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Published on 11 novembre 2021 |

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Irrigation : pas de consensus possible ?

Par Stéphane Thépot

La « guerre de l’eau » bat médiatiquement son plein dans l’ex-région Poitou-Charentes, jadis fief électoral de Ségolène Royal, où près de 200 projets de retenues de substitution pour l’irrigation sont recensés. La Confédération paysanne est venue en septembre défier la FNSEA, qui tenait son congrès à Niort (Deux-Sèvres), en organisant une manifestation sur le chantier du premier des seize ouvrages prévus dans le bassin de la Sèvre Niortaise. Des tracteurs arrivés de l’ancienne ZAD de Notre-Dame-des-Landes avaient fait le déplacement pour dénoncer ces « bassines » de stockage, rendues étanches par la pose d’un film plastique à la manière de piscines géantes. À l’inverse, le ministre de l’Agriculture est venu apporter son soutien au syndicat majoritaire. « Il n’est pas possible de faire de l’agriculture sans eau », souligne Julien Denormandie, rappelant qu’un protocole d’accord avait été signé en 2018 entre agriculteurs et associations environnementalistes. (Sesame n° 6)

Mais Delphine Batho, qui a succédé à Ségolène Royal dans la circonscription des Deux-Sèvres, s’est finalement désolidarisée de ce fragile consensus local en novembre 2020. L’ancienne ministre, candidate à la primaire des écologistes pour l’élection présidentielle, déporte le sujet de la gestion quantitative de la ressource vers une question plus qualitative. Elle reproche aux 500 irrigants de la Coop de l’eau de « traîner les pieds » pour réduire leur consommation de produits phytosanitaires. « L’objectif de réduire de 50 % les pesticides ne sera pas tenu », confirme Vincent Bretagnolle. du centre d’études biologiques de Chizé. Ce chercheur du CNRS avait accepté de figurer sur la liste EELV aux dernières élections régionales en Nouvelle-Aquitaine.

Discuter. Mais avec qui ?

Une majorité de militants de l’association Deux-Sèvres Nature Environnement, signataire du protocole, a voté une motion de défiance en septembre. Ils reprochent au nouveau préfet du département d’avoir lancé prématurément les travaux. Le ministre de l’Agriculture affiche de son côté sa volonté d’accélérer les procédures. Outre les « bassines » des Deux-Sèvres, quarante et une retenues de substitution sont programmées dans la Vienne. L’association Vienne Nature a refusé en mai d’assister à une réunion de concertation organisée par la préfecture, qui a présenté un « projet de territoires agricoles irrigants » pour lancer les travaux dès 2022 dans le bassin du Clain. L’association réclame « un véritable Projet de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE) ». Elle est suspectée à son tour de « traîner les pieds » pour bloquer le processus.

Le gouvernement maintient l’objectif, fixé lors des Assises de l’eau, de signer cinquante PTGE d’ici 2022. Mais avec qui ? France Nature Environnement a fait savoir qu’elle « boycotte » le « Varenne de l’Eau » lancé en mai 2021 par Julien Denormandie. La fédération, qui représente 6 000 associations locales et régionales, y voit une volonté du ministre de l’Agriculture de « déposséder le ministère de la Transition écologique de sa compétence sur les questions liées à l’eau ». Plus sévère encore, l’UFC-Que Choisir dénonce « la gabegie » de retenues « financées par les factures d’eau et les impôts » des consommateurs. Le coût des seize bassines de la Sèvre Niortaise est estimé à plus de quarante millions d’euros, financés à 70 % sur crédits publics. L’Agence de l’eau Loire-Bretagne a voté une enveloppe de crédits de 9,2 millions pour une première tranche de travaux (six bassines) en décembre 2020.

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4 Responses to Irrigation : pas de consensus possible ?

