Publié le 14 avril 2023 |
0Les échos #14-2023
La guerre s’éternisant en Ukraine, les agriculteurs du pays ne peuvent pas disposer de l’ensemble des surfaces arables du pays. D’un part, à cause de la présence de troupes russes dans certaines parties du pays et, d’autre part, à cause des mines laissées dans les champs, sur 5 millions d’hectares, par le conflit. L’impact de cette année de guerre, qui a vu 10 provinces occupées sur les 20 que compte le pays, a été estimé par la Kyiv School of Economy. Avec une facture établie à 6,14 milliards d’euros de dommages directs à l’agriculture et 36,9 milliards de pertes globales. Toutes les productions sont en recul et pour l’année en cours, les prévisions sont pessimistes. Les agriculteurs ukrainiens manquent de trésorerie pour mettre les cultures en place et ils se tournent massivement vers le soja et le tournesol, plus faciles à vendre malgré les problèmes logistiques.
Les mesures mises en place au début du conflit pour permettre aux Ukrainiens d’exporter leurs grains- établissement de corridors, suppression des taxes et des contraintes sanitaires-, provoquent depuis plusieurs semaines une forte grogne dans les pays voisins, en particulier la Roumanie et la Pologne, cette dernière venant d’interdire les entrées de céréales ukrainiennes sur son sol jusqu’en juillet. Les récriminations portent sur la concurrence déloyale des céréales ukrainiennes à bas prix qui empêche l’écoulement des productions domestiques, ou l’engorgement du fret par les céréales ukrainiennes avec les mêmes conséquences dans les silos. Alors que les céréales n’auraient dû que transiter, elles ont en fait rempli les silos européens. Les deux pays ont demandé à la Commission européenne une meilleure traçabilité des céréales ukrainiennes et, depuis, le ministre polonais de l’Agriculture a rendu son maroquin.
C’est de renoncement, mais aux Pays-Bas, dont parle Alexandre Monnin quand il évoque une « crise sentinelle ». Crise dont la bascule ne vient pas de mouvements de contestation violente mais d’une action en justice qui vient remettre en cause la nature même du système agricole néerlandais. Le philosophe y voit un « laboratoire mondial de la fermeture/du renoncement qui appelle d’autres réformes à la suite » et cartographie ensuite avec précision l’ampleur de la tâche à accomplir pour mener à bien cette transition que beaucoup croyait impossible… Puisqu’on parle de « big shift », gardons aussi un œil sur celui qui se trame outre-Atlantique, où l’agriculture se mue en producteur d’énergie, en particulier pour les avions… On parle là de transformer des plantes en carburants mais la compétition est tout aussi rude pour les terres, entre panneaux solaires et agriculture. Pour en terminer avec ce chapitre, autant prendre un peu de hauteur et jeter un œil, avec Bertrand Valiorgue, sur les différences entre deux formes de durabilité, forte et faible, et ce qu’elles impliquent comme hiérarchie…
À moins que le réensauvagement soit une des clés de la sauvegarde du climat, en particulier pour le rôle que peuvent jouer certaines espèces animales dans le stockage du carbone… Belle sur le papier, l’affaire n’est pourtant pas forcément une sinécure !