Publié le 22 septembre 2017 |
3[Oasis] Quelle durabilité pour les oasis du Sahara algérien (1/3)?
Les oasis du Sahara et leurs vergers de palmiers dattiers, produits quasi miraculeux de l’eau et de l’expérience agraire millénaire des nomades du désert, sont aujourd’hui menacés. Comment préserver et développer les oasis, îlots de vie en milieu hostile ? Un constat et des perspectives de durabilité, par Khaled Amrani (laboratoire PACTE, université de Grenoble).
Khaled Amrani, doctorant de l’université Grenoble Alpes, laboratoire PACTE Territoires, khaled.amrani@umrpacte.fr
La culture des oasis
La culture du palmier dattier (la phoeniciculture) remonte à l’Antiquité et ne peut se dissocier de l’histoire des deux plus anciennes civilisations agraires, la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, et l’Egypte le long de la vallée du Nil. Originaire du Golfe persique, la phoeniciculture a vu le jour vers 5000 avant Jésus-Christ grâce aux techniques de maîtrise de l’eau d’irrigation et à l’appropriation des techniques de la culture du dattier. Ce dernier, reliquat de l’ère tertiaire du point de vue paléontologique a prospéré dans un premier temps par sélection naturelle, puis par la suite grâce à l’intervention de l’homme. C’est ainsi que d’autres variétés sont apparues et ont été introduites dans d’autres contrées arides lors des étapes caravanières. Les routes commerciales transsahariennes ont joué un rôle important dans la diffusion de techniques agricoles hautement sophistiquées puisque dans ce contexte le développement de vergers phoenicicoles a permis de créer une ambiance climatique favorable à d’autres cultures potagères, céréalières, fourragères et fruitières. C’est à partir de là que les chaînes d’oasis commencent à se constituer dans cette vaste écorégion aride (Toutain et al, 1988 ; Amrani et al, 2011).
L’existence d’une oasis est conditionnée par la présence d’eau d’origine tellurique ou superficielle. Cette « combinaison » gagnante favorise l’apparition et l’épanouissement de l’agro-écosystème oasien composé de la palmeraie, association végétale de palmiers dattiers et de séquences paysagères à cortèges floristiques diversifiés, tels que la végétation des sebkhas (étendues d’eau saumâtre dans le Sahara), des lits d’oueds ou des dayas (dépressions humides riches en flore). Dans ce système complexe, l’Homme joue un rôle primordial. Son ingéniosité ancestrale a permis de surmonter les difficultés liées à la rudesse climatique mais surtout de tirer parti de ce milieu en apparence hostile. Les populations du Sahara d’origine nomade ont su capitaliser l’expérience agraire de l’antiquité périméditerranéenne et persane qui se trouve aujourd’hui rassemblée et adaptée dans la vallée du Nil, dans les oasis du Maghreb et celles du Machrek au Proche et Moyen-Orient.
Malheureusement, ces entités agro-socioculturelles et cet héritage intellectuel sont aujourd’hui menacés de disparition en raison d’une exploitation intensive des ressources naturelles et notamment hydriques, mais aussi d’une introduction inconsidérée des modèles de production occidentaux, développés dans des conditions étrangères à celles de ces oasis.
De multiples anomalies semblent se profiler avec des conséquences environnementales et socioéconomiques préjudiciables pour la durabilité des oasis. En effet, l’économie marchande mondiale actuelle pousserait plutôt les sociétés paysannes dans un appauvrissement relatif, source d’un exode important et d’un abandon généralisé. La littérature scientifique rapporte parfois le constat amer de l’érosion des savoirs et des savoir-faire ancestraux.
Comment envisager le développement durable de l’agrosystème oasien ? Comment exploiter durablement les ressources de ces territoires arides en faveur d’un développement agro-socio-économique ? Le diagnostic que nous posons permet d’en éclairer les enjeux de développement et conforte la nécessité de préserver ces espaces fragiles dans la durée.
