Publié le 21 janvier 2022 |
0Hybride, à la croisée des sens
Par Valérie Péan
Pauvre monde que le nôtre où l’hybride évoque immanquablement le dernier modèle d’une quelconque marque automobile… Allez, opérons une bonne marche arrière pour nous rendre au temps de la traction animale et plonger aux sources de l’ibrida, qui désignait en latin… le produit du croisement entre un sanglier et une truie. Et, plus largement, tout sang mêlé, qu’il soit bardot, mulet ou simple bâtard. Reste à comprendre d’où sortent ce H et ce Y une fois le latin transposé en français. Un ajout pour faire savant ? Pour le regretté linguiste Alain Rey, ce serait là plutôt le signe d’un rapprochement avec le grec hubris, « excès », « orgueil », « démesure ». Et voilà comment le terme « hybride » devient à son tour un métis, croisant le terme zootechnique et botanique avec le sens moral de l’outrance et de la concupiscence. Comme si l’ibrida originel avait un peu trop mélangé les genres en faisant fi des limites. Cela ne vous rappelle rien ? Pensez aux cyborgs, aux assemblages chimériques, aux mondes qui s’interpénètrent, au dépassement des bornes, à la multi-appartenance, aux entre-deux, aux trans-, inter- et polymorphes, à tous ces « en même temps » qui sortent des cases et brouillent les catégories… Décidément, vu comme ça, l’hybride, loin de n’être qu’une voiture, semble être devenu le moteur même du monde contemporain.