Croiser le faire

Published on 30 octobre 2018 |

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[Friches] De nouveaux terrains d’ententes ?

Par Yann Kerveno

Les friches agricoles peuvent se révéler porteuses d’enjeux importants. Dans les grandes agglomérations, elles sont un outil qui peut freiner l’étalement urbain. En zone rurale, elles peuvent devenir la ressource du développement économique en permettant aux éleveurs de montagne d’accéder à l’autonomie alimentaire ou en offrant aux filières l’espoir de relocaliser leur production.

Thorrent, Pyrénées-Orientales. Un petit bourg, un hameau, dans la vallée de la Rotja, derrière l’imposant massif du Canigou. À quelques dizaines de kilomètres de là, Albières. Au fin fond des Hautes Corbières, dans l’Aude, là où les prairies ne sont plus que des clairières. C’est dans ces deux villages que vivent les éleveurs Olivier Gravas et Georges-Henri Gayraud. Le premier est venu de la région parisienne et s’est installé avec un troupeau de brebis. Le second a quitté la Côte d’Azur pour venir constituer son troupeau de bovins. Chacun de son côté a pris la tête d’un groupe d’éleveurs coincés aux entournures fourragères dans des zones pauvres en ressources et, des montagnes, ils sont descendus en plaine pour y remettre des friches en culture.

Friche. Drôle de nom pour une réalité mouvante, un état transitoire qui voit des morceaux de territoires passer du statut de terres agricoles à celui de forêt. La déprise a largement contribué à alimenter les friches, les gains de surface que la forêt a pu faire ces quarante dernières années en sont un marqueur incontestable. Ce sont les terres les moins faciles qui, en toute logique, ont d’abord été délaissées, explique Philippe Pointereau, de Solagro (lire l’interview par ailleurs). « Il faut distinguer deux choses très différentes, la jachère et la friche. La jachère est une terre agricole qui n’est pas récoltée, pour une ou plusieurs années, ce qui ne signifie pas qu’elle est abandonnée. La jachère peut avoir plusieurs raisons, des semis ratés pour les cultures annuelles, l’intervalle entre arrachage et replantation pour les cultures pérennes. C’est aussi un système qui fut utilisé par l’Union européenne pour gérer les surproductions. La friche c’est autre chose. C’est un terrain qui n’est plus géré par l’agriculture. C’est un abandon. Deux raisons président à cet abandon. La première c’est que des terres sont difficiles à exploiter, compte tenu de leur éloignement, de leur pente, de leur petite taille ou de leur faible productivité. L’autre raison ce sont les promesses du marché foncier, les propriétaires de terrains qui ne vendent pas à un autre agriculteur, qui ne veulent pas mettre en fermage parce qu’ils ont l’impression que le fermage verrouille la possibilité de vendre. C’est un comportement compréhensible tant la différence de prix entre les terres agricoles et le foncier à bâtir est énorme, trente à cent fois plus important selon les zones. Ces terrains peuvent rester longtemps en friche, dans l’attente de la vente, et l’agriculture n’a plus la main dessus. » Dès l’abandon, s’enclenche alors une succession écologique qui part de la friche, passe par les landes pour finir en boisement au bout de quelques décennies.

Problématique méditerranéenne

Si les friches sont présentes partout en France, c’est sur le pourtour méditerranéen qu’elles abondent. Sols pauvres, pression foncière élevée, le contexte est favorable à leur multiplication… Dans l’Aude, ce sont environ 10 000 hectares qui sont classés en friche et l’État a pris le dossier en main pour tenter de freiner le mouvement. La communauté d’agglomération du Grand Narbonne compte plus de 2 000 hectares de friche, celle de Carcassonne 3 800 hectares. La préfecture a réuni un comité de lutte, qui comprend tous les acteurs concernés, depuis la Safer , qui gère le foncier agricole à la chambre d’agriculture, jusqu’aux chasseurs, qui ont procédé au défrichage et à la remise en cultures « faunistiques » de 1 200 hectares depuis deux ans. Le travail sera renforcé dès cette année, avec une grande campagne d’information auprès des communes sur la gestion des « biens vacants sans maîtres » pour lesquels aucun impôt n’aura été perçu depuis trois ans, la loi leur donnant aujourd’hui le droit de s’arroger la propriété des terres concernées.

