De l'eau au moulin

Published on 28 juillet 2022 |

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[Territoires du littoral] A Belle-Ile, la faune sauvage, les cultures et le CPIE

Par Victor Giguet-Chevalier (CPIE Belle-Ile), Aliénor Miscopein (Agrocampus Ouest), Mary-Anne Bassoleil (RAIA).

 

A Belle-Ile une démarche originale embarque différents acteurs pour caractériser la prédation de la petite faune sauvage sur les cultures et établir une démarche de gestion intégrée, qui serait réplicable sur les îles atlantiques. Le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) local et le RAIA (Réseau agricole des îles Atlantiques) sont à la manœuvre.

Le tour de l’île

A quelques 15 km au sud de la presqu’île de Quiberon (Morbihan), Belle-Ile est un plateau de schiste culminant à 72m d’altitude, composé de sols principalement très argileux et peu épais (rarement supérieurs à 50cm). Les précipitations, 650mm de pluie par an, y sont principalement concentrées sur les mois d’hiver et permettent à l’île d’accueillir en partie, un cortège floristique à affinité méridionale. L’agriculture est majoritairement tournée vers un élevage pâturant extensif, entretenant des prairies dont la biodiversité est protégée au niveau européen1.

Gibier et espèces protégées

Selon le document d’objectifs Natura 2000 (DOCOB), l’île est un territoire « très giboyeux ». Comme dans beaucoup d’autres écosystèmes insulaires2, les faisans et lapins qui y ont été introduits prospèrent, voire prolifèrent – il n’y a pas de prédateurs terrestres, pas de renards en particulier3. Ce « petit gibier » fait le bonheur des chasseurs.

Mais de nombreux oiseaux sous protection sont aussi présents sur l’île : goélands bruns, marins et argentés, Choucas des tours ou Grand Corbeau. Jusqu’en 1990-2000, les effectifs de goélands ont considérablement augmenté partout sur les côtes de l’Atlantique Nord, surtout parce que les sources de nourriture d’origine anthropique, en particulier les déchets disponibles dans les décharges ouvertes ou les pêcheries industrielles, représentaient un garde-manger salvateur en période hivernale4. Ils ont ensuite diminué. Le goéland est un oiseau opportuniste qui peut utiliser simultanément différentes sources de nourritures. En milieu agricole, ce sont les céréales et les invertébrés.

Il est clair que les activités humaines – la chasse, la pêche, l’agriculture et le tourisme – et la présence de ces animaux sur le territoire s’influencent réciproquement. L’importance du facteur anthropique dans la dynamique de population de ces espèces renforce d’autant plus l’effet potentiel de l’enfrichement sur les dynamiques de populations de certaines espèces de l’île.

La faune sauvage et les cultures

A Belle-Ile l’impact de la petite faune sauvage sur les cultures préoccupe les agriculteurs.

Depuis plus de 15 ans Le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) de Belle-Ile-en-Mer (une association loi 1901) s’intéresse au lien existant entre la biodiversité locale et les orientations technico-économiques des exploitations agricoles de l’île5. En effet, le Conservatoire Botanique National de Brest a établi que les prairies belliloises présentaient une biodiversité particulièrement riche et constituaient des habitats écologiques d’intérêt au niveau européen, contrairement à des territoires aux pratiques d’élevages plus intensives.

C’est pour assurer la pérennité de ces pratiques agricoles favorables à la biodiversité et pour les englober dans un objectif plus vaste de résilience alimentaire du territoire que le CPIE a accompagné différentes initiatives sur l’île comme la création d’un magasin de producteurs local, l’émergence de filières alimentaires durables et l’installation de nouveaux producteurs.

L’Etat a reconnu la cohérence de ces actions en 2018 : il a officiellement désigné le CPIE comme animateur du Projet Alimentaire Territorial bellilois.

