Quel heurt est-il ?

Published on 12 septembre 2019 |

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[lobbies] L’EFSA, grand corps malade ? 

Lire l’enquête de Valérie Péan et Laura Martin-Meyer

Dès lors que l’on évoque le poids des groupes de pression, difficile de ne pas évoquer le cas de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). Régulièrement entachée par la révélation de conflits d’intérêts, au cœur des polémiques sur la dangerosité ou non du glyphosate, l’agence est chargée d’évaluer les risques alimentaires. Créée en 2002, elle est censée être une source impartiale d’avis et de conseils scientifiques pour étayer les législations communautaires. Problème, ainsi que le raconte S. Horel, « en 2013, avec l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), nous avons analysé, pendant des mois, 209 déclarations d’intérêts produites par les experts des panels de l’agence. Pour arriver à ce résultat : 58 % de ces experts étaient en conflit d’intérêts… » Des résultats que l’EFSA rejette. Normal, « c’est une agence qui a une profonde incompréhension du sujet », reprend la journaliste, ce qui explique qu’elle n’effectue semble-t-il aucun travail de vérification de ces déclarations, souvent truffées d’omissions. Pour le philosophe Mathias Girel1, dans le cadre de cette science dite réglementaire, tout rapport d’expertise devrait être publié, sur la page professionnelle du scientifique, sur celle de son université ou de son institut, quitte à instaurer des périodes de carence en cas d’enjeux industriels. Mais il insiste : « Si c’est de la science, ce doit être publié. » Une traçabilité précieuse pour « rendre publics les éléments objectifs qui ont fondé la décision publique ». Face aux critiques que connaît actuellement l’EFSA, M. Girel mise sur les efforts au long cours : « Une telle instance doit redémontrer en permanence son bien-fondé. En expliquant, par exemple, les aspects de santé publique qui ont été protégés par son action et lesquels ont été laissés plus à l’arrière-plan, en affrontant la question des conflits d‘intérêts. Pour réellement repérer de la science toxique, il faut desserrer la focale, comparer avec d’autres articles et rapports, montrer la logique d’ensemble sur dix ou quinze ans… Ce n’est pas sur un dossier et un sujet précis qu’on peut juger une institution dans son ensemble, ce qui ne signifie pas pour autant être indifférent aux signaux d’alerte, quand ils existent.» 

  1. Maître de conférences à l’École normale supérieure, spécialiste de l’épistémologie, auteur de Science et territoires de l’ignorance, éditions Quae, 2017.

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