Publié le 25 janvier 2018 |
0Place à la création variétale et aux résistances (4)
par Yann Kerveno (article précédent)
Dans la lignée de ce travail mené par Alain Bouquet, les connaissances progressant, de nouveaux gènes de résistance mieux cernés notamment dans une souche de Vitis asiatique, un nouveau programme prend le relais sous le nom Resdur. Il s’agit donc alors de procéder à du pyramidage, opération qui consiste à empiler par croisement plusieurs gènes afin de rendre les plantes plus résistantes en limitant les risques de contournement par le pathogène. Pour passer de variétés monogéniques, comme le régent (croisement diana x chambourcin), dont le contournement est avéré et documenté au cours des années 2000, à des variétés qui combinent des gènes de résistance de provenances diverses. On retiendra que lorsqu’une résistance est contournée, celle-ci devient inopérante pour protéger la plante. « Le programme Resdur nous a permis de créer plusieurs dizaines de variétés à résistances polygéniques, à raison de deux gènes par maladie (mildiou, oïdium) pour les séries 1 et 2 , et de trois gènes pour la série 3 » précise Christophe Schneider, responsable de ce programme. « L’inscription au catalogue français de quatre variétés Resdur1 est en cours d’examen par le CTPS 1 et devrait aboutir en 2018 2. Elles ont été expérimentées dans un réseau d’essais multisites et ont montré qu’elles avaient un niveau de résistances élevé, associé à de bonnes performances culturales et organoleptiques. Elles pourront être utilisées avec une économie de 80% des traitements fongicides. Afin d’élargir cette gamme, une dizaine de variétés Resdur2 sera présentée à l’inscription en 2021 et une dizaine supplémentaire, Resdur3, en 2024. Ces deux dernières séries intégreront aussi une résistance au black rot. » Après avoir été largement méprisées par le monde viticole, les variétés résistantes sont aujourd’hui attendues avec une impatience non feinte.
Mieux connaître les pathogènes
« Cette année, nous avons mis en place un observatoire, sous le nom d’Oscar, de façon à intégrer à l’expérimentation de ces nouveaux cépages, dans un cadre plus large, des ingénieurs, des techniciens et des vignerons. Cela va nous permettre par exemple d’étudier certaines variétés de Bouquet en grandeur nature pour évaluer leur durabilité. Mais comme il existe peut-être un risque de contournement, il faut procéder à cela dans un cadre un peu contrôlé. » Six variétés disposent d’un classement préalable qui autorise la plantation de vingt hectares par bassin viticole, le matériel végétal étant mis à disposition par l’Inra à condition que les parcelles soient inscrites à l’observatoire. Les analyses permettront ainsi de mieux connaître les pathogènes, leur agressivité, donc de déterminer quelles peuvent être les combinaisons de résistance les plus adaptées. Reste les qualités œnologiques. « En la matière, les progrès ont été très nets depuis les premiers hybrides français, les variétés allemandes et surtout le travail d’Alain Bouquet et du programme Resdur, dont on peut dire qu’il ont produit des cépages donnant des vins de bonne qualité. Le plus grand défi de demain, ce sera la qualité de la baie. Nous avons entrepris un travail avec les bassins viticoles pour définir les idéotypes variétaux de leur région sur la base de questionnaires pour connaître leurs attentes en matière organoleptique, les difficultés à la cave, au vignoble, et intégrer les demandes exprimées dans nos recherches pour l’élaboration des cépages résistants. C’est remettre la viticulture au centre », expliquent Loïc Le Cunff et Christophe Schneider.
Des variétés nouvelles, mais dans le champ de l’existant
« On ne retrouvera pas un merlot ou un cabernet, nous parlons bien de création variétale, mais nous serons dans le champ des 250 variétés autorisées en France aujourd’hui. La définition des idéotypes nous permettra d’avancer et de proposer les meilleurs compromis entre besoins de qualité, agronomie et résistance pour développer de nouvelles variétés. » Mais au final ces deux mouvements, vignes résistantes et cépages anciens, ont aussi eu une conséquence importante, celle d’avoir fait bouger les lignes chez les vignerons. Comme le constate Loïc Le Cunff : « La question de résistance aux maladies et celle du changement climatique, ont fait évoluer une viticulture qui restait campée sur les variétés traditionnelles. Rares sont aujourd’hui les interprofessions à ne pas nous avoir sollicités pour obtenir de nouvelles variétés. »
(Article suivant, le point de vue d’Emmanuel Cazes).
- Comité technique permanent de la sélection
- Le dossier a effectivement abouti en janvier 2018 http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/inscription-au-catalogue-quatre-varietes-pour-la-viticulture-durable