Le concept de la durabilité des oasis à palmier dattier sera abordé à travers ses trois échelles agro-environnementale, socioterritoriale et économique. Cette approche multi-scalaire nous est dictée par la complexité des facteurs qui interagissent dans le fonctionnement de ces îlots de verdure aussi bien sur le plan agrotechnique, que sur le plan socioculturel. En effet, chaque oasis dispose de son propre code déontologique hérité au travers des générations. Ce fonctionnement leur a permis de perdurer des millénaires. L’avènement de modèles techniques modernes et productivistes nous semble, en revanche, être responsable de la dégradation observée aujourd’hui, conséquences de l’introduction de méthodes de production étrangères aux territoires oasiens et incompatibles avec leurs spécificités. Prendre en compte la composante « humaine » c’est-à-dire socioculturelle oasienne pour l’élaboration de programmes de conduite, certes modernes mais surtout adaptés, nous semble indispensable pour la durabilité de ces espaces.
A propos des performances techniques
Les études portant sur les systèmes de production oasiens et notamment sur leur mode de fonctionnement présentent de nombreuses lacunes. Elles sont souvent réduites à des approches préliminaires strictement descriptives des lieux et de l’existant qui n’est pas soumis à l’analyse (Ferry et al., 1999).
Dans le cadre du développement de l’agriculture saharienne en Algérie, les programmes publics de modernisation des exploitations agricoles se sont soldés par des échecs successifs ou n’ont pas atteint les objectifs escomptés. Les orientations stratégiques engagées semblent avoir été contreproductives comme en témoignent les échecs de « l’agri-bizness saharien » dans les cas du Complexe Agroalimentaire du Sud (CAAS) à Ardar et du projet de grande mise en valeur de Gassi Touil à Ouargla (Otmane et Kouzmine, 2013 ; Belguedj, 1999). De même, les tentatives d’introduire l’élevage intensif bovin dans la région de Guerrara à Ghardaia, malgré un réel potentiel de production, se trouvent confrontées à de multiples obstacles. Le manque de fourrage, des carences en termes de conduite d’élevage, des difficultés d’adaptation des animaux : il est sans doute nécessaire d’ajuster ces modèles aux réalités locales (Senoussi et al, 2010). Pour Boumaza (2012), l’adaptation à la modernité ne peut pas venir des modèles externes proposés par l’expertise si elle ne prend pas en compte les sociétés locales. De même ces chercheurs interrogent-ils les rapports entre les initiatives d’une société et son histoire, les formes passées de son organisation économique, culturelle et sociale (Matteudi, 1997).
Des systèmes agricoles technicisés et productivistes développés sur des centaines d’hectares, exercent une pression environnementale à l’origine d’une régression du potentiel agronomique des sols. Ces derniers, de structure squelettique, dépendent d’intrants agricoles (engrais chimiques, produits phytosanitaires, machinisme) très onéreux et tributaires des marchés extérieurs. Faute d’amortissement, de rendements suffisants et par manque de technicité, les projets n’ont pas atteint les résultats prévus.
Le phénomène de salinisation des sols est également l’une des conséquences de ces pratiques « productivistes ». Elle illustre leur manque de performances agronomiques. La salinisation des sols en milieu oasien est un phénomène récurrent dû à des pratiques inappropriées. L’irrigation par submersion consomme de l’eau en excès et ne profite que peu à la culture puisque les séguias d’amenées, canaux confectionnés sur des sols sableux filtrants, favorisent la percolation. Ce phénomène provoque une accumulation des eaux de la nappe phréatique élevant son niveau piézométrique. Au contact des radiations solaires, l’eau va s’évaporer laissant place à la formation de cristaux salins dans et à la surface des sols. Ce phénomène se répète à chaque irrigation et s’accentue durant la période estivale. Pour une eau titrant 3g/l de sel (teneur moyenne actuelle des eaux), l’accumulation théorique s’élèverait à 60 tonnes de sel par hectare et par an (la dose d’irrigation annuelle est actuellement aux alentours de 20 000 m3/ha/an). Certes une grande partie est lessivée mais encore faut-il que le réseau de drainage soit fonctionnel et les doses de lessivage appliquées…
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Menace écologique
La monoculture intensive de Deglet nour, la « datte de lumière », et les grands projets de mise en valeur tributaires d’intrants perturbent l’équilibre écologique des agro-écosystèmes oasiens. En effet, les oasis à palmiers dattiers sont des espaces concentrés où se déroule l’activité agricole.