Comme dans l’Aude, dans les Pyrénées-Orientales les friches se sont multipliées à mesure que la vigne s’arrachait autour de Perpignan. Mais revenons à Olivier Gravas et Georges-Henri Gayraud. Avec leur groupe d’éleveurs, ils donnent un nouveau sens au mot friche en allant chercher en plaine les ressources qui leur manquent en montagne et cela sans acquérir le foncier. Ils travaillent les terres, procèdent aux récoltes, en baux de courte durée. Le bénéfice est double. À eux l’assurance de bénéficier de fourrages dont ils maîtrisent les prix et la qualité et aux territoires enfrichés le regain d’activité sur des terres abandonnées faisant du gringue aux incendies. Ainsi décrite, l’histoire semble simple.

Des initiatives différentes

La réalité est plus complexe. Georges-Henri Gayraud témoigne pour son association, constituée en Groupement d’intérêt économique et environnemental avec l’appui du Civam Bio de l’Aude : « Nous nous sommes dit que nous pourrions peut-être finir des veaux au lieu de les vendre en maigre à l’export, histoire de générer un peu plus de valeur ajoutée à notre travail. L’idée était bonne mais il y avait un obstacle sur notre chemin, celui des fourrages. C’est très difficile à faire chez nous, les sangliers ont pris le pouvoir ! Cela n’a pas été simple. Les céréaliers nous sont tombés dessus, ils avaient peur qu’on prenne toutes les terres, la pression foncière n’aide pas non plus, les gens ont l’impression que, lorsqu’un agriculteur travaille une terre, elle est perdue pour toujours et qu’elle ne pourra plus se vendre. » L’appui de la commune de Ferrals-les-Corbières, de la cave de Fabrezan puis de la Compagnie du vent, qui exploite des éoliennes à quelques kilomètres, à Cruscades, a été déterminant. En quarante mois, le groupe a visité quatre-vingt-cinq hectares au total.

Dans les Pyrénées-Orientales, la mécanique fut un peu différente. La demande n’émanait pas des éleveurs mais de la commune de Claira, en banlieue de Perpignan (lire l’interview ci-dessous de Martine Napoleone « Cas d’école »). « Des représentants de la mairie sont venus à l’assemblée générale de la coopérative ovine du département pour nous proposer de remettre des friches en culture sur leur territoire », explique Olivier Gravas. Parcelle par parcelle, les deux groupes ont réussi à s’implanter en plaine, à convaincre les propriétaires de signer des baux une fois passées leur incrédulité et leur méfiance, et les éleveurs sont devenus céréaliers, producteurs de fourrages. « Au départ, en 2012 et 2013, nous étions une douzaine d’éleveurs intéressés, mais le groupe a fondu depuis », sourit Olivier Gravas qui gère la SARL créée pour cette activité. « La première année nous avons bricolé avec du matériel qu’on nous a prêté. L’année dernière nous avons constitué une Cuma, cela nous a permis d’acheter deux tracteurs et une chaîne de fenaison… » De trente-quatre hectares remis en culture la première année, la sole utilisée est passée à plus de quatre-vingts hectares en 2017. Parti de Claira, le projet a débordé sur des communes limitrophes, Saint-Hippolyte et Saint-Laurent-de-la-Salanque, confrontées à la même dynamique délétère de développement des friches. « En 2018, c’est une centaine d’hectares qui vont être mis en culture. Nous allons produire des fourrages sur soixante-cinq hectares et des céréales sur une vingtaine d’autres hectares. » Les parcelles non utilisées ne sont pas rendues aux friches, elles sont entretenues. Et la « course à l’agrandissement » est officiellement terminée pour l’entreprise, qui dispose aujourd’hui des surfaces nécessaires à satisfaire les besoins des cinq éleveurs engagés.