Le CPIE s’attache à caractériser les freins qui limitent aujourd’hui le développement de ces filières durables, afin de permettre ensuite aux différents acteurs impliqués d’apporter des réponses adéquates.

A titre d’exemple, les agriculteurs cherchant à s’installer hors cadre familial rencontrent des difficultés d’accès au foncier. L’enfrichement important du territoire, notamment sous l’effet de la déprise agricole, limite le nombre de terres cultivables disponibles, et les biens sont soumis à une forte spéculation. Pour y remédier, un diagnostic foncier a été réalisé et a servi de base au lancement en 2018 d’une mission d’animation foncière à temps plein portée par les communes belliloises6.

De la même façon, le CPIE a réalisé différentes études (étude de marché, étude technico-économique de préfiguration d’un bâtiment de transformation, comparaison des différents statuts juridiques possibles) afin de fournir une aide à la décision pour un groupe d’éleveurs laitiers bellilois désireux de transformer localement leur production et ainsi améliorer leur revenu et l’impact environnemental de leur activité.

Prédation vs. autonomie fourragère et relocalisation alimentaire   

A l’occasion de multiples échanges, les agriculteurs bellilois ont très souvent évoqué la déprédation des cultures par la petite faune sauvage. Ils l’ont pointée comme un frein à l’autonomie fourragère des élevages : la prédation des pigeons a mis en échec des essais de plantation de protéagineux, et touché les cultures de céréales à différents stades de leur développement. C’est un problème dont tous les éleveurs soulignent qu’il limite l’autonomie fourragère des exploitations et impose de recourir à des importations pour l’alimentation animale depuis la France ou l’étranger.

Sur l’île, cette autonomie est une préoccupation très importante car importer du fourrage, ou tout autre intrant, est d’un coût élevé avec le surcoût du transport maritime. Les éleveurs cherchent donc au maximum à valoriser les ressources disponibles sur place. Il s’agit de systèmes d’élevage extensif et de fermes familiales, de 1 à 3 UTH (unité correspondant à un temps de travail complet).

Les maraîchers eux aussi évoquent des pertes importantes en légumes du fait de la petite faune.

Parce que ces sujets cristallisaient des tensions entre agriculteurs, chasseurs et naturalistes, le CPIE a souhaité caractériser la situation pour que les débats se fondent sur une information objectivée, en vue d’une production agricole durable et de la relocalisation des filières végétales.7

Le Réseau agricole des îles de l’Atlantique (RAIA)

En parallèle, le CPIE a exprimé cette préoccupation au sein du Réseau Agricole des Iles Atlantiques (RAIA) qui rassemble des agriculteurs, des collectivités et des citoyens engagés autour du maintien et du développement d’une agriculture durable dans les îles de la façade atlantique française. Cette problématique étant partagée par une majorité d’agriculteurs sur les îles, le RAIA s’est également investi dans le projet de recherche SOFIANE (« SOutenir et Faciliter dans les Îles de la façade Atlantique, une Agriculture Nourricière et à Externalités positives ») qui a pour objectif, entre autres, de caractériser les dynamiques agricoles insulaires (voir : https://raia-iles.fr/projet-de-recherche/).


Identifier les dégâts

Les agriculteurs citant généralement une dizaine d’espèces animales problématiques pour les cultures, il apparaissait délicat, compte tenu de nos moyens, de mener des études écologiques sur l’ensemble. Aussi nous avons fait le choix d’entretiens semi-directifs avec les producteurs afin d’identifier les dégâts, leur importance, les espèces responsables, les mesures d’évitement qu’ils avaient pu mettre en place et ce qui selon eux, renforce la vulnérabilité des parcelles. Ce travail d’enquête a été supervisé par Claire Ruault, sociologue au Gerdal (Groupe d’expérimentation et de recherche pour le développement et l’action locale).
Par ailleurs, nous avons objectivé les propos des agriculteurs relatifs à la pression de la faune sauvage sur leurs cultures avec un protocole de mesures au champ, que nous avons doublé d’une analyse statistique et cartographique – des travaux encadrés par deux chercheurs : Anne Atlan (CNRS UMR 6590 ESO et Agrocampus Ouest) et Manuel Plantegenest (INRAE Agrocampus Ouest).


