Les échos & le fil Oliver Wunder en CC sur Flickr.

Published on 8 novembre 2023 |

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Et si la banane faisait “split” ?

Il faut sauver la banane. C’est le feuilleton médiatique de ces dernières semaines. Le sujet n’est pas nouveau mais c’est celui de notre fil du mercredi 8 novembre 2023. On vous explique tout et le timing est bon puisque c’est encore la saison des champignons !

Alerte, la banane si familière de nos desserts, vit ses dernières heures !

C’est en substance ce que la presse a titré ces dernières semaines prédisant un Armageddon que l’on voit pourtant venir depuis un bon moment. Que s’est-il donc passé pour que la banane fasse ainsi son entrée fracassante, sur le devant de la scène médiatique ? Ben, rien. Rien de neuf en tout cas puisque l’épidémie est connue et surveillée comme le lait sur le feu par les autorités sanitaires du monde entier, les premiers articles dans la presse grand public ont déjà presque 10 ans… Visiblement, c’est un article du site américain Business Insider qui a fait éclore le sujet dans les médias français (en mal de paniques alimentaires ?) depuis la mi-octobre en reprenant largement les informations alors diffusées (1 000 cultivars de bananes concernées, 100 milliards de bananes consommées dans le monde…). La dernière nouvelle tangible, c’est la détection de la maladie au Vénézuéla en 2022.

Qu’en est-il ? Reprenons depuis le début de l’histoire

D’un côté il y a les bananes, de l’autre un champignon, Fusarium Oxysporum Cubense (il est appelé FOC pour plus de commodité) qui provoque ce qu’on appelle « la maladie de Panama ». Ce champignon sournois a la particularité de n’être qu’un parmi d’autres. Comprenez qu’un FOC peut en cacher un autre. On a bien connu FOC TR1 (TR pour tropical) mais aujourd’hui c’est FOC TR4 qui suscite toutes les légitimes inquiétudes. FOC TR1 a fait amplement parler de lui au milieu du XXe siècle quand le champignon sévissait tellement qu’il mit fin à la production intensive d’une variété de banane.

Originaire d’Asie du Sud-Est, elle s’appelait Gros Michel et représentait à l’époque la moitié de la consommation mondiale depuis son implantation dans les Caraïbes dans le dernier quart du XIXe. Décimée par FOC TR1, Gros Michel fut alors progressivement remplacé par une variété résistante, la… Cavendish, dont il est aujourd’hui question. Cruel retour de bâton, ou plutôt de champignon.

Présence du champignon qui touche la banane à l'échelle mondiale au 6 novembre 2023.
EPPO Global Database

Mais l’affaire est importante, tout aussi importante que celle de Gros Michel parce que les bananes Cavendish représentent aujourd’hui 51 % de la production, contre 37 % pour les bananes à cuire et 12 % pour les Gros Michel qui subsistent. Pour autant, et contre intuitivement, seuls 15 % de la production mondiale, soit autour de 20 millions de tonnes, sont exportés par les principaux pays exportateurs, Équateur en tête (1/3 des exportations mondiales), devant les Philippines, le Costa Rica. Le reste alimente la consommation domestique des grands producteurs (Inde, Chine, Brésil…).

Le problème de FOC TR4, c’est qu’il est très mobile. Il se propage par le sol, l’eau, les végétaux (en cas de plantation par exemple), le matériel de travail ayant été en contact avec du sol ou des plants contaminés… Pour compléter le portrait, sachez qu’il peut survivre plusieurs dizaines d’années dans le sol… D’où les besoins d’une biosécurité drastique pour empêcher sa dispersion. En Amérique du Sud, cette souche du champignon a été pour l’instant détectée dans trois pays, la Colombie 2019, le Pérou 2021, et donc le Vénézuéla, créant une ceinture de feu autour de l’Équateur. Ailleurs, il est présent en Asie (Chine, Philippines, Inde, Indonésie, au Pakistan, Cambodge, Vietnam, Laos, Japon). On le trouve aussi en Australie, au Mozambique, à Mayotte, en Turquie, Israël, Jordanie (la carte est ici).

Comment lutter ? Par la prévention. 

Un travail tout récent a visé à caractériser les sols prédisposés au développement de FOC TR4 qui pourrait permettre de limiter, par des techniques appropriées, la propagation du champignon, en particulier en Afrique. En Équateur, où l’industrie de la banane est majeure, le champignon n’a pas été vu entre janvier et juillet de cette année au prix d’une surveillance qui a concerné 53 000 hectares, 13 drones, la désinfection de 229 000 véhicules, 232 000 conteneurs et 2 millions de paires de chaussures des salariés des plantations… Du lait sur le feu. Rien que cela. Mais le jeu, dans le pays, vaut sa chandelle de dollars. Au-delà de la biosécurité, et de ses limites, l’autre voie explorée est celle de la création de cultivars résistants, partiellement ou totalement au champignon.

D’ailleurs, il y a longtemps que les chercheurs s’escriment pour trouver une variété résistante à ce champignon et de nombreux cultivars ont été mis au point depuis les années 1990 dans les principaux bassins de production de bananes. Il y a quelques années, on annonçait des résultats prometteurs obtenus grâce à des mutagenèses provoquées de manière classique, par irradiation, ou chimiquement. Une nouvelle variété présentant une « résistance » complète, ainsi que présenté par ses promoteurs, sera mise en marché dès l’année prochaine. Mais les méthodes employées pour obtenir ces résultats inquiètent les militants anti-ogm qui y discernent le risque, à l’avenir, que se développent des régimes alimentaires centrés sur des bananes modifiées génétiquement (à la manière du riz doré) en particulier dans les pays producteurs… En attendant, il y a fort à parier que la Cavendish saura sauver sa peau ! 

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