des alliances peut brouiller le canevas— à droite on retrouve l’envie de défoncer le Green deal et Farm to Fork, l’écologie punitive, la normalisation excessive, et celle de mettre l’économie, la productivité, la liberté d’entreprendre en objectif principal de la prochaine PAC. Ainsi que le rejet a priori de tout élargissement, la question de l’Ukraine est souvent revenue dans les propositions tout comme celle d’aménager la fiscalité pour alléger les charges.

À gauche (écologistes compris) on tape sur la grande distribution, on insiste sur l’image du paysan plutôt que sur celui du chef d’entreprise, on défend le Green deal, le recul de l’usage des pesticides mais on essaye aussi de défendre le revenu des agriculteurs, on remet en cause l’idée des paiements à l’hectare pour privilégier le paiement à l’actif en dépit de la complexité de sa définition et l’on s’attache à défendre une agriculture familiale et/ou paysanne, dégagée de l’emprise de « l’agrobusiness » et impliqué dans une commercialisation en circuit court et de proximité pour « re-territorialiser » la consommation.

En gros. Pardonnez les raccourcis.

Intentions de vote et représentations

En contrepoint, il était aussi intéressant en fin de discussion de jeter un œil au résultat du sondage réalisé par le Cevipof. Pour tenter de comprendre comment la perception de l’Europe par les agriculteurs et les ruraux et la façon dont ils envisagent de voter. Les sondées estiment ainsi que la protection du marché européen, la limitation des normes environnementales et la garantie d’un prix plancher seraient les trois actions majeures pour « soutenir et protéger l’agriculture européenne. »

Globalement, les agriculteurs sont assez critiques avec l’Union qu’ils estiment avoir une influence assez négative sur l’agriculture française. Rien que d’assez prévisible. Par contre, les surprises sont cachées dans les intentions de votes explorées par l’étude. « La variable structure d’exploitation / revenu des agriculteurs explique de moins en moins le clivage » expliquait François Purseigle co-auteur de l’étude avec Pierre-Henri Bono. (Lire aussi la note de lecture de Valérie Péan et Jean-Pierre Poulain sur l’ouvrage de François Purseigle et Bertrand Hervieu, Une agriculture sans agriculteurs. La révolution indicible.)

Le clivage entre les différentes options, écologiste, gauche, centre (?) droite, extrême droite est aujourd’hui plus prononcé par classe d’âge avec une propension nette des plus jeunes vers le RN. Il est aussi marqué par les systèmes de production, les agriculteurs en bio penchant nettement plus vers la gauche que les agriculteurs en conventionnel. L’appartenance syndicale peut aussi être révélatrice, avec une appétence particulière mais non surprenante des sympathisants ce la Coordination rurale ou de ceux du Modef et de la Confédération paysanne pour le bloc écolo/gauche.

Dans leur conclusion, François Purseigle et Pierre-Henri Bono émettent une nécessaire nuance : « Notre enquête sur les agriculteurs et agricultrices témoigne de l’inclinaison à droite de cette population. Cependant, ils ne basculent pas entièrement vers les partis les plus à droite de l’échiquier. Nos résultats rejettent l’idée selon laquelle les positions politiques des agriculteurs se confondraient avec celles de la population rurale. S’ils partagent un ensemble de valeurs communes avec ces derniers, ils continuent de préférer la droite républicaine au RN. »

Sachez enfin, pour finir, que les intentions de vote des agriculteurs sondés mettent Le RN en tête (26,1 % assez loin du vote rural qui atteint 35,1 %). LR et l’alliance Renaissance-Modem-Horizon font jeu égal à environ 14 % d’intention de vote chez les agriculteurs. En quatrième position, on trouve EELV à 8,9 %, devant la liste chasseurs/ruralité (7,7 %), Reconquête (7,4 %) et le PS (6,4 %).

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