Les échos & le fil © archives Yann Kerveno

Published on 15 novembre 2023 |

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Pas facile d’assurer !

Plus il y a de #catastrophes, plus ça coûte cher à assurer. La mécanique est imparable. Mais comment faire pour encaisser dans le #futur l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques avec un système qui se désengage déjà de certains territoires où le #risque est devenu #certitude ? C’est le fil que nous déroulons pour vous ce mercredi 15 novembre 2023.

L’enchaînement des catastrophes 

Cet enchaînement heurte les populations qui en sont victimes, mais vient aussi mettre à mal l’organisation même de nos sociétés. En particulier, même si ce n’est pas l’aspect le plus médiatique, celui des assurances. Qui pourrait avoir un effet de levier important dans la transformation de nos paysages. Pour saisir l’ampleur du problème, il faut filer derechef en Californie, État éreinté ces dernières années par la sécheresse et les mégafeux qui en ont découlé…

Au printemps dernier, State Farm, premier assureur de Californie, a ainsi annoncé la fin de son offre de polices d’assurance et a justifié cette décision par « l’augmentation historique des coûts de construction supérieurs à l’inflation, de l’augmentation rapide de l’exposition aux catastrophes et d’un marché de la réassurance difficile. » Avec, pour risque principal invoqué, les incendies. Bref, en français dans le texte, ça coûte trop cher. 

Hémorragie

State Farm n’est pas la seule compagnie à ne plus proposer de nouvelles polices d’assurance habitation au point que l’État a été obligé d’empêcher les compagnies d’assurance de virer leurs clients installés dans les zones les plus à risque et a doublé les fonds du Fair Plan, l’assureur du dernier recours, pour le porter à 3 M$, décrivait Mallory Moench dans le San Francisco Chronicle en mai dernier. D’autres compagnies ont pris les devants : AIG a quitté la Californie et depuis ce papier publié au printemps dernier, l’hémorragie n’a pas cessé, au total, 7 des douze compagnies d’assurance présentes ont filé ou, comme Farm State, arrêté de proposer des polices sur les habitations. Outre la voie réglementaire, créer une “obligation d’assurance” par les compagnies, la meilleure gestion des forêts et du risque incendie par la réduction de la présence de combustible est le levier utilisé par les autorités locales pour convaincre les assureurs de continuer à protéger les habitations… Et permettre aux habitants de s’assurer et, entre autres, avoir accès aux hypothèques pour les prêts bancaires… De quoi inciter les compagnies d’assurance à revoir leur politique ? C’est le but !

Nouvelles géographies

Dans le fond, ce que les assureurs dessinent en Californie, et ailleurs, c’est une nouvelle géographie, une nouvelle couche à apposer sur les cartes d’état-major expliquent Alexandre Monnin et Andrea Angioletti dans un papier publié par AOC au mois de juin dernier. Cette nouvelle géographie est composée de deux zones, celle où le risque existe, et celle où il est certain… De quoi changer complètement les modes de calcul et faire évoluer les stratégies d’assureurs.

Par chez nous

Loin de la Californie, nos contrées n’échappent pas à l’augmentation des catastrophes (+ 69 milliards d’euros de coûts prévus entre 2020 et 2050) qui vient mettre en tension un système français singulier mais connecté au marché mondial, explique très clairement Antoine Touzain dans Actu-Environnement en septembre dernier. Système singulier parce que mixte, alliant privé et public « mais géré par les assureurs » pour « compenser la frilosité des assureurs face à des risques dont la fréquence et le coût moyen ne peuvent guère être appréhendés grâce aux règles habituelles de probabilité. » Mais connecté au marché mondial, par la réassurance et les « catastrophes bond » qui servent à financer les réparations des dommages… 

Incendie de garrigue à toute proximité d’Ille sur Têt © archives Yann Kerveno 2016

Risque

 Alors, ce système est-il susceptible de supporter l’augmentation de la sinistralité ? Selon une étude de 2018, basée sur le scénario RCP 8.5 du GIEC (business as usual) les coûts des catastrophes naturelles pourraient progresser de 50 %,, dont 35 points à cause de l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas et 15% dus à la concentration de populations dans les zones à risques. Pas sûr, s’inquiète tout récemment Le Monde, qui explique que le coût des catastrophes naturelles en France, celles entrant dans le dispositif CatNat, pourrait passer de 2 à 3 milliards d’euros, et justifie le relèvement de « surprime » catastrophe naturelle dans les polices d’assurance de 12 à 19 % selon la Caisse centrale de réassurance. Mais la solution ne tient pas que dans l’augmentation des primes.

L’Australie, autre territoire touché

Voilà un autre territoire confronté à de sérieux enjeux en la matière. Paula Jarzabkowski, professeur à l’Université du Queensland, estime qu’il existe trois leviers pour atténuer la crise à venir du système assurantiel (et la sortie des dispositifs des populations les plus modestes qui ne peuvent s’offrir d’assurances) : le premier, c’est d’éviter d’urbaniser les zones les plus à risque de subir des catastrophes (par exemple les zones littorales directement sous la menace de la montée des eaux) ; le deuxième consiste à faire évoluer les normes pour que les constructions soient plus solides et plus adaptées aux risques (surélevées dans les zones potentiellement inondées) ; le troisième, un peu à l’image de ce qui existe en France, c’est la création d’un fonds commun public/privé. Et ce pour tempérer dans le pays la flambée des primes (elles sont passées en moyenne, pour les habitations, de 1 534 dollars en 2022 à 2 234 dollars en 2023) écartant des pans entiers de populations. « Les politiques d’ajustement tarifaires et financières ne sont et ne seront pas suffisantes pour faire face aux défis présents et futurs » abondent encore Alexande Monnin et Andrea Angioletti avant d’appeler, pour préserver l’habitabilité des territoires, à de nouvelles formes de mutualisations afin de « faciliter la navigation entre l’incertitude et la certitude radicale, en renforçant les liens entre assureurs, particuliers et pouvoirs publics… »

Photo d’illustration © archives Yann Kerveno

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