Publié le 17 mai 2024 |
0Les échos #15-2024
Les anglais qui s’inquiètent de souveraineté alimentaire, tiens, tiens, une reine batave en Australie, un Farm Bill sous pression des lobbies, des gouverneurs qui veulent sauver la viande des « élites mondiales ». On voyage un peu cette semaine dans les Échos du 17 mai 2024 !
Visiblement, la souveraineté alimentaire est le nouveau concept à la mode, c’est un des points de la campagne électorale européenne en cours, c’est le principal argument brandi pour freiner (à tort ou raison ce n’est pas ici que l’on va en décider) le verdissement des politiques agricoles européennes et il percole jusqu’à la, pourtant très libérale, Grande-Bretagne. Pour un pays qui n’avait pas fait grand cas de la chose jusqu’à présent, la volte-face est d’autant plus surprenante. Cette semaine, le Premier ministre a annoncé que le gouvernement allait évaluer la sécurité alimentaire annuellement en surveillant plusieurs indicateurs, la production domestique, l’utilisation des terres, le coût des intrants et la productivité des agriculteurs. En parallèle Downing Street a présenté un plan « fruits et légumes » dont le taux de couverture, la fameuse « autosuffisance » , est faible, atteignant 17 % en fruits et 55 % en légumes (en France on est à 30 et 70 %) pour justement développer ces productions localement et mieux les protéger des avanies du climat.
Down under
Ce soudain empressement à s’inquiéter de sécurité alimentaire ( à ne pas confondre avec la souveraineté, laquelle n’implique pas forcément l’autosuffisance et la sécurité des approvisionnements !) a aussi gagné l’Australie dont les parlementaires viennent de plancher sur la question et de livrer un fort rapport de 227 pages… Toute cette précipitation autour de cette question est en grande partie liée à l’épisode Covid et à la désorganisation (ailleurs qu’en Europe majoritairement au moins sur la partie alimentaire) de la supply chain alimentaire. Il faudra un jour que les historiens se penchent là-dessus pour voir comment cette crise mondiale a tordu les représentations que nous pouvions avoir des systèmes alimentaires.
Le steak de la guerre
Changeons de continent et attardons-nous un peu aux États-Unis où l’actualité, moins brûlante qu’au Canada, reste intense. Le monde de l’élevage bovin y reste sur la défensive avec un nombre de vêlages qui a reculé au niveau de ce qu’il était en 1948. Les éleveurs ont fortement décapitalisé ces dernières années et, malgré des conditions bien plus favorables, herbe en abondance, prix de l’aliment en baisse, ils restent frileux. De quoi mettre les grands industriels de la viande sous pression. Et c’est le poulet qui tirera vraisemblablement son épingle du jeu alors que la demande de viande bovine élevée à l’herbe ne cesse de croître. Toujours aux États-Unis, la bataille continue de faire rage contre la viande de synthèse. Avec quelques accents populistes comme ceux du gouverneur de Floride qui vient, selon lui, de « sauver la viande bovine de l’élite mondiale » en interdisant la production et la vente de ces produits dans l’État. L’Alabama avait fait de même quelques jours avant.
Gros porte-monnaie
En attendant, le pays va peut-être en terminer, avec plus de six mois de retard, avec l’adoption de son nouveau Farm Bill qui encadrera le soutien américain à l’agriculture pour les cinq prochaines années. Le texte définitif doit arriver devant les parlementaires la semaine prochaine. Une grande partie des blocages semble avoir été levée, reste celui du financement… Une question à 1 500 milliards de dollars dont une bonne partie est dirigée vers les programmes nutritionnels. Pas étonnant, vu les sommes dédiées, que les appétits soient aiguisés… Une étude vient de révéler que les différentes composantes de l’agro-industrie ont dépensé (investi ?) plus de 500 millions de dollars en lobbying depuis 2019 dans le cadre de l’élaboration de ce nouveau Farm Bill. Quand les ONG, les nations tribales, les syndicats, les États et le Gouvernement ont dépensé (investi ?) 95 M$.
Batave devenue reine
Dans le top 3, on trouve la Chambre américaine du commerce, un lobby des biotechs, Bayer, suivi par des industriels de l’agroalimentaire, la fédération des boulangers, un producteur de sucres… Si vous cherchez de la lecture pour ce week-end, le rapport complet est là. Si vous avez besoin de choses plus légères pour écarter la fureur du monde qui nous entoure, plongez dans la belle histoire de Priscilla Oberreiner, batave devenue reine en Australie, dans ce bras perdu du Nil ou dans l’effrayante capacité des chauves-souris à se faire réservoir des pires virus (bon ok, ça c’est moins léger mais c’est intéressant !).