Publié le 6 novembre 2024 |
0Le tribut de #DANA
Les éléments se sont déchaînés sur l’est de l’Espagne presque une semaine durant. Poussant la société espagnole dans bien de ses retranchements. Et l’agriculture locale a beaucoup perdu. Le point dans ce fil du 6 novembre 2024.
Visuel : archive © Yann Kerveno
Alors non, DANA, ce n’est pas le petit nom qu’on aurait donné à la dépression qui a frappé l’est de l’Espagne plusieurs jours durant la semaine passée. C’est en fait l’ acronyme de Depresion Aislada en Niveles Alto, ce qu’on appelle goutte froide en français dont le nombre et l’ampleur ne cessent d’être grossi par le changement climatique. La violence de l’événement, les chiffres fous, plus de 200 morts et jusqu’à 600 mm de pluie, a poussé l’Espagne dans nombre de retranchements. Et a mis en exergue l’impréparation des pays et des populations face à ce type d’événement. Il y a pêle-mêle, pour le cas de Valence, les coupes budgétaires menées dans les dispositifs de prévention, les destructions de barrages, les problèmes liés à l’organisation politique même du pays avec des rouages mal graissés (voire une utilisation politicienne de la crise) entre Madrid et le gouvernement régional à l’heure de déclarer l’État d’urgence et de pouvoir mobiliser des secours rapidement sur place pour venir en aide aux populations. Que d’erreurs ou de manquements dans la chaîne d’alerte…
Bain de foule bouillant
Outre les tombereaux d’eau, l’urbanisation a joué un rôle majeur dans la catastrophe même si certains aménagements, comme le détournement et l’endiguement du fleuve Turia, construit après un semblable épisode en 1957, ont joué leur rôle en épargnant le centre de Valence. Ce sont des cours d’eau annexes qui ont inondé les faubourgs sud et est de la ville. Avec au bout, le bouillonnement d’une vaste colère dans les rues souillées où les habitants s’échinent toujours à mettre de l’ordre. Lorsque le Roi, la Reine et Pedro Sanchez, le premier ministre sont venus sur les lieux de la catastrophe, ce dernier fut obligé de fuir sous les insultes dans sa voiture caillassée par la population tandis que le couple royal, maculé de boue s’est astreint à un bain de foule difficile. Au milieu d’une bagarre vraiment politique entre le gouvernement central, de gauche, le gouvernement local, de droite, élu avec les voix de l’extrême droite.
500 tracteurs
Et puis il y a eu cette formidable solidarité des Valenciens, tellement déterminés à aider qu’ils ont bravé les interdictions posées par le gouvernement local et depuis tentent d’effacer les stigmates du désastre. Il y a eu aussi la solidarité des agriculteurs qui se sont mobilisés en masse, venus des alentours de la ville dès les premières heures, mais aussi de plus loin d’Aragon par exemple. Entre Valence et les zones touchées les plus reculées, Utiel, Requena, ce sont plus de 500 tracteurs et agriculteurs qui se sont mobilisés et sont toujours là pour certains, pour dégager les rues et permettre aux secours d’œuvrer. Ils n’avaient, pour ceux de la zone concernée par les inondation au moins, pas grand chose d’autre à faire, étant dans l’incapacité d’entrer dans leurs champs noyés sous les eaux. Car si l’on a beaucoup parlé des villes, l’agriculture a elle aussi beaucoup perdu. Selon les premières estimations d’Agroseguro, le système d’assurance espagnol, 20 000 hectares ont été touchés, soit 42 000 parcelles plantées d’agrumes, de kakis, de vigne ou de maraîchage qui génèrent habituellement 159 M€ de chiffre d’affaires.
La mer de plastique par terre
Outre les récoltes saccagées par l’eau, les arbres pourraient périr en nombre à cause de l’asphyxie des systèmes racinaires, craignent les producteurs. De quoi redouter une flambée des prix des clémentines cet hiver avec une production espagnole en recul possiblement de 60 %. Un des syndicats agricoles espagnols a dressé en début de semaine un bilan, province par province, qui donne à voir l’étendue des dégâts liés à cet épisode au-delà de la seule région de Valence. Ont aussi été touchés l’ouest et le sud de l’Andalousie avec là aussi de nombreux dégâts sur les agrumes. Almería, autre grand bassin de production, a également souffert, quelques heures avant que les éléments se déchaînent sur Valence, avec le passage d’un orage de grêle important (grêlons jusqu’à 8 centimètres de diamètre) qui a mis par terre nombre des structures de la « mer de plastique ».
Facture salée
Les autorités parlent de 4 200 hectares abritant principalement des concombres et des poivrons, dont 15 à 20 hectares détruits et 400 autres souffrant de graves dommages. Pour une facture pouvant aller jusqu’à 100 M€ de dégâts selon les premières estimations réalisées début novembre. La goutte froide a frappé jusqu’à Barcelone pour le dernier événement, inondant le sud de la capitale catalane, et détruisant une bonne partie des cultures en place dans les alentours de l’aéroport. Le syndicalisme agricole pointe du doigt la responsabilité de l’urbanisation dans les inondations survenues et le peu de cas qui est fait des terres agricoles dans les aménagements.Mais la facture, même si elle doit progresser, resterait largement en deçà de celle accumulée en 2023 par la sécheresse et les dégâts de la grêle, il y en avait eu pour 1,2 milliard d’euros.