Apprendre

« Maintenant, nous allons essayer de rationaliser, de regrouper les terres pour gagner en efficacité et en temps de travail » en essayant de mettre en place de l’irrigation si les parcelles peuvent y avoir accès, en travaillant sur les amendements en lien avec le projet de plateforme de compostage mené par le Civam Bio des Pyrénées-Orientales.

De son côté, le groupe audois a aussi essuyé les plâtres. La première année, ils ont pu mettre en culture de l’orge et de l’avoine sur neuf hectares en vingt-six parcelles chez huit propriétaires… La deuxième année, la sole recouvrait déjà vingt et un hectares en trente-deux parcelles chez onze propriétaires pour de la luzerne, du sainfoin et du méteil qui ont donné six tonnes de récolte. En 2017, il y avait trente-six hectares en culture, chez douze propriétaires pour trente-six parcelles. La récolte de luzerne a atteint les seize tonnes, le foin d’orge treize tonnes. « Comme nous ne sommes pas des céréaliers par définition, sourit Georges-Henri Gayraud, on a fait des erreurs. La première année, ça n’a pas donné grand-chose », reconnaît-il. La première culture fut donc laissée sur place et elle a servi à alimenter les sols mis à mal par l’absence prolongée de cultures. « Au départ, ce projet devait nous permettre d’engraisser des animaux. Mais, en quatre ans, les conditions ont drôlement changé, poursuit l’éleveur. Nous sommes en proie à une sécheresse terrible dans les Hautes Corbières », explique-t-il. Les fourrages qu’ils cultivent et récoltent en plaine servent surtout à nourrir les vaches mères de leurs troupeaux durant les trois derniers mois de gestation et pendant la lactation quand les veaux sont sous la mère. Tant pis, pour le moment, pour la finition des animaux.

La gestion ardue des priorités

« En 2014, on ne savait pas où on allait, mais la coopérative à qui nous livrons les bêtes nous a soutenus. Depuis, nous sommes parvenus à faire taire les mauvaises langues. Petit à petit nous apprenons ce nouveau métier », ajoute Olivier Gravas. Il a fallu en particulier intégrer cette charge supplémentaire dans l’emploi du temps… « Il y a deux grosses périodes de travaux, les semis puis la récolte, de mars à juillet, fenaison et moisson. C’est toujours du temps que nous n’avons pas sur nos exploitations, qui ne sont pas des entreprises qui tournent toutes seules, où tout roule. Nous sommes sans cesse dans la gestion ardue des priorités ! » explique Olivier Gravas, qui reconnaît quand même un grand avantage à cette aventure : « Au moins, nous sommes maîtres de la qualité de nos fourrages, ce qui n’est pas le cas quand on achète sur le marché. » Pour Martine Napoleone (Inra-Sad), le temps de travail est un des points les plus délicats qu’elle a identifiés en suivant le développement du projet de Claira. « Le groupe Fricato, de Claira, estime entre 300 et 350 jours le travail en plaine. Il est à répartir en cinq, soit soixante-dix jours de travail par éleveur. C’est très lourd à gérer. Il y a des choses à réfléchir en termes d’organisation. Par exemple, Olivier Gravas évoque l’éventualité de faire entrer dans la SARL un agriculteur qui serait installé en plaine pour mieux répartir le travail et les temps de déplacement. Et puis il y a l’activité de coordination entre les éleveurs pour réaliser ces travaux. C’est autre chose, il faut pouvoir anticiper, s’organiser collectivement. C’est aussi du temps passé en animation. Dans une grosse Cuma, on peut avoir un employé. Là, à cinq, c’est l’éleveur gérant qui assure cette animation, c’est un travail en soi », explique-t-elle. Parmi les autres écueils qu’elle a identifiés figurent l’animation et l’investissement : « Les principales limites, d’après moi, concernent la nécessité de maintenir une animation pour le foncier ainsi que l’investissement demandé par l’acquisition du matériel pour cultiver en plaine… Ce matériel est indispensable. Même s’il est possible aux éleveurs de se constituer en Cuma et d’avoir accès à des financements, cela reste, pour ce type d’élevage, un investissement important. Cela pose la question de décider qui doit investir et comment… »