Ces mêmes espaces constituent un lieu de « villégiature » pour la biodiversité et notamment pour les oiseaux migrateurs du paléarctique occidental1. L’Algérie occupe une place charnière dans le système de migration transsaharien (Isenman et Moali, 2000). La succession d’oasis à palmiers dattiers le long des vallées fossiles (Oued M’ya à Ouargla, Oued righ à Touggourt, le M’zab à Ghardaïa et la Saoura à Béchar) dessinent des corridors écologiques qui permettent aux oiseaux une traversée du Sahara durant leur périple migratoire. Cette traversée se déroule par étapes à travers les oasis. Le recours aux engrais chimiques et aux produits antiparasitaires de synthèse induit par ce mode de culture intensif affectent les réseaux trophiques de l’agro-écosystème oasien (Ould El Hadj M.D. et al, 2007).
Des cas de pollution diffuse par les nitrates sont signalés à Biskra (Algérie) du fait de l’utilisation massive d’engrais chimiques (Drouiche et al, 2011).
Par ailleurs, la monoculture dattière amorce un phénomène d’érosion génétique spectaculaire aux dires d’agriculteurs, puisqu’en l’espace de 40 ans plus de 50 cultivars de dattiers ont disparu de la palmeraie d’Ouargla dans le Sahara septentrional algérien.
Dans le Souf, à environ 260 km au nord-est d’Ouargla, le problème est tout autre mais aussi préoccupant. La remontée de la nappe phréatique dans les ghouts a pris des proportions alarmantes. Ce système qui consistait à planter les palmiers-dattiers au plus proche de la nappe phréatique dans une mini cuvette pour bénéficier de l’eau, s’est dégradé suite à l’avènement de nouvelles techniques d’exhaure de l’eau. Puisée en profondeur dans le continental intercalaire en quantité importante, elle s’est accumulée en surface dans les ghouts faute d’un réseau d’assainissement adéquat, occasionnant des problèmes d’hydromorphie suite aux excédents hydriques. Avec le temps ces eaux stagnantes ont subi une eutrophisation et ont vu la prolifération d’organismes aquatiques nuisibles tels les moustiques. D’autre part, l’acidification de ces eaux sous l’effet des excès d’azote laisse échapper des odeurs nauséabondes. C’est le constat que l’on peut faire dans la région des ghouts du Souf : la qualité de l’environnement y est affectée et leur pérennité menacée.
Dans les régions du Gourara et du Touat à environ 1400 km au sud d’Alger, en plein Sahara central, le problème est quasiment le même mais affecte cette fois-ci les foggaras, des galeries souterraines, merveilles de l’ingéniosité humaine ancestrale en matière d’irrigation maîtrisée. Les pompages à outrance au profit des grands périmètres de mise en valeur et notamment des céréales sous rampes pivotantes ont mis à mal les foggaras qui ont vu leur débit s’amenuiser. Le tarissement de ces sources, le manque d’eau dans certains secteurs et l’excès dans d’autres, sont les conséquences de modes de conduite agricole mal adaptés aux contraintes des territoires oasiens arides : rudesse du climat, fragilité des sols et gestion inappropriée.