L’enquête sociologique

Pour commencer, huit entretiens exploratoires auprès d’agriculteurs d’autres îles ont permis de bien cerner le sujet et de prendre le recul nécessaire avant d’entrer en contact avec les agriculteurs bellilois. Ensuite, l’ensemble des agriculteurs de l’île ont été contactés et 15 entretiens semi-directifs ont été réalisés auprès d’un échantillon d’agriculteurs représentatif des différentes orientations technico-économiques présentes sur l’île.

Quantifier les dégâts, mesurer l’effet de la friche 

Sur cinq parcelles de céréales, des cultures de blé et orge sans intrants, deux cages de protections («exclos») ont été posées. Afin de mesurer la prédation entre les stades semis et levée (faute de temps, la déprédation additionnelle pré-récolte n’a pas été mesurée), on a réalisé 20 mesures sur chacune des parcelles, en comptant à chaque fois le nombre de pousses intactes et le nombre de pousses broutées.

Ce protocole cherche aussi à vérifier l’hypothèse selon laquelle la présence de friches à proximité de la parcelle est un facteur influençant l’intensité de la prédation (en offrant un abri à la petite faune). Pour ce faire, deux lignes de mesures ont été réalisées, une proche de la friche et une à 30m de distance.

Le dispositif permet de mesurer des dégâts mais ne permet pas de les relier à une espèce en particulier.

L’observation empirique et l’analyse statistique viennent appuyer les propos des agriculteurs, par ailleurs désemparés car ils n’ont pas réussi à résoudre le problème.

Quelques espèces préoccupantes

Au cours des entretiens, on a pu mettre en évidence six espèces préoccupantes.

Les grandes cultures sont principalement attaquées par les oiseaux : en particulier, les cultures de protéagineux par les pigeons et les cultures de maïs par les corvidés. Ces dégâts grèvent la capacité des agriculteurs à être autonomes en fourrage, notamment protéagineux, et les obligent à importer des compléments protéiques.

Les cultures maraîchères sont de leur côté particulièrement attaquées par les lapins et les faisans, espèces dites de « petit gibier ».

Des dégâts sont également signalés sur les stocks (ensilage), les propriétés biologiques et chimiques du sol (par le prélèvement des vers de terre). Les agriculteurs ont rapporté des attaques sur animaux (attaques de corbeaux sur les jeunes veaux ou agneaux, de goélands sur des poussins), sur le matériel (filets de protection, bâches à ensilage). Le rat a été identifié comme propagateur de la leptospirose.

La perte économique liée à ces dégâts est évaluée à 20 à 30% chez les maraîchers. Chez les éleveurs, le préjudice financier dépend à la fois de l’importation ou non de fourrage pour compenser les pertes ainsi que de la perte de productivité des animaux à qui le fourrage était destiné. Il est donc plus difficile à évaluer. La perte totale d’une culture est une expérience fréquente chez les maraîchers et les
éleveurs.

Les dires d’acteurs confirmés

  • La méthode des exclos
    L’observation des dégâts au sein des 5 parcelles de céréales confirme les évaluations des agriculteurs. Après comptage une à une des pousses broutées ou intactes au sein de chaque parcelle,  il y a 30 % de pousses intactes en moins sur les zones non protégées que sur les zones protégées.
  • « L’effet friche »           
    Les 2 lignes de mesures réalisées sur chacune des parcelles visaient à déterminer un « effet friche », avec l’hypothèse qu’il y aurait moins de pousses intactes en bord de parcelle qu’en son milieu. Ce n’est pas le cas. Mais il y a un effet du pourcentage de surface enfrichée autour des parcelles : celles qui ont les plus grandes surfaces de friches alentour sont celles sur lesquelles il y a le moins de pousses intactes.
  • Un test supplémentaire      
    Sur le conseil d’un agriculteur, nous avons compté sur une parcelle différente des cinq précédentes, les lignes de semis intactes et les lignes manquantes, ainsi que les lignes « partiellement impactées ». En considérant que 3 lignes partiellement impactées correspondent à 1 ligne de semis complètement disparue, le résultat conclut de même à 30% de dégâts.

