Publié le 13 mars 2024 |
0Une vraie tête de laminaire
On en parle moins que des insectes, de la viande végétale ou la viande de synthèse, mais c’est peut-être parce qu’elles sont présentes parfois depuis longtemps dans notre alimentations. Pourtant, vous verrez dans ce fil du mercredi 13 mars 2024, que du laminaire à la spiruline, les algues ont du potentiel ! Jusqu’à celui de faire se dresser les populations comme un seul homme !
Visuel : © archives Yann Kerveno
ON CAUSE BEAUCOUP DES NOUVEAUX ALIMENTS, des insectes, de la viande qui n’en est pas, celle qui en est mais pas non plus complètement puisqu’elle n’est pas prélevée sur les animaux… Les algues sont, elles, un peu sous le radar. Pourtant, il y a de nombreuses pistes pour faire exploser les convoitises et pas seulement pour attiser notre gourmandise… Jugez-un peu. Sachez en effet que l’on a déjà largement dépassé le stade de la cueillette dans certains coins de la planète. Il se produit 35 millions de tonnes d’algues fraîches chaque année, en Asie il est vrai, dans des fermes aquacoles. La principale destination de ces algues, plus de la moitié des volumes, explique Futuribles, est transformée en agents de texture dont les deux tiers sont ensuite consommés par l’industrie agroalimentaire, vous pouvez vous jeter dans vos placards fébrilement à la recherche des E401, 406, 407…
Ces agents de texture sont aussi utilisés dans d’autres industries, textiles, peintures, etc. Les algues consommées en tant que telles représentent 30 % des volumes produits. Dans un long papier, MedicalNewsToday dresse un portrait complet du potentiel alimentaire des algues et des arguments qu’elles ont à faire valoir. Au point pour certaines d’être classées dans la catégorie des superaliments. Pour leur caractère bio et leur conformation.
ÉVOLUANT DANS L’EAU, ELLES N’ONT QUE PAS BESOIN DE PRODUIRE DE CELLULOSE, celle qui fait les branches, les tiges etc. Et donc peuvent consacrer la quasi-totalité de leur énergie à produire des protéines, des acides gras… Elles ont aussi des propriétés oxydantes marquées. C’est d’ailleurs pour leur teneur en protéines que les algues sont présentées comme une des clés du futur de l’alimentation mondiale dont la demande en protéine ne cesse d’augmenter. Au point qu’il sera probablement difficile de concilier les productions terrestres de protéines avec les enjeux climatiques qui sont aujourd’hui les nôtres. En France, aujourd’hui, 34 espèces d’algues sont déjà autorisées comme aliments. L’algue la plus consommée dans le monde est une algue rouge, nori, largement consommée au Japon. Car si la consommation d’algue est récente dans notre contrée, il y a belle lurette qu’elles font partie de la diète dans certains pays, en Asie et au Japon où elles représentent 10 % de l’alimentation, mais aussi en Europe, en Norvège, en Irlande, en Islande…
En France, c’est en Bretagne que la production est actuellement concentrée. À l’échelle européenne, c’est une étude récente du Joint Research Center (JRC) qui le met en évidence, c’est la production de spiruline (une cyanobactérie) qui domine le secteur de l’algoculture, avec deux acteurs majeurs, la France et la Grèce. La Norvège restant un leader incontesté de la récolte en mer (163 000 tonnes), loin devant la France (50 000 tonnes). Mais vous avez là aussi des chiffres précis dans la « feuille de route algues » publiée le mois dernier par le gouvernement français en vue de développer ces filières dans la foulée des velléités européennes sur le sujet… Le sujet a beau être à « bas bruit » il est toutefois bien présent…
TOUTEFOIS, EN DEPIT DE TOUTES CES QUALITES, il reste des marches importantes à franchir. La première, c’est celle de l’acceptation par les consommateurs, pour des questions d’odeur et de goût. La seconde, c’est la massification de la production. Produire des algues réclame des eaux de bonne qualité, parce qu’elles ont la capacité de fixer tout un tas de trucs qu’on n’a pas forcément envie de voir dans nos assiettes, tels les métaux lourds. D’ailleurs, on s’en sert aussi potentiellement pour des actions de dépollution de l’eau. Or, les microalgues sont produites par l’algoculture, où il est possible de contrôler le milieu de développement, les macro-algues sont, elles, encore largement récoltées directement dans les mers et océans. Mais comme pour les végétaux terrestres, nos assiettes ne sont pas la seule destination possible de la biomasse des algues… On peut aussi les utiliser dans l’alimentation animale, la production d’engrais ou de produits phytosanitaires et de médicaments, dans les biocarburants et diverses industries… Et jusqu’à la captation de CO2 !
MAIS BON, POUR TOUT CELA, COMME DANS BEAUCOUP D’AUTRES DOMAINES, il faudra faire avec l’avis des populations locales. En Cornouailles, chez nos voisins anglais, la perspective de voir des baies farcies de bouées servant de point d’ancrage aux algues cultivées émeut les habitants du secteur. Jusqu’à faire reculer les promoteurs de ces fermes aquatiques. En Bretagne, où la question des algues est fort sensible à juste raison, de telles mobilisations s’étaient produites voici dix ans quand les premiers projets ont été rendus publics…