Inéquité sociale
Les oasis à palmiers dattiers et la steppe environnante constituent un espace géographique anthropisé jouant un rôle indispensable pour la sécurité alimentaire des populations des zones arides, mais aussi pour la stabilité socio-économique à l’échelle nationale et internationale. Les ressources de ces territoires sont connues et exploitées depuis longtemps. Un savoir-faire s’y est développé, une organisation sociale s’y est établie qui a permis l’épanouissement de ces espaces. Or, de nos jours, ces ressources et cet héritage intellectuel sont menacés en raison de l’instauration d’une agriculture dite moderne, productive mais extérieure et étrangère à la société locale et socialement inéquitable.
La multiplication des forages dans le Sahara central constitue un bon exemple de ce problème. Cette politique a eu des conséquences négatives sur le système d’exhaure, d’exploitation et de gestion de la ressource en eau au point de causer le tarissement de centaines de foggaras. Leur état actuel – 50 % sont désormais taries sur les 1402 galeries recensées (Senoussi et al, 2011) – résulte d’une pression anthropique mal gérée par les administrations étatiques qui privilégient les grands investissements privés au dépend des petits producteurs. La surexploitation de la nappe à proximité des foggaras conduit au tarissement de ces œuvres d’art à valeur patrimoniale et socioculturelle. De même, l’implantation de nouveaux périmètres agricoles sur des espaces de parcours génère des conflits entre éleveurs et agriculteurs et des concurrences sur les ressources naturelles (eau et sol).
La volonté des pouvoirs publics et des institutions de moderniser les plantations phoenicicoles dévalorise a priori les savoir-faire locaux et marginalise l’expérience des lieux (Senoussi, 1999). La désagrégation des formes d’organisation sociale et ethnique découle essentiellement de politiques agricoles à visée productiviste.
Les phoeniciculteurs du Souf se sont quasiment tous lancés dans la production de pommes de terre – culture hautement lucrative – au point de s’interroger sur la capacité de cette spéculation à se substituer à la culture de dattier. La multiplication anarchique de petites surfaces replonge la région dans des problèmes agrotechniques quasi similaires à ceux des périmètres de mise en valeur. Ce modèle de développement incompatible avec les conditions du milieu, d’une part, et, d’autre part, étranger aux habitants de Oued Souf est en cause. Ainsi, la politique de mise en valeur agricole qui a mobilisé des moyens financiers et humains importants, présentait de nombreuses insuffisances. Les plus importantes étaient le mauvais choix des candidats, des modèles d’exploitation inadaptés et un manque d’efficacité du dispositif institutionnel chargé de mettre en œuvre cette politique (Bouammar et Bekhti, 2008).
Rentabilité économique ?
Hormis la datte Deglet nour qui bénéficie d’une Indication Géographique Protégée (IGP) de Tolga à Biskra, et autour de laquelle une filière s’est organisée en créant une dynamique économique à l’échelle locale, les autres variétés des différentes régions sahariennes (Ouargla, Ghardaïa, Adrar) ne disposent pas de la valeur marchande leur permettant d’être compétitives à l’heure actuelle. L’absence d’une filière organisée à Ouargla y apparaît comme un frein au développement de l’agriphoeniciculture. Pourtant la région dispose d’une diversité de cultivars (40) susceptibles de dynamiser l’économie locale autour du commerce de la datte de Ouargla. Certaines variétés servent à la fabrication de sous-produits (vinaigre, farine et miel). Mais cette production demeure artisanale et encore peu développée.
Par ailleurs, le commerce de la datte dans cette région s’organise dans le secteur informel, ce qui a pour conséquence d’ouvrir la voie à la spéculation. Cette situation est probablement due à l’absence d’une réelle politique de développement équitable et à de mauvais choix stratégiques. Ces mesures semblent avoir été élaborées pour des profils d’investisseurs. Ce positionnement institutionnel est ressenti de la part des habitants comme une injustice sociale, du moins un manque de considération qui a causé une rupture de confiance. Les petits producteurs, détenteurs d’un savoir-faire mais subissant la pression d’une concurrence déloyale, se sont rapidement retrouvés dans l’incapacité d’y faire face. Délaisser la palmeraie ancestrale à valeur patrimoniale et économique devient alors inévitable.
