Bruits de fond

Published on 18 juin 2019 |

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Êtes-vous légumiste ?

Pour nommer les multiples manières de se nourrir, le vocabulaire français n’est jamais en reste et aurait même en la matière la langue plutôt chargée… Première recette : le latin. Et de lui emprunter son Vorare, « Manger avidement, avaler, engloutir » pour composer à loisir tous les régimes alimentaires possibles. Essayez, collez quasiment n’importe quoi devant le suffixe -vore, et vous verrez que cela fonctionne. On connaît l’omnivore et le carnivore bien sûr, mais au gré des nécessités nutritionnelles ou des fantaisies diététiques, on peut tenter insectivore, piscivore, herbivore, fongivore, radicivore et autres crudivores…

Deuxième recette, le grec. Du coup, toute une autre famille de mots se compose cette fois sur Phagein, « Manger, se nourrir ». Oubliez l’insectivore, dites alors entomophage, ça fait plus chic. À ceci près que, parmi les adjectifs ainsi formés, on trouve aussi l’aérophagie, laquelle ne nourrit guère son homme, ou encore le sarcophage qui, littéralement, mange les chairs, mais ne saurait être conseillé comme régime amincissant. Surtout, allez savoir pourquoi, ce suffixe -phage est cantonné à la zoologie. C’est le régime alimentaire des animaux qui est ainsi désigné, qu’ils se délectent de cadavres (nécrophages), d’excréments (coprophages), de matières putréfiées (saprophages), ou plus simplement de plantes (phytophages). À moins qu’en bons anthropophages, ils ne préfèrent la chair humaine, sachant qu’en la matière ce comportement bestial porte le même nom chez les humains. 

Reste un cas à part. D’où vient ce singulier « végétarien » ou sa déclinaison, le « flexitarien » ? Pourquoi n’est-il pas végétavore ? C’est que, en l’occurrence, le mot est anglais : formé au début du XIXe siècle sur vegetable, s’y ajoute le suffixe -arian, lequel caractérisait… les noms des sectes religieuses ! Car c’est bien là l’origine du végétarisme occidental1 et ce, dès le XVIIe siècle : des sectateurs mystiques prônant le salut des âmes par le renoncement, entre autres, à toute chair animale. Et le mot rapidement de cannibaliser un mot bien français qui le précédait et qui fit chou blanc : le légumiste. 

  1. Pour en savoir plus, lire Arouna P. Ouédraogo « De la secte religieuse à l’utopie philanthropique. Genèse sociale du végétarisme occidental », dans Annales histoire – sciences sociales, 55e année, n° 4, 2000, p. 825-843.

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