Publié le 1 octobre 2019 |
0Citoyens, sentinelles : veiller sur l’agriculture… et les agriculteurs
Par Anne Judas, revue Sesame
Les agriculteurs se suicident en moyenne plus que d’autres professions. Que faire ? La profession lance le réseau des « agri-sentinelles ».
Dans le film « Au nom de la terre » (sorti en salles le 25 septembre 2019) Edouard Bergeon raconte l’histoire de son propre père, un agriculteur qui n’a pu surmonter ses difficultés et a mis fin à ses jours. Porté par la force de ce vécu1 et par la conviction de Guillaume Canet, la vedette du film qui dit s’être engagé comme citoyen et père de famille, le film est aussi « un drame psychosocial » et « le tableau de quarante ans d’évolution du monde agricole et de ses terribles écueils » (Le Monde).
L’équipe du film mène campagne en ce moment même dans les médias et dans les salles pour attirer l’attention sur les difficultés des agriculteurs, les impasses du système agro-industriel et l’importance des choix des consommateurs. Les premières projections, à Rennes ou à Evron par exemple, ont rencontré un grand succès.2
Voilà une bonne occasion de relayer et partager une initiative que viennent de lancer des professionnels : le réseau Agri-sentinelles.
Les organisations professionnelles agricoles ne cessent en effet d’alerter, depuis plusieurs années, sur l’importance du suicide chez les agriculteurs3 – un phénomène ancien et dont les causes sont complexes (lire l’article de Nicolas Deffontaines à paraître dans le prochain numéro de Sesame). Des dispositifs de prévention existent déjà comme Agri-écoute de la MSA ou Solidarités paysans, mais ils ne sont pas assez connus. Bien souvent, les personnes concernées, leurs proches ou les nombreux acteurs de terrain (techniciens, inséminateurs, vétérinaires) qui sont au contact des agriculteurs et pourraient donner l’alerte savent percevoir que « ça ne va pas », mais ne voient pas ce qu’ils pourraient faire. En cas de drame, c’est la culpabilité assurée. Malaise dans la profession, dans l’entourage, et dans la société tout court.
Le réseau Agri-sentinelles4, tel que l’expose Elsa Delanoue, sociologue chargée de le mettre en place et de le coordonner pour l’Institut de l’élevage (IDELE), a créé des outils pour que ces proches, quels qu’ils soient, sachent quoi faire et à qui s’adresser. Basé sur le volontariat, le réseau recense d’abord tous ceux qui peuvent intervenir en cas de crise suicidaire, par département : assistants des services sociaux (MSA), conseillers des chambres, agents de l’Etat, salariés, bénévