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Les échos & le fil Zéro artificialisation nette

Publié le 7 septembre 2023 |

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Quel chausse-pied pour le zéro artificialisation nette ?

La loi zéro artificialisation nette, connue sous l’acronyme ZAN, doit modifier sensiblement, d’ici 25 ans, les paysages auxquels nous sommes habitués. Il faudra en passer par une petite révolution.

Stopper l’artificialisation pour préserver la biodiversité n’est pas une idée nouvelle puisque le principe en a été posé lors du sommet de Rio en 1992 (Zero Net Land Degradation). Mais il aura fallu attendre 2021 pour qu’il soit inscrit dans la loi française (au sein de la loi Climat et résilience) et surtout que soient posées des échéances. Le principe est simple. D’ici à 2050, on ne pourra plus artificialiser de nouveaux espaces, sauf à pouvoir compenser, c’est-à-dire rendre des espaces artificialisés à la nature.

Si des problèmes de méthode de calcul subsistent (pour évaluer l’artificialisation), cela signifie donc qu’en 2050, les projets qui verront malgré tout le jour n’auront pas pu être évités et qu’ils ne pouvaient être implantés ailleurs, que leur impact sera limité au strict minimum et qu’ils auront été compensés écologiquement. De quoi obliger à revoir de fond en comble la manière dont nous faisons la ville et à rompre avec l’histoire.

Mais que regroupe-t-on sous le terme « artificialisé » ?

Réponse simple, tout ce qui n’est pas naturel, à savoir les bâtiments bien sûr, les voiries, mais aussi les sols stabilisés, nus ou enherbés… Un jardin est ainsi une surface artificielle ! En France, 9 % du sol est artificialisé et notre pays est d’ailleurs champion d’Europe en la matière. On a les médailles qu’on mérite. Dans le détail, en 2014, l’habitat et les sols artificialisés associés représentaient 42 % des surfaces concernées, les infrastructures de transport 28 %, le foncier économique (infrastructures industrielles, agricoles et sylvicoles) 14 %…

Source : rapport Objectif « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ? (2019)

Toutes les zones ne sont toutefois pas concernées de la même manière.

Ainsi l’artificialisation des sols est concentrée, en France, autour des métropoles et sur les zones côtières et les communes les plus denses sont aussi celles qui sont le plus artificialisées. Une règle qui vaut aussi pour les départements : les plus peuplés et denses s’artificialisent autour des pôles urbains quand, dans les départements moins peuplés, c’est plutôt le « mitage » qui est à l’œuvre.

Souvent montrée du doigt, la passion française pour le pavillon est une des principales causes de l’artificialisation de sols. Cette passion a été alimentée depuis les années soixante-dix par les aides à l’accession au logement, les tentatives de l’État de remédier au manque de logements et d’organiser le territoire mais aussi par la demande de périurbanité des ménages qui assument ce choix aujourd’hui pour vivre plus près de la nature.

Bref, c’est une remise en cause assez brutale du modèle de développement à l’œuvre depuis des siècles qui fait jaser dans les campagnes avec l’application de la séquence Éviter, réduire, compenser (ERC).

Comme souvent, le vote de la loi n’a pas fait que des heureux, en particulier dans les communes dont le moteur, par les taxes, a toujours reposé sur l’augmentation continue des populations. Au point qu’il a fallu une autre loi pour accompagner les élus locaux dans l’application des dispositions liées au ZAN.

Votée cet été, elle a été bâtie sur les remontées de terrain qui pointaient une série de difficultés. Cette loi d’appui accorde des délais supplémentaires pour la transcription des dispositions du ZAN dans les documents d’urbanisme, la mise en place d’une conférence ZAN régionale, la création d’une « garantie rurale »… Le texte de loi : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047866733

Le casse-tête maintenant sera donc de faire rentrer les populations supplémentaires dans les zones urbaines, mais avec quel chausse-pied ? Les pistes vont de la densification dans les zones pavillonnaires par la division des parcelles existantes (aussi appelée build in my backyard) à la mobilisation des logements vacants, la valorisation des dents creuses, les espaces vides dans le bâti, le développement du logement collectif… De quoi imposer des choix politiques, localement, qui vont faire grincer des dents.

D’ailleurs, il y a peut-être intérêt  à regarder ce qui se fait ailleurs, depuis le Royaume-Uni et sa planification foncière en passant par l’Allemagne et ses permis de lotir échangeables entre collectivités, ou encore la Belgique et son incitation à démolir pour reconstruire, sans oublier la valorisation des friches…

Refaire la ville sur la ville ne sera donc pas sans risque politique ! D’autant qu’il faudra faire avec la flambée prévisible du coût de l’immobilier et des loyers ainsi que  la « gentrification » de certaines zones… Autant d’évolutions dont les conséquences, notamment sociales, ne sont pas encore complètement appréhendées.

Illustration : paysage de Bigorre ©yann kerveno 2016

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