Que faire ?

De nombreuses mesures d’adaptation sont déjà mises en place par les agriculteurs, mais la prédation des cultures demeure importante.         

En maraîchage, la seule méthode possible est la protection physique des cultures (grillages, voile tunnel, filet, clôture électrique). Outre le matériel nécessaire, la protection occupe un mi-temps à l’année (20% des ETP annuels de l’exploitation) et malgré cela, les maraîchers ont régulièrement des cultures attaquées.

Pour les grandes cultures, le canon à gaz est souvent évoqué par les agriculteurs. Son efficacité est jugée partielle sur le pigeon très limitée sur le faisan et les animaux nocturnes. Il génère de plus de nombreux problèmes de voisinage. L’agrainage est régulièrement mis en place pour détourner les animaux des cultures mais les avis restent partagés sur son efficacité.

Enfin, certains agriculteurs considèrent qu’il existe un effet de concentration des animaux sur les parcelles restanten culture, leur nombre ayant chuté au cours des dernières décennies du fait de la déprise agricole.

Photos du blé de la parcelle d’Herlin prises le 11 juin 2021. Les plants protégés dans les cages sont plus hauts et plus denses que les plants en plein champ.

Adapter les pratiques culturales

Sur les bordures des parcelles de céréales, certains agriculteurs sèment des cultures de moindre valeur ajoutée car les bordures semblent plus prédatées par la faune. Ces cultures de moindre importance subiraient alors une plus grande part des dégâts.

Plusieurs agriculteurs sèment de façon plus dense pour compenser ce qui va être mangé. Plusieurs ont également essayé de semer plus profond mais cette technique semble poser d’autres problèmes du fait de la nature du sol. Ils ont essayé d’autres semences, comme des céréales barbues, qui sont censées être moins appétentes pour l’avifaune, mais avec une efficacité limitée. Le roulage du lit de semences est également pratiqué.

Réfléchir collectivement à des mesures de gestion

Malgré les pratiques déjà mises en place, les niveaux de dégâts sur les cultures restent élevés. Dès lors, un panel d’actions plus large que l’action des seuls agriculteurs apparaît nécessaire.

  • Rationaliser l’action de chasse

Les agriculteurs bellilois attendent une régulation des espèces incriminées et qu’il y ait davantage de prélèvements par la chasse sur Belle-Ile. Leur relative méconnaissance du cadre règlementaire souligne le défaut de communication entre le monde agricole et l’Association intercommunale de chasse (AICA).

Celle-ci agit déjà notamment pour conserver le classement du lapin en espèce susceptible d’occasionner des dégâts (ESOD) sur les îles morbihannaises. Elle pourrait augmenter le nombre de prélèvements pour les faisans sauvages, qu’elle est libre de fixer. Cependant, ses possibilités d’action restent limitées : d’une part certaines des espèces à fort impact sur les cultures sont protégées
(goélands, choucas) ou sans statut cynégétique (rat) ; d’autre part ces chasseurs sont vieillissants et leur nombre diminue.

  •  Documenter davantage avant d’agir       

Interrogé, l’Office Français de la Biodiversité insiste sur le fait qu’avant de mettre en œuvre des actions comme des opérations de défrichage ou des campagnes de prélèvement, il convient de mieux documenter l’écologie des populations (habitat, bol alimentaire, cycle de reproduction…).