Si la problématique est de grande ampleur dans les contrées méditerranéennes, d’autres régions de France ont maille à partir avec les friches. C’est le cas en particulier des agglomérations qui tentent, pour certaines, de concilier développement urbain et maintien d’une agriculture incluse dans l’urbain (lire le cas de la métropole nantaise par ailleurs). Ce sont aussi parfois des filières qui tentent de se saisir de ces terres abandonnées. Le cas le plus récent date de fin 2017 : des industriels de la bio (expéditeurs et transformateurs) des Pyrénées-Orientales ont travaillé à recenser 1 000 hectares de friches irrigables au sud de Perpignan. Objectif de ce plan, qui comprend des conditions préférentielles pour sécuriser les projets : installer des producteurs sur ces terres délaissées pour relocaliser leurs approvisionnements. Ils se sentent capables, disent-ils, d’absorber du jour au lendemain la production de cent hectares de maraîchage bio.


« Cas d’école »

Depuis trois ans, Martine Napoleone (Inra-Sad) suit de près le groupe de Claira, avec le sociologue Roberto Cittadini, dans le cadre de l’observatoire des actions collectives en faveur des transitions agroécologiques. Explications.

Quelles sont les clés d’un tel projet ?

Ce projet a une double vocation, maintenir l’élevage en montagne et entretenir les friches en plaine. La première chose à dire, c’est qu’il n’a pu se construire que par l’engagement et la volonté d’acteurs très différents. Tout d’abord les acteurs territoriaux de la plaine périurbaine de Claira. On est dans une zone essentiellement viticole, avec une forte proportion de friche (près de 40 %). Le territoire est soumis à une très forte pression foncière. La municipalité, consciente de cette problématique, décide de s’y atteler, de trouver des solutions… Viennent ensuite les éleveurs du Canigou. Ils ont de petits élevages pastoraux (120 à 200 brebis), bien adaptés à leur milieu. Ils pâturent et entretiennent les parcours et les alpages. Mais ils ne disposent pas de terres cultivables pour produire le foin pour l’hiver. Le projet Fricato s’est donc construit à partir d’une volonté partagée entre les acteurs territoriaux de plaine et les éleveurs pastoraux de montagne pour construire un projet renforçant la durabilité des activités dans les deux territoires (relance d’une agriculture diversifiée en plaine et sécurisation de l’élevage en montagne). La clé de la réussite d’un tel projet, d’après moi, est bien la prise en compte de ces deux types d’enjeux d’activité et de territoires contrastés. Pour finir, la présence d’un animateur est indispensable. C’est la personne clé du projet, celle qui fera l’animation foncière, elle doit être implantée dans la commune. Elle connaît bien toutes les petites histoires locales et facilite ainsi l’acceptation du projet par tous.

Quel regard portez-vous sur les résultats obtenus ?

Le premier constat, c’est que c’est possible !

C’est possible de viser l’autonomie en foin et en céréales. Les cinq éleveurs y sont quasiment parvenus. Ils y sont arrivés avec modestie, en expliquant qu’ils allaient apprendre, ils ont su générer un capital de sympathie important autour de leur projet. Les chasseurs de la commune, les agriculteurs locaux ont été très présents. Ils ont aussi bénéficié d’un accompagnement technique par Yann Bertin, qui connaît les itinéraires culturaux adaptés aux reprises des friches, et d’un accompagnement de la chambre d’agriculture.