  1. Tretorre says:

    Lee chiffre de 80 % des cultures irrigués allant à l’export est parfaitement bidon : en France, les principales cultures irriguées (maïs, pomme de terre, fruits et légumes) sont largement valorisées chez nous et par ailleurs nous importons indirectement des milliards de m3 irrigués, consommés dans des pays étrangers (généralement moins favorisés que la France en termes d’eau disponible pour tous usages) et transformés en produits consommés en revanche chez nous…
    Cette phobie de l’export est par ailleurs curieuse (je me méfie du nationalisme alimentaire comme de tout nationalisme ; l’interdépendance est une chance pour tous, notamment du fait des variations de rendements d’une année sur l’autre, qui sont sont plus facilement lissables grâce au commerce que par les stocks…) et renvoie à des principes d’autonomie alimentaire parfaitement utopiques sauf à revenir à des systèmes vivriers de précarité alimentaire (la Corse vivait ainsi il y a un siècle, important et exportant peu de nourriture ; on imagine mal qu’elle y revienne compte tenu de la maigreur des rendements possibles pour tout un tas de céréales et légumineuses autrefois cultivées jusque dans les endroits les plus isolés et les plus pentus…).

    Je rappelle également un principe économique tout bête : si l’on veut importer (tout un tas de produits que l’on est incapable de fabriquer chez nous, faute de compétitivité ou de gisement quand il s’agit de produits primaires – pétrole et gaz par exemple -) il faut exporter une valeur équivalente… Merci donc aux exportateurs de céréales, de semences et de vins qui font encore rayonner la France agricole (mais auxquels les décroissants veulent mettre des bâtons dans les roues), qui permettent au passage de nourrir des populations nécessiteuses (exemple du blé) et qui nous autorisent encore à nous équiper en biens de consommation bien utiles par ailleurs (j’ai bien connu la précarité et l’inconfort de l’existence de mes 4 grands-parents paysans ; je ne les souhaite à personne)…

  2. CDV says:

    Je reste un peu sur ma faim avec cet article.
    Et ça ne me choque pas qu’une partie des financements soient pris en charge par des instances publiques; pas d’eau, pas d’agriculture. C’est mettre notre alimentation dans les mains d’autres nations et si tension sur les marchés, on payera de toute façon collectivement la hausse des prix.
    Surtout si dans le meme temps on refuse les OGM permettant de produire des céréales moins gourmandes en eau.
    De la même manière, j’imagine mal toute une population basculer en qqs années dans la joie et la bonne humour vers la consommation de sorgho.

    • Sylvie Berthier says:

      Bonjour,
      Nous vous remercions pour votre commentaire. Simplement, cet article est davantage une brève pour faire une mise à jour du dossier publié il y a deux ans.

    • Mikel says:

      ” ça ne me choque pas qu’une partie des financements soient pris en charge par des instances publiques; pas d’eau, pas d’agriculture. C’est mettre notre alimentation dans les mains d’autres nations et si tension sur les marchés, on payera de toute façon collectivement la hausse des prix ”

      –> 80 % des cultures irrigués en France vont à l’export, il ne s’agit en aucun cas ici d’aller vers de l’autonomie alimentaire (qui est quant à elle plus que souhaitable!)

      ” Surtout si dans le même temps on refuse les OGM permettant de produire des céréales moins gourmandes en eau ”

      –> au contraire les OGM et toutes les semences hybrides sélectionnés et brevetés par les géants comme MONSANTO (grand pourvoyeur du vivant dans son ensemble) au détriment des variétés et semences paysannes sélectionnées pour leur adaptabilité et rusticité, sont EXTRÊMEMENT GOURMANDES EN EAU !

      ” j’imagine mal toute une population basculer en qqs années dans la joie et la bonne humour vers la consommation de sorgho ”

      –> personne ne parle de ça ici, mais d’une manière générale, en 2021, si les basculements crucialement nécessaires (et je ne me cantonne pas qu’au sujet de l’agriculture) n’ont pas lieu, ils s’opéreront plus tard, trop tard, dans la douleur et la souffrance, par la force des choses ! Pour des changements dans la joie et la bonne humeur il aurait fallu opérer il y a 50 ans minimum…

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