Par ailleurs, les associations naturalistes (LPO, Bretagne Vivante) et l’OFB excluent la possibilité d’introduire des prédateurs, cette démarche étant, selon eux, plus susceptible de causer des déséquilibres écologiques que de rééquilibrer les chaines trophiques. L’introduction de prédateurs non spécifiques (renards, fouines) pourrait également être préjudiciable aux élevages de volailles.

Conclusion

Les entretiens menés comme les mesures au champ convergent pour chiffrer les dégâts de la petite faune sauvage à hauteur de 30 % des récoltes. Cette première évaluation ne prend pas en compte des dégâts causés au moment de la maturité du grain avant la récolte, ni lors du stockage, ni sur le matériel voire le bétail. Ce chiffre de 30% est donc à lire comme un minimum. La prédation limite la capacité des éleveurs à tendre vers l’autonomie fourragère et de manière plus large grève la capacité de l’île à relocaliser une partie de son alimentation (importée à 96%). De nombreuses mesures d’évitement à l’échelle des exploitations ont déjà été mises en place mais leur efficacité est très limitée.

Cette situation problématique appelle l’intervention d’autres acteurs que les seuls agriculteurs. Un dialogue doit être mis en œuvre entre toutes les parties prenantes. Afin de concevoir des mesures de gestion efficaces, l’écologie des espèces identifiées (habitats, ressources alimentaires, cycle de reproduction) doit être caractérisée et documentée. La méthode testée dans cette étude pourra être répliquée dans les autres îles de la façade atlantique en l’adaptant au contexte local.


A Belle-Ile, résoudre le problème demandera un travail collectif pour définir un  équilibre entre activités agricoles et biodiversité locale

Il ne sera pas possible de hiérarchiser collectivement les actions à mettre en oeuvre s’il n’y a pas une définition partagéeet réaliste des actions possibles.

A l’heure actuelle, la destruction des animaux incriminés, qui polarise les discussions, et qui permettrait d’apporter une solution à court terme, ne peut être envisagée ni pour les espèces protégées ni pour les espèces d’intérêt cynégétique. Les rats, espèce dont la destruction est autorisée, trouvent également des défenseurs. Les goélands sont une espèce protégée, mais des dérogations par arrêtés préfectoraux autorisent communément la destruction des nids, des œufs et des individus8.

La majorité des acteurs impliqués replacent la problématique dans une vision de long terme (hors milieu agricole pour lequel le sujet est un enjeu de court terme de viabilité des exploitations)  et s’interrogent sur la manière de trouver un équilibre entre les différents enjeux de production alimentaire, de viabilité économique des exploitations agricoles et de préservation des espèces sauvages.

Cela nous interroge sur la façon dont cet équilibre pourrait être défini collectivement. Un certain nombre de pistes ont déjà été proposées par les personnes interrogées :

  • réaliser des études écologiques sur la dynamique des populations d’espèces, l’attribution de la prédation par espèces afin de proposer des mesures de gestion ciblées ; identifier ou non des phénomènes de pullulation ; continuer éventuellement les mesures sur plusieurs années, ce qui serait plus significatif.
  • approfondir le travail d’évaluation : par exemple, l’expérimentation menée tient compte uniquement de la déprédation exercée aux stade semis et levée. Or, des déprédations supplémentaires peuvent advenir lorsque les céréales sont à maturité, ce qui n’a pas pu être évalué.
  • communiquer et favoriser les échanges entre les différentes parties prenantes, être transparent sur les marges de manoeuvre de chacun, recueillir les avis des acteurs du territoire.
  • explorer des pistes de travail : aménagements réglementaires, indemnisations ou aide au financement de dispositifs de protection (etc.).

Un processus de concertation est en cours .