C’est possible de trouver des terres, grâce au travail d’animation. Ayant démarré avec trente-quatre hectares, les éleveurs cultivent actuellement près de cent hectares de légumineuses et de céréales. Cela redonne une valeur agronomique aux terres et diversifie le paysage.

C’est possible d’engager une double dynamique qui renforce à la fois l’activité d’élevage en montagne et la valorisation des terres périurbaines avec, qui plus est, pour rompre avec les monocultures traditionnelles, des engagements de préservation de bandes de biodiversité en partenariat avec la fédération départementale des chasseurs.

Avec le recul, cette organisation génère-t-elle des changements dans la conduite des élevages ?

Oui, c’est extraordinaire. Le fait d’avoir du foin et des céréales à disposition conduit à des changements importants dans les élevages. Les céréales sont données en soutien à la lactation des brebis, donc les agneaux poussent plus vite, les lots sont plus homogènes, les montées à l’estive sont plus faciles à gérer… Ce projet c’est aussi le moyen pour les éleveurs de produire eux-mêmes l’alimentation qu’ils donnent à leur troupeau et de « ne pas être dépendant d’un marchand d’aliment ». C’est aussi un levier prépondérant pour passer en agriculture biologique, les surfaces de plaine étant conduites en AB.

Est-ce duplicable ?

D’après Olivier Gravas, il existe plus de 10 000 hectares de friches dans les Pyrénées-Orientales. À la chambre d’agriculture, Anne Rouquette estime qu’il y aurait dans le département soixante à quatre-vingts éleveurs pastoraux assez semblables à ceux du groupe Fricato. On sait aujourd’hui, avec ce projet, qu’un groupe de cinq à sept éleveurs, avec 150 brebis chacun, a besoin d’une centaine d’hectares pour couvrir ses besoins. Mathématiquement, 1 000 à 1 500 hectares permettraient aux éleveurs du département d’être autonomes. Avec une volonté politique, tant de la part des acteurs territoriaux que des professionnels de l’élevage qui s’engageraient dans ces actions, on peut penser que ce type de projet pourrait faire école.


À Nantes, les friches ont cessé de se développer

En six ans, 1 000 hectares ont été défrichés et trente agriculteurs se sont installés.

À la fin des années 2000, la métropole nantaise s’est penchée sur la question de ses friches en réalisant un état de lieux. « En 2009, nous avions environ 3 400 hectares de friches alors que la SAU de la métropole s’étendait sur 14 000 hectares. Nous nous sommes rendu compte que nous disposions d’un fort potentiel agricole, avec un lot important de friches de moins de cinq ans, faciles à remettre en culture. En face, l’autre paramètre, que nous connaissions bien, c’était la pression foncière très forte avec une grande probabilité d’étalement urbain, que nous voulions limiter autant que possible. Nous avons créé des groupes locaux, qui ont une bonne connaissance du foncier et de la situation. On trouve généralement dans ces groupes un technicien de la métropole, un représentant de la chambre d’agriculture, les élus des communes, des exploitants actifs du secteur. Ces groupes se réunissent une fois par an pour évaluer la situation. La première piste suivie a été celle de la remise en culture par les agriculteurs en place, soit dans le cadre d’installation soit dans celui d’agrandissement d’exploitations. La métropole a accompagné ce mouvement en finançant le défrichage jusqu’à hauteur de 80 % de la facture », détaille Jean-Claude Lemasson, vice-président de Nantes Métropole, chargé de l’agriculture périurbaine et maire de Saint-Aignan de Grand Lieu. Six ans plus tard un premier bilan a été dressé pour évaluer l’opération.

