Published on 4 septembre 2024 |
0Haro sur le Culicoïde (qui n’est pas un gros mot)
C’est un peu comme un vent de panique qui soufflerait à rebrousse-poil. La fièvre catarrhale ovine (FCO) déferle sur la France par le nord, nous ont appris les journaux durant l’été. Pour être précis, disons que c’est un nouveau variant, le trois, inconnu sur le sol français qui vient d’y faire son entrée tandis qu’un autre, le huit, a provoqué des dégâts l’an passé en Aveyron et a remis le couvert cette année, touchant salement les troupeaux d’ovins de l’est des Pyrénées et jusqu’en Haute-Garonne.
Moucheron banal
C’est pour Sesame l’occasion, dans ce fil du 4 septembre 2024, de regarder de plus près la bestiole qui se charge de disséminer cette fièvre ainsi que d’autres pathologies, et qui pourrait profiter du changement climatique pour peser un peu plus dans le paysage. Les moucherons culicoïdes. Pour le visualiser, il faut imaginer un moucheron, rien de moins qu’un banal moucheron, mesurant d’un à trois millimètres de long. Du genre qu’on avale ou qu’on écrase sans s’en rendre compte. Un moucheron banal parce qu’il a une vie de moucheron. Il se développe dans des endroits humides chargés en matière organique d’origine animale (fumière, bord d’étang, prairies pâturées) jusqu’à l’âge de la maturité. Ensuite, il se nourrit de nectar sucré la plupart du temps et se reproduit. C’est là que les problèmes commencent.
Une fois fécondée, la femelle devient hématophage, elle a besoin de sang frais pour assurer la croissance de ses œufs. Et donc elle pique les animaux pour se nourrir. Ces précisions sont fournies par Claire Garros, chercheuse au Cirad, qui travaille sur ces moucherons avec son équipe. « C’est important de retenir que ce n’est nullement un moustique, il n’y a pas de trompe et ce n’est pas une espèce envahissante, il a toujours été là » précise-t-elle pour éviter les confusions. À l’exception peut-être de Culicoides imicola venu d’Afrique que l’on retrouve en deux endroits en France.
Voyage voyage
Si le pouvoir de nuisance n’est nullement corrélé à la taille, le moucheron culicoïde en est une preuve éclatante. Il est en effet vecteur de plusieurs maladies animales qui concernent les ruminants. À savoir donc la fièvre catarrhale ovine qui défraie la chronique mais aussi la maladie hémorragique épizootique (MHE) qui s’est invitée en France l’an passé depuis l’Espagne ou encore, moins connu, le virus de Schallenberg et bien plus radical, celui de la peste équine africaine et sa cohorte de cadavres, 90 % de mortalité. Heureusement pour nous, et malheureusement pour d’autres, cette maladie reste circonscrite au continent africain, seuls deux foyers sont apparus ailleurs, en Asie en 2020 et en Espagne à la fin des années quatre-vingt, à la suite de déplacement de zèbres vers des zoos. Par chance encore pour nous, il n’est vecteur que d’une maladie concernant les humains, la maladie d’Oropouche présente sur le continent sud-américain.
Le Culicoïde a aussi la particularité de savoir voyager. Assez loin avec le vent, s’il n’est ni trop fort ni trop chaud, et jusqu’à deux kilomètres avec ses ailes sur la terre. Mais il n’est pas aussi malin que le moustique tigre qui sait emprunter nos voitures pour se déplacer, par exemple. Enfin, le moucheron n’est pas un. On compte en Europe de 80 à 100 espèces différentes, toutes possiblement vectrices des maladies suscitées. Ça fait du monde sur les rangs.
Plus y’en a, plus y’en a
Et le changement climatique dans tout ça ? Pour l’instant, on ne sait pas grand-chose de l’impact qu’il pourrait avoir sur les populations de Culicoïdes ou sur leur répartition. Mais les conditions atmosphériques sont une composante importante de son pouvoir de contamination. « Tout dépend à la fois de la virémie, est-ce que l’animal contaminé est contagieux 2 jours ou deux semaines, et de la concentration en Culicoïdes » précise Claire Garros. Autrement dit, plus la virémie est longue, plus il y a de Culicoïdes dans le secteur, plus c’est la cata. Une étude est en cours, financée en partie par la Région Occitanie, pour modéliser l’impact du changement climatique sur ces populations de moucherons. Seront-ils plus nombreux ? Leur répartition changera-t-elle ? Seule évolution que l’on peut avancer sans prendre trop de risques de se tromper, c’est que le radoucissement des hivers et des automnes est un facteur propice au développement de périodes de transmissions plus longues qu’aujourd’hui. Quant à s’en débarrasser comme on peut tenter de le faire avec les moustiques, il ne faut pas trop y compter dans la mesure où ils vivent majoritairement à toute proximité des animaux qu’ils piquent. Les principaux leviers d’actions portent sur la désinsectisation des camions et des bâtiments. Il y a donc fort à parier que l’on va continuer à courir longtemps avec les nouveaux variant de FCO ou de MHE au fur et à mesure de leurs mutations ! Au point que les maladies vectorielles ainsi transmises, pourraient rapidement constituer une préoccupation majeure dans un avenir tout proche.