Les sujets de travail sont définis au fur et à mesure au sein d’un comité de pilotage multi-acteur. Ainsi, le bilan de la première phase d’enquête a montré quels animaux étaient identifiés comme les plus problématiques par les agriculteurs. Cette vision n’était pas partagée par tous les acteurs. La restitution de cette phase d’enquête dans une réunion regroupant notamment des agriculteurs, des chasseurs, des associations naturalistes et l’Office français de la biodiversité, a conduit à valider collectivement un travail de comptage de la population de faisans. Une collaboration étroite entre Bretagne vivante, l’AICA et le CPIE a ensuite permis de construire un protocole de comptage rigoureux et satisfaisant pour tous. Les résultats agrégés de ces comptages auxquels tous étaient invités à participer seront prochainement partagés et nous pourrons ensemble définir notre prochaine étape de travail. Plusieurs pistes existent : continuer les mesures de dégâts au champ, renforcer le protocole de comptage du faisan, compter le nombre de choucas, étudier le comportement du faisan, mettre en place des mesures de gestion localisées et évaluer leur efficacité etc…

Quoiqu’il en soit, un travail est lancé entre différents acteurs. A Belle-Ile, les agriculteurs devraient, si ce travail de longue haleine aboutit, pouvoir se sentir moins isolés et moins cernés par les faisans, lapins et autres gourmands, mais aussi par les friches. La gestion intégrée – une alternative aux méthodes traditionnelles, chimiques ou mécaniques de lutte serait une piste. En effet, elle prend précisément en compte les traits biologiques et les modes d’utilisation des ressources alimentaires des espèces concernées, mais aussi les sentiments humains vis-à-vis de ces espèces et les activités humaines (Clergeau, 20029).

  1. De nombreux milieux naturels sont protégés sur l’île. Les objectifs Natura 2000 portent sur la mer et le littoral. Un travail est en cours pour répertorier les prairies et milieux remarquables de l’intérieur de l’île, voir : https://www.ccbi.fr
  2. Voir Simberloff D., 1995. Why do introduced species appear to devastate islands more than mainland areas? Pacific Science, 49, pp. 87-97.
  3. Voir Darrot C., Chau M., 2019. Filières agricoles insulaires : spécificités systémiques, dynamiques de transition. Colloque Des Iles à venir, Brest, 17 et 18 octobre 2019
  4. Voir Cadiou B., Yésou P., 2006. Evolution des populations de Goélands bruns, argentés et marins Larus fuscus, L. argentatus, L. marinus dans l’Archipel de Molène (Bretagne, France). Bilan de 50 ans de suivi des colonies. Revue d’Ecologie, Terre et Vie, Société nationale de protection de la nature, 2006,
    61 (2), pp.159-173, hal-03529953
  5. Voir ici le rapport 2020 et objectifs 2021 de l’Union des CPIE : https://cpie.j-doc.com/s/CbWs6Axar9ieCat
  6. Voir https://www.belle-ile-nature.org/thematiques/foncier/
  7. Voir l’étude complète : Miscopein Aliénor (2021). Caractérisation du phénomène de prédation des cultures par la petite faune sauvage à Belle-Île et logique d’action des acteurs impliqués en vue d’établir une démarche de gestion intégrée, réplicable sur les îles atlantiques. Mémoire de fin d’études AgroCampusOuest, https://raia-iles.fr/wp-content/uploads/2022/01/memoire-Alienor-Miscopein.pdf
  8. Voir la réponse du ministre à une question parlementaire ici ; voir également l’arrêté ministériel. Ces destructions sont communes, par exemple récemment en baie de l’Aiguillon, en Vendée, à la demande des mytiliculteurs : http://www.vendee.gouv.fr/destrcution-goelands-baie-de-l-aiguillon-a3927.html
  9. Voir https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00465421/document

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3 Responses to [Territoires du littoral] A Belle-Ile, la faune sauvage, les cultures et le CPIE

  1. Mary-Anne Bassoleil (RAIA) says:

    Bonjour monsieur,

    Merci pour l’intérêt que vous avez porté à notre article. En effet, la question du type de cultures réalisé se pose.

