Publié le 26 avril 2018 |
0La (seconde) vie des animaux
par Anne Judas
A l’heure où l’on s’interroge de plus en plus nombreux sur la vie des animaux d’élevage – est-ce une vie ? –, les initiatives se multiplient pour permettre à certains de connaître un repos bien mérité après une dure existence de labeur (car les animaux travaillent, comme l’explique Jocelyne Porcher, sociologue à l’Inra).
Sur le web, chevaux fourbus et ânes à adopter pullulent. Les refuges ne désemplissent pas, et pas seulement ceux de cette bonne vieille SPA. Les initiatives fleurissent, et la créativité et l’énergie dont font preuve tous ces bienfaiteurs, largement bénévoles, sont remarquables. Une bonne partie de ces animaux relèvent de ce que l’association Les crins de liberté appelle « une urgence boucherie », puisqu’il s’agit de leur destination finale à très brève échéance… A moins que l’association ne les rachète au prix du kilo de viande. Et tous ne sont pas bien vieux, loin de là.1
Si vous préférez adopter une vache, c’est également possible. En Suisse pour 390 FS et quelques jours, vous pouvez parrainer une laitière, travailler gratuitement à la ferme et repartir avec du bon fromage. En France, vous pouvez également parrainer des vaches et soutenir financièrement, du même coup, leur exploitant que la faillite menace.
Rappelons que dans l’Hexagone, la principale destination de la vache réformée, qu’elle soit laitière ou reproductrice des races à viande, reste encore l’assiette du consommateur. 70 % du « bœuf » mangé en France s’avère de la vache affichant de six à dix ans au compteur… Après une vie d’adulte hyper-productive (25 litres de lait par jour pendant trois ans pour une Holstein) à six ans, la vache, qui pourrait vivre quelque 20 ans, produit une dernière fois… du steak haché.
Quant aux gallinacées, de malins start-upeurs viennent de fonder Poulhouse, la première « maison de retraite » pour poules pondeuses en Haute-Vienne. Au départ, un végétarien et un agronome se sont interrogés sur une production d’œufs éthique qui permettrait aux poules de vivre au-delà des dix-huit mois au bout desquels on les envoie à l’abattoir (y compris en bio). Dans ce modèle « similaire au système de retraite par répartition à la française, les poules actives travaillent pour payer la retraite de leurs aînées. De jeunes poules, au plus haut de leur potentiel de ponte, sont au travail chez quatre éleveurs bio qui s’engagent à ne pratiquer aucune mutilation du bec, à commercialiser les œufs sous la marque Poulehouse et à remettre les pondeuses à la start-up plutôt qu’à l’abattoir quand elles atteignent 18 mois. En échange, les éleveurs perçoivent quelques centimes de plus pour chaque œuf (vendu un euro pièce dans 300 points de vente)».2
Poulehouse est un succès, se développe en termes de production, de financement et de commercialisation. La marque refuse des demandes de producteurs et des pensionnaires. Vertueux modèle… Il ne règle pourtant pas le douloureux destin des poussins mâles qui finissent au hachoir, la plupart du temps, parce que nés mâles.
- https://www.lescrinsdeliberte.fr/chevaux-et-%C3%A2nes-%C3%A0-adopter/a-adopter-hors-refuge/en-urgence-boucherie
- https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/animaux-d-elevage/une-maison-de-retraite-pour-poules-pondeuses-sauve-ces-animaux-de-l-abattoir_122889