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Quel heurt est-il ?

Publié le 10 mars 2025 |

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[Sécurité alimentaire 2/3] Les silos de la colère

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Deuxième partie du dossier [Sécurité alimentaire]. Après les explications de Franck Galtier, économiste au Cirad, sur ce qui se joue derrière les stocks alimentaire, le point de vue Morgan Ody, coordinatrice générale de La Via Campesina.

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Faire bloc pour constituer des stocks ?, avec Franck Galtier, économiste au Cirad (cliquez ICI)

Des stocks de sécurité gérés par le privé, avec Bernard Valluis, président de la Fédération européenne des banques alimentaires (cliquez ICI)

Pour les pays émergents ou en développement d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine (dits « Sud global »), les stocks publics sont souvent affaire de survie face aux crises climatiques, sanitaires et géopolitiques. Morgan Ody enfonce le clou : « Il faut pouvoir nourrir la population, ce qui est facteur de stabilité politique, soutenir l’agriculture locale, limiter l’inflation et la spéculation et, ainsi, lutter contre l’insécurité alimentaire. » Pour notre interlocutrice, face aux règles strictes de l’OMC, le vent tourne : « J’étais au G20 social de Rio, en novembre dernier, et c’était assez étonnant : autour de la table, tous étaient d’accord pour dire que les stocks publics étaient une nécessité. Même les représentants de pays d’Amérique latine et d’Afrique qui y étaient jusque-là peu sensibles. » L’étincelle ? La brutale flambée des prix mondiaux due à la guerre en Ukraine déclenchée en février 2022. « Dès le printemps, lors des négociations à l’OMC, l’Égypte a demandé à pouvoir constituer des stocks pour assurer sa sécurité alimentaire. Eh bien, c’est scandaleux : les États-Unis, l’UE et tous les autres agro-exportateurs réunis dans le groupe de Cairns ont refusé ! »

Mais l’offensive s’organise : « Au sein du Comité International de Planification pour la souveraineté alimentaire (CIP), qui participe à de nombreux travaux auprès des instances onusiennes, nous travaillons à sortir les questions agricoles et alimentaires de l’OMC pour les ramener au sein de l’ONU et établir un nouvel accord via la FAO ou la Cnuced. Notre proposition sera finalisée d’ici à quelques mois. » Et, chemin faisant, les bonnes surprises sont au rendez-vous. Car, certes, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Thaïlande ou le Vietnam n’ont jamais cessé de stocker, mais « mis à part en Asie, nous pensions que nous allions trouver un désert ». Or d’autres régions du monde emboîtent le pas. L’un des enjeux forts : acheter les grains non plus aux gros producteurs sur le marché, mais à la paysannerie locale pour lui garantir un débouché à prix stable. C’est un peu le cas en Afrique de l’Ouest, via son organisation économique, la Cedeao mais l’exemple notable « c’est le Brésil qui, depuis peu, mène une politique intéressante d’achats via les cantines scolaires, obligées de s’approvisionner à hauteur de 30 % auprès de l’agriculture familiale ». Surtout, le gouvernement vient de demander un rapport sur la manière dont il pourrait initier des réserves stratégiques, et ce auprès de l’économiste Isabella Weber, professeure à l’université du Massachusetts, très connue dans les arènes internationales pour sa défense des stocks comme régulateurs des prix. De même, d’autres États manifestent un intérêt nouveau, comme le Mexique et l’Uruguay, dont les gouvernements ont basculé à gauche et sont sensibles au maintien d’un tissu paysan via des achats publics.

Mais Morgan Ody voit plus loin : « L’UE devrait se rallier à une proposition venant du Sud global pour réorganiser les échanges agricoles autour de la souveraineté alimentaire, au lieu de rester coincée entre les États-Unis, la Chine et la Russie. » Quitte à revivre le traumatisme des montagnes de stocks des années 1970-80 ? « Rien à voir. Car, face à la crise du vivant, le système ne peut plus reposer sur l’industrialisation de la production et d’immenses silos croulant sous des tonnes de blé. Il faut penser une stratégie de réserves publiques fondée sur de plus petites infrastructures locales émaillant les territoires. »

Lire la suite du dossier, Des stocks de sécurité gérés par le privé, avec Bernard Valluis, président de la Fédération européenne des banques alimentaires (cliquez ICI)

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