    Il faut préciser ici que la culture de maïs ensilage ne représente que 8,5 % de la SAU de l’île (contre 20% en moyenne en Bretagne (AGRESTE). Idem pour les céréales (triticale, orge, blé). Le reste de la SAU est constitué de prairies temporaires ou permanentes.

    La production de maïs ensilage concerne essentiellement les éleveurs laitiers. Aujourd’hui, ceux-ci ont un contrat de livraison auprès de l’entreprise Lactalis. Le lait étant peu rémunéré au regard de leurs charges de production, pour que leur exploitation reste viable il ont un impératif de production d’un certain volume de lait. D’où la nécessité de fournir une certaine ration aux animaux. La pluviométrie sur l’île étant relativement faible par rapport au reste de la Bretagne, il est techniquement compliqué pour les éleveurs de fournir une ration suffisante uniquement avec de l’herbe et/ou du foin. Tout complément alimentaire devant être importé (avec des surcoûts liés au transport maritime), les éleveurs essaient de maximiser la part d’alimentation produite à la ferme. Dans leur système de production, le maïs ensilage constitue ainsi une “sécurité”.

    Aujourd’hui, plusieurs éleveurs se sont rassemblés autour du projet de création d’une coopérative laitière sur l’île : si ce projet aboutit, ils pourraient se désengager de leur contrat avec Lactalis. Leur lait sera mieux rémunéré (vente de produits laitiers en direct sur l’île), ce qui amoindrira la pression sur les exploitations en termes de rendement. Il sera alors possible de faire évoluer les systèmes d’élevage et donc les assolements mis en place par les éleveurs pour la production de l’alimentation animale.

    Un projet de ce type prend du temps pour aboutir. Vous pouvez d’ailleurs y contribuer, ils ont en ce moment même lancé une campagne de financement participatif : https://miimosa.com/fr/projects/cooperer-autour-du-lait#description

  2. Bonjour,
    Merci pour votre commentaire.
    La situation belliloise est à distinguer de la situation générale bretonne. En effet, ici, les cultures de maïs occupent 8,5% de la SAU, quand 85% sont occupés par des prairies. Difficile donc de faire peser sur le maïs l’ensemble des problèmes rencontrés par la profession agricole belliloise.
    Par ailleurs, (et cela n’apparait pas dans l’article) les céréales à destination de l’alimentation humaine étaient jusqu’à l’an dernier absentes de l’île et nous participons à les réintroduire pour diversifier les productions et relocaliser l’alimentation (aujourd’hui quasi exclusivement importée).
    Ce problème de prédation serait probablement davantage soutenable avec des meilleurs revenus agricoles. Aujourd’hui, les filières longues dans lesquels les éleveurs sont intégrés ne permettent pas cela. Aussi nous travaillons à une évolution vers une agriculture un peu différente via la relocalisation de la transformation (laiterie, meunerie) afin que les agriculteurs puissent bénéficier pleinement du fruit de leur travail et s’autoriser ainsi des rendements un peu moindres.
    Cordialement,

  3. Thierry LECOMTE says:

    Bonjour,
    c’ est un article très intéressant de par la prise en compte de la quasi globalité des facteurs qui interagissent et c’ est bien là la signature d’un CPIE
    cependant tout est un peu “à charge” des espèces sauvages et donc des milieux “naturels” il serait sans doute plus objectif de se poser inversement de la question des dégâts occasionnés par la culture de plantes exogènes comme le maïs aux milieux naturels???
    je suis éleveur de ruminants et d’ équidés : cela se passe très bien sans maïs avec juste la consommation sur pied ou séchés (foin) de prairies naturelles….. il faudrait peut-être envisager aussi une évolution vers une agriculture un peu différente surtout en ce qui concerne l’ élevage???

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