Entretien avec Emmanuel Cazes, vigneron dans les Pyrénées-Orientale..." /> Nous avons sauvé le Carignan blanc ! - Revue SESAME

Croiser le faire

Published on 26 janvier 2018 |

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Nous avons sauvé le Carignan blanc !

Entretien avec Emmanuel Cazes, vigneron dans les Pyrénées-Orientales, membre de la commission scientifique de l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO). Par Yann Kerveno.

Vous êtes-vous penché sur les vieux cépages ?

Oui, et j’en suis assez fier personnellement, parce que nous avons obtenu la réintégration du carignan blanc, très rare et peu connu dans l’appellation des Côtes du Roussillon. Ce cépage n’est pas fantastique, mais il a de très bonnes capacités d’adaptation à la chaleur et aux conditions sèches. En plus, il offre des notes fraîches et minérales qui plaisent beaucoup. Il y a quatre ou cinq ans, on avait quarante hectares de carignan blanc dans le département. Aujourd’hui, on doit être à cent hectares, parce qu’il a sa place dans 10 ou 15% des assemblages. On a sauvé ce vieux cépage qui était voué à disparaître. Il s’est passé la même chose avec le grenache gris qui était quasiment oublié. On s’est rendu compte qu’il était magnifique à Collioure, alors que c’était au départ un cépage à vin doux.

Le cépage est essentiel aujourd’hui dans la viticulture ?

Qu’est-ce qui fait le vin ? Le terroir ? On n’y peut rien, on ne peut pas le changer. On peut jouer sur la technique, la biodynamie pour nous par exemple. Mais le cépage, c’est la clé. On voit des vieilles variétés de tomates, des vieilles races de bovins… Pourquoi pas la même chose en vigne, où on a un matériel qui est vieux et archi-vieux, où l’on plante le même clone sur des dizaines d’hectares. Un peu de différence ne fait pas de mal. Aujourd’hui, on crée des food trucks parce que les gens ne veulent plus aller chez McDo. C’est la même chose sur le vin et, aujourd’hui, c’est le cépage qui permet d’évoluer.

Quel regard portez-vous sur les hybrides résistants ?

J’ai goûté des hybrides il y a quinze ou vingt ans. C’était essentiellement des blancs, mais il y avait des choses très bien. J’ai bu un cabernet blanc qui avait le goût d’un sauvignon, mais qui n’avait été traité que deux ou trois fois en bio… Cela m’intéresse, il y a peut-être des choses à découvrir. Cela dit, agronomiquement – on a cinq ans de recul-, il faudrait une génération de vigne. Aujourd’hui, il y a une urgence, tout le monde s’y met, mais je suis sûr que dans le lot il y a des conneries. Je veux bien faire un essai sur vingt ou trente ans, sur une parcelle, pour lui tirer sur la gueule et voir… Mais, aujourd’hui, on me propose d’acheter des plants sans avoir aucune idée de ce que ça va donner gustativement, sans aucune garantie quant à l’impact environnemental, ni sur le coût de production…

Je ne parle même pas du nom ! Si on crée un cabernet blanc, ce sera nocif pour l’image du cabernet. On ne peut pas les appeler non plus XKB12 parce que ce n’est pas vendeur. Regardez l’arinarnoa1, le caladoc2, ils ont fini par être acceptés mais, il y a vingt ou trente ans, c’était bizarre. Alors s’il faut attendre vingt ans pour que les cépages soient acceptés… On m’a proposé du solaris3, mais je ne peux pas mettre ça sur l’étiquette. Je ne peux pas dire qu’un vin est 100 % solaris. Il y a un travail de vulgarisation à mener sur ces cépages hybrides qu’on n’a pas à fournir avec les vieilles variétés.

  1. Croisement entre le tannat et le cabernet-sauvignon obtenu en 1956 par l’Inra de Bordeaux
  2. Croisement obtenu en 1958 entre le grenache noir et le malbec
  3. Croisement entre le merzling et Geisenheim 6493

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