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Les échos & le fil Tomate de jardin du sud de la France © archives Yann Kerveno

Published on 25 janvier 2024 |

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Le Maroc à vau-l’eau ?

En première ligne du changement climatique, désigné même comme hotspot des hotspots, le bassin méditerranéen est entrée dans une période délicate. Et les choix du passé peuvent coûter, aujourd’hui, très cher. La tomate marocaine en sait quelque chose. C’est le fil du mercredi 24 janvier 2024.

Visuel : Tomate de jardin du sud de la France © archives Yann Kerveno

La grande affaire du Maroc

Parti de presque rien, le Maroc est devenu un acteur majeur du système alimentaire européen qu’il fournit en agrumes, tomates et haricots verts mais aussi en pastèques, melons… Les légumes représentaient en 2022 un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de dollars, les fruits 1,7 milliard.

La grande affaire, c’est bien entendu la tomate dont le pays est devenu le 3e exportateur mondial (677 000 tonnes en 2022), excusez du peu, juste derrière le Mexique et les Pays-Bas mais devant l’Iran et l’Espagne… Et les clients ? Vous les connaissez bien. 70 % des tomates exportées par le Maroc sont absorbées par la France et le Royaume-Uni. L’autre grande production, en volumes, ce sont les agrumes, 766 000 tonnes exportées en 2021-2022. On pourrait citer le poivron, 56 000 tonnes exportées au cours de trois premiers mois de l’année 2023 principalement à destination de l’Espagne et de la France… Bref, sans même parler des fruits rouges, on n’est plus dans le domaine du bricolage. Ce succès est largement attribuable au Maroc Vert, ambitieux plan de conquête de l’autonomie alimentaire, auquel vient de succéder, depuis le début de la décennie, un nouveau plan répondant au nom de Génération Green. Et à la libéralisation, fort décriée en France mais aussi en Espagne, du commerce entre le Maroc et l’Union européenne qui laisse, depuis 2012, entrer 285 000 tonnes de tomates à droits nuls entre le 1er octobre et le 31 mai, puis à droits réduits (60 %) le reste de l’année.

Revers de la médaille

Mais comme dans  toute révolution, Maroc Vert en fut une, il y a un revers à la médaille. Avec au final un clivage largement renforcé entre l’agriculture traditionnelle vivrière et l’agriculture commerciale destinée à l’exportation, la non-résolution des questions de souveraineté alimentaire et un poids de plus en plus important sur les ressources en eau. Said Alahyane avait dressé un bilan complet pour Sesame, c’était en novembre dernier.

Depuis, la situation ne s’est guère améliorée, la sécheresse perdure depuis 2018 et c’est cette persistance qui est venue percuter de plein fouet les efforts marocains 2023, en plus de coups de chaleur démoniaques. Les exportations d’oranges se sont nettement repliées en 2023, en huit mois elles ont peiné à atteindre 30 000 tonnes contre 109 000 tonnes en 2022… « Les années fastes sont derrière nous » titrent même nos confrères d’AgriMAroc. Les producteurs de tomates, éreintés par la météo, chaud puis froid et une maladie, ont créé un Comité de sauvegarde et réclament une augmentation des prix d’achat de leur production.

Réduire la voilure

L’an passé le gouvernement a déjà été contraint de mettre sérieusement le pied sur le frein des exportations pour tenter de compenser les effets de l’inflation sur les consommateurs marocains. Mais le défi de l’année sera bien celui de l’eau. Au Maroc, la sécheresse n’est pas quelque chose de nouveau. Ce sont même des cycles assez habituels si l’on en croit le géographe Mohamed Labhar qui a répondu aujourd’hui aux questions de nos confrères de la Vie Éco. Il y explique que ces cycles sont connus depuis longtemps et que le pays, avec le Moyen Atlas, dispose de ressources en eau très importantes qui sont aujourd’hui mises à mal par deux phénomènes, le développement de cultures irriguées dans des zones autrefois dévolues au pastoralisme et le changement climatique qui affecte le bassin méditerranéen. Parmi les solutions avancées par le géographe figurent une gestion plus serrée des ressources en eau et des bassins versants pour préserver la végétation et les forêts et ainsi maintenir ou augmenter les volumes de pluie, mais il s’agit aussi de réduire, avec les populations locales, les prélèvements dans les ressources souterraines, de diminuer le nombre d’exploitations agricoles et la pression sur ces mêmes ressources souterraines qu’elles entraînent, construire des  retenues collinaires…

En attendant, l’heure est aux restrictions. Le gouvernement marocain mise, lui, sur la technologie, la multiplication des usines de dessalement d’eau de mer, dont une à Dakhla-Oued Ed-Dahab dans le sud du pays, destinée à irriguer 5 200 hectares de culture… Au Maroc, l’agriculture absorbe 85 % de l’eau consommée, 15 % des terres cultivées y sont irriguées qui génèrent 50 % du PIB agricole du pays et fournissent 75 % des exportations… Pas étonnant que les questions de partage de l’eau prennent, là-bas, une autre dimension ! Dimension que nous aurions certainement tort de regarder de loin.

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