Un gigantesque chantier multi-acteurs nous paraît indispensable pour repenser les modes de culture d’une agriphoeniciculture fondée sur des objectifs de croissance économique. La légitimité politique de l’État, dans ce contexte, résultera de sa capacité à élaborer des compromis institutionnalisés sur des bases conjuguant principe d’efficacité économique et valeur de justice sociale (El Aoufi, 2012).
Ce dispositif de régulation institutionnel ne pourra porter ses fruits que si les règles adoptées sont contextualisées en fonction des conditions d’existence d’une société disposant de ressources techniques (le savoir-faire), culturelles et sociales qui façonnent son identité et conditionnent sa cohésion. A terme il pourra esquisser les contours d’un développement durable (Billaudot et Destais, 2009 ; Billaudot, 2011).
Un système politico-institutionnel défaillant
Une lecture rétrospective des réformes agraires engagées à l’échelle nationale permet de mieux comprendre les mutations des agrosystèmes oasiens du modèle traditionnel au modèle d’aujourd’hui. Notre approche critique de ces réformes relève des anomalies dans leur organisation et des obstacles dans leur développement.
Avec, pour commencer, l’échec de la Révolution agraire, mise en œuvre à partir de 1971, qui se manifesta par la marginalisation de l’agriculture subordonnée à l’industrialisation (Adair, 1982). Puis la déconvenue de la loi sur l’Accession à la Propriété Foncière Agricole de 1983, destinée à redimensionner les Domaines agricoles socialistes de façon à en faciliter la gestion à taille humaine et d’en améliorer la rentabilité. Manqué. Cette restructuration eut pour conséquence de marginaliser les paysans au profit de candidats investisseurs souvent étrangers au monde rural et dépourvus du savoir-faire approprié.
Quid, ensuite, de la Politique d’ajustement structurel du secteur agricole et du Plan national de développement agricole (PNDA), lancé dès 1999, qui cherchaient à développer une agriculture mieux organisée et plus performante ? Malgré l’importance des fonds mis à disposition et les efforts des pouvoirs publics, ce programme ne semble pas avoir atteint l’objectif escompté. L’absence de consultations publiques, la mise à l’écart des acteurs concernés et la non prise en compte de la composition sociale ont sans doute contribué à son échec comme en témoignent d’ailleurs l’approche participative et l’objectif d’acceptabilité sociale figurant dans la politique du Renouveau Agricole et Rural (RAR) à partir des années 2010.
Enfin, le Rar semblait répondre aux défaillances des politiques publiques antérieures. Longtemps considérés comme secondaires, voire marginaux, les enjeux locaux apparaissent dans les exigences collectives, remettant profondément en cause les modes d’action publique. A mesure que l’Etat se concentre sur ses grandes fonctions, le territoire est renforcé en tant que cadre d’organisation, de coordination de politiques diverses et de régulation. Il y a, là, un vaste chantier dont on commence à saisir les contours.
Des leviers pour un développement… durable
La question de l’intégration du concept normatif de durabilité dans les programmes institutionnels et notamment dans le cadre du programme de développement de l’agriculture saharienne nous paraît particulièrement d’actualité.
Un certain nombre de leviers permettraient d’amorcer le processus de développement :
– le rôle des institutions et l’efficacité des politiques publiques,
– l’intégration d’objectifs de durabilité et de conservation de la ressource naturelle dans les programmes de développement agricole,
– la définition dans ces programmes de développement des zones oasiennes de méthodes d’approche accompagnées d’indicateurs de durabilité aptes à autoriser un suivi temporel régulier notamment du point de vue socio-économique et agronomique,
– la définition de nouveaux systèmes productifs intégrant les conditions édapho-climatiques et socioéconomiques locales, et la production valorisée des dattes et produits dérivés parmi les 940 variétés que compte l’Algérie (Hannachi et al, 1998),
– le développement de signes de qualité dans l’agriculture oasienne et la labellisation de productions potagères, fruitières, condimentaires ou aromatiques visant une commercialisation internationale,
– la requalification des savoir-faire traditionnels et la revitalisation des ressources oasiennes, culturelles et techniques, le savoir-faire ancestral étant la passerelle entre les deux entités,
– la prise en compte des jeux d’acteurs et de leurs conflits.
