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Les échos & le fil Sur le métier l'ouvrage est encore en place © yann kerveno

Publié le 31 janvier 2024 |

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Un accord ? Vous êtes (merco) sûr ?

C’est un des points de crispation de la crise agricole européenne, l’accord de libre échange en discussion entre l’Europe et le Mercosur, depuis 20 ans déjà, est devenu un enjeu politique majeur. L’occasion d’entériner le principe du exception « agriculturelle » ? C’est le fil du mercredi 31 janvier 2024.

Visuel : Sur le métier l’ouvrage est encore en place © yann kerveno

Les accords de libre-échange ont tous en commun d’être des sujets d’énervement pour nombre de secteurs d’activité. Parce qu’à chaque fois, les marchandages qui conduisent à leur signature font des mécontents.

Faisons peu d’histoire

Le cas du traité en cours de finalisation entre l’Union européenne et l’espace économique sud-américain, connu sous le nom de Mercosur, ne déroge pas à la règle. Mais faisons un peu d’histoire. Le Mercosur existe depuis 1991, il a été conçu comme un marché commun pour faire circuler les personnes, les produits ou les services sans droits de douane, une monnaie commune fut même un temps envisagée. Il rassemble aujourd’hui le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, L’Uruguay ainsi que la Bolivie, dernier pays admis dans cet espace en décembre 2023, quand le Venezuela en a été suspendu pour une durée indéterminée en 2016 à cause de son incapacité à respecter les canons démocratiques posés par le règlement du Mercosur…

Voilà pour les membres de plein droit, auxquels s’ajoutent les membres associés : le Surinam, la Guyana, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Chili. Plus récemment, l’élection du nouveau président argentin est venue une nouvelle fois secouer le bloc quand il a émis l’idée de faire sortir l’Argentine de cet espace économique… Comme au sein de l’espace européen, les choses ne sont donc pas vraiment simples et les affaires de famille parfois tordues.

L’accord de libre-échange entre le Mercosur et l’Union européenne est aussi une vieille histoire, même si le premier document qui en posait les bases ne fut signé qu’en 2019. Il faut dire que 20 ans de négociations auront été nécessaires pour en arriver là. L’Union européenne est d’ailleurs déjà, sans accord, le premier débouché économique du Mercosur avec 62 milliards d’euros de chiffre d’affaires (produits et services) réalisé en 2019. Or, dans le projet d’accord, il est stipulé que les taxes douanières seraient abolies sur 90 % des produits du Mercosur à l’entrée sur le sol européen et que les grandes entreprises des deux blocs pourraient solliciter des marchés des États membres (vous avez le détail au bout de ce lien). Sur le papier, l’affaire est séduisante pour les adeptes du libre-échange, elle l’est beaucoup moins pour les autres… Mais quelles sont les motivations ?

Qu’est-ce qui coince ?

Pas mal de dossiers. Il y a déjà le sentiment que cet accord profiterait assez peu à l’économie européenne, entre 0,1 et 0,3 point de produit intérieur brut, parce que le Mercosur achète finalement assez peu en Europe, 2 % de nos exportations seulement. Ce n’est pas donc là qu’il faut chercher l’intérêt de l’Union européenne à la conclusion de cet accord mais dans des sujets plus stratégiques, en particulier dans les réserves minières du continent sud-américain (nickel, manganèse, terres rares, niobium, lithium…). L’idée, là, pour l’Union européenne, c’est de desserrer l’étau chinois dans lequel elle est prise pour ses approvisionnements. Et peut-être aussi d’inciter à la relocalisation d’industries implantées en Chine sur le continent sud-américain, plus démocratique. D’ailleurs, l’ambition de la Chine dans la région, ainsi qu’en Afrique, est, pour les diplomates occidentaux, une source d’inquiétude profonde.

Alors « démodé et incohérent » cet accord, comme le soulignait Emmanuel Macron ? Les oppositions sont en effet nombreuses… Pour les Amis de la Terre, ce n’est qu’un faux nez du néo-colonialisme qui met en danger la santé des personnes et l’environnement, nuit à la démocratie, détruit le climat. N’en jetez plus. Les reproches sont connus avec, pour clé de voûte,  la non-équivalence des normes, en particulier en agriculture… Pour faire simple, les règles ne sont pas les mêmes et sans clauses miroir (aux alouettes), les distorsions de concurrence sont sévères… Dans une modélisation passée, elle date de 2019, la DG Agri avait estimé l’impact de l’accord sur l’agriculture européenne. Ce n’était pas joyeux. Les producteurs de maïs ont fait de même tout récemment. Via Campesina parle même d’un accord politique sur le dos des agriculteurs… Le sujet est épineux. Cette semaine et en pleine crise agricole, si vous aviez la tête ailleurs, Emmanuel Macron a affirmé que les discussions étaient suspendues entre l’UE et le Mercosur, s’attirant un démenti cinglant de l’Union.

Mais certains secteurs d’activité aimeraient bien que cette question agricole soit surmontée, et vite. Et en voiture ! Quitte, c’est ce qu’ont proposé les constructeurs de voitures allemands, à ce que l’accord soit scindé en deux parties pour faire avancer ce qui, disent-ils, ne pose pas de problèmes, et en laissant l’agriculture pour plus tard ?

Actant ainsi, par défaut, qu’il existe bien une exception agriculturelle, réclamée depuis 1992 ? Comme ce qui s’est en partie fait avec le CETA, l’accord de libre-échange avec le Canada en 2017, non complètement ratifié pour le moment. Allez savoir. Et si le sujet vous intrigue, vous verrez ici l’ensemble des accords commerciaux déjà signés par l’Europe.

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