Publié le 5 septembre 2024 |
0Vers le mammouth 2.0
C’est un gigantesque puzzle en 3D qui dura six ans. Un consortium international de scientifiques (notamment un chercheur d’Harvard et un autre du muséum d’Histoire Naturelle de Suède) a révélé ce 11 juillet à la revue Cell être parvenu à reconstruire l’ADN d’un mammouth laineux, d’après un fossile exceptionnellement bien préservé par déshydratation et découvert en 2018. Fait unique, son génome – bien qu’en miettes – avait conservé sa structure tridimensionnelle !
Par Joffrey Lebourg, journaliste indépendant
Cela conduisit à identifier deux groupes de gènes jouant un rôle majeur : celui de sa fourrure et celui de l’adaptation au froid. Ils pourraient permettre, à partir de l’ADN d’éléphant asiatique, la production d’hybrides viables. Un pas de plus vers la dé-extinction, octroyée par les outils génétiques modernes (surtout les « ciseaux » CRISPR).
Malheureusement, si la résurrection d’espèces disparues est l’objet de travaux dans plusieurs pays, aucune entité ne cadre encore le processus. Et recréer un animal juste car il est « amusant » à étudier relèverait d’une éthique très douteuse, surtout pour un être sociable comme le mammouth. Certains avancent un intérêt écologique avec le projet Pléistocène, fantasme de l’entreprise américaine Colossal Biosciences, où réintroduire les grands herbivores d’antan aurait pour effet la prolifération des graminées des steppes, dont la couverture offre un fort albédo et, à terme, enrayerait la fonte du pergélisol russe (un énorme puits de carbone). Étant admis que l’humanité ne fera pas assez pour endiguer la crise climatique, autant trouver des mandataires pour œuvrer à sa place.
Hélas, les races éteintes ne sont pas protégées par les traités de conservation de la faune. Et surtout, de quel droit pouvons-nous décider de sauver une créature plutôt qu’une autre, surtout quand nous ne sommes pas coupables de son extinction ? Quelles limites donner à cette pratique ? Avec ce fort soupçon : la dé-extinction n’ouvrirait-elle pas un boulevard pour continuer à trucider en toute bonne conscience des espèces vulnérables ? Pas grave, tant que nous pouvons les reconstituer…