Consolider avec le PAT

« Nous avons remarqué pas mal de mutations sur le territoire. Près de 1 000 hectares avaient été défrichés, la moitié avec les aides de la Métropole, le reste sans elle. Nous avons constaté le recul de l’utilisation des terres agricoles à des fins de loisirs. Certaines friches trop anciennes, trop onéreuses à débroussailler ont été versées dans la catégorie des espaces naturels. Nous avons certes noté l’apparition de nouvelles friches mais la surface agricole utile a cessé de diminuer. » En six ans, trente installations ont été recensées sur le territoire de l’agglomération : la moitié en maraîchage, dix en élevage bovin, un en volaille, deux en pépinières horticoles, ainsi qu’un producteur d’escargots et un vigneron… Onze de ces exploitations sont en bio, le reste en conventionnel. « Au total, en 2017, nous comptions 247 exploitations sur notre territoire, dont quarante-deux en bio. Nous n’avons perdu que quatre sièges d’exploitation durant cette période. Elles occupent 13 964 hectares de surface agricole utile et représentent 1 600 emplois. Cent onze de ces exploitations sont en circuit court », détaille encore Jean-Claude Lemasson qui compte maintenant sur le Projet Alimentaire Territorial (PAT) de la métropole et sur l’ouverture du nouveau Marché d’Intérêt National (MIN) de Nantes, pour consolider ses activités.


Les friches ne sont pas le principal problème !

Trois questions à Philippe Pointereau, qui dirige le pôle agroenvironnement de Solagro

Les friches prennent-elles de l’ampleur en France aujourd’hui ?

Non. Aujourd’hui on sait que la forêt ne gagne plus d’espace à l’échelle du pays mais si l’on y regarde de plus près c’est plus subtil, la situation n’est pas figée. Chaque année on défriche 10 000 hectares, donc c’est que la forêt gagne 10 000 hectares ailleurs. En fait, l’abandon « définitif » de terres agricoles est relativement limité en France, sauf peut-être encore dans la zone viticole du Languedoc. C’est davantage l’artificialisation qui pose problème.

C’est-à-dire ?

L’artificialisation consomme 60 000 hectares par an en France. On parle d’artificialisation lorsque les sols sont bâtis ou utilisés comme espaces verts ou pelouses. Le gros problème c’est que nous sommes incapables de contrôler à la fois l’augmentation de la population et les migrations à l’intérieur du pays. En France, 6 000 communes, y compris des villes moyennes, perdent des habitants chaque année. Malgré cela, on ne récupère pas de terres agricoles puisque les terrains sont artificialisés. Tracez autour de ces villes un cercle de 20 à 30 kilomètres et vous verrez combien les tensions sont fortes aujourd’hui dans ces espaces. Cela génère des créations de lotissements qui sont alimentés à la fois par les déplacements de population et par l’augmentation démographique naturelle. Si vous combinez cela à une demande sociale marquée par la maison individuelle et l’étalement urbain qui en découle vous comprenez mieux la dynamique à l’œuvre.

Comment combattre cette artificialisation ?

Le vrai problème réside, à mon avis, dans la plus-value que recherchent les propriétaires grâce aux ventes de terrains agricoles comme zones à bâtir. Il faudrait, comme cela se fait dans d’autres pays, que la plus-value soit fortement taxée ou mutualisée, qu’elle n’aille pas intégralement au vendeur. Il faudrait aussi pouvoir empêcher les gens de se déplacer, mais là c’est plus complexe, il faut penser emploi… L’autre levier, peut-être le plus puissant, serait de changer l’imaginaire des gens et faire qu’ils abandonnent le rêve du pavillon avec jardin qui reste trop consommateur d’espaces agricoles dans les périphéries des centres urbains. Pour cela il faut mettre en place des projets de logements collectifs qui soient attractifs, avec des aménités justement apportées par le collectif : voitures en commun, jardins partagés, machines à laver collectives, pièces communes pour recevoir, etc. Ensuite il faudrait que les futures zones urbanisées deviennent des tampons, qu’elles intègrent l’agriculture et que les habitants apprennent à respecter les champs comme ils respectent les jardins publics.

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