Le Programme de Renforcement des Capacités Humaines et d’Assistance Technique (PRCHAT 2, 2014-2019) mis en œuvre dans le cadre du programme Rar arrêté par le ministère de l’Agriculture et du développement rural, offre ainsi un cadre opérationnel pour répondre aux priorités de revitalisation économique et sociale des espaces ruraux. Ce programme veut recentrer les différents dispositifs d’encadrement existants à la lumière des expériences antérieures, mais également au regard des nouveaux défis que l’Algérie affronte : amélioration de la compétitivité de la filière datte algérienne, valorisation des produits du terroir qui, in fine, permettra de reconsidérer les savoir-faire locaux en générant une dynamique économique. Tel est le résultat espéré de ce programme.
Conclusion
La crise dont souffre l’agriculture saharienne résulte d’une combinaison de multiples facteurs dans un contexte où les enjeux agro-socioéconomiques sont divers : il lui faut contribuer à la sécurité alimentaire et permettre la stabilité socioprofessionnelle comme la promotion de ces territoires, mais également la préservation des ressources naturelles.
La durabilité des agrosystèmes oasiens se heurte d’abord à des carences de gestion agrotechniques, principalement en matière d’irrigation, du fait du non calcul des doses et des parts d’eau monnayées. Sur-irriguées par surestimation des besoins mais aussi parce que l’eau souterraine est abondante, les parcelles subissent le phénomène de salinisation des sols qui affecte la valeur marchande des dattes. La production de qualité médiocre se vend alors difficilement et à bas prix. L’activité devient peu rentable économiquement et c’est ce qui explique en partie l’abandon des palmeraies par certains agriculteurs.
Les obstacles au développement des territoires oasiens paraissent donc trouver leur origine dans l’appareil institutionnel de l’Etat. L’absence d’un système de régulation économique ouvre une brèche à la spéculation, sous deux formes. L’une est immobilière : elle encourage l’arrachage des palmiers et leur remplacement par du béton ; l’autre est commerciale : l’absence de structure de stockage oblige les petits producteurs à vendre à bas prix. Ce sont là les conséquences de choix stratégiques qui ont favorisé de grands projets de mise en valeur surdimensionnés et expliquent les échecs successifs des politiques agricoles engagées depuis la révolution agraire des années 1970.
Le manque de technicité moderne et adaptée aussi bien au niveau de la production que de la valorisation, et la marginalisation du savoir-faire traditionnel sont également en cause.
A ce jour la filière dattes peine à se procurer des parts de marché à l’international. Il est donc primordial d’adopter des mesures en faveur d’un développement durable des territoires oasiens. Les leviers d’intervention à privilégier sont l’amélioration de la relation entre les acteurs par l’élaboration de projets spécifiques des territoires et de l’agriculture d’oasis ainsi que leur conception avec la société civile. Cette approche locale encouragera les initiatives et la coopération locale entre acteurs privés et acteurs publics en favorisant des programmes d’initiatives locales dans le cadre de PRCHAT2. Une valorisation des produits au moyen de labels, permettant d’en optimiser la valeur marchande, par exemple, est à encourager au même titre que la mise en place de circuits de proximité via des projets articulant offre et demande locale.
Pour retrouver les références bibliographiques de l’article, voir ici
- Le paléarctique occidental comprend l’Europe jusqu’à l’Oural, l’Afrique du Nord (jusqu’au Sahel septentrional) et le Moyen-Orient (sauf l’Arabie) (source Wikipédia)
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très bon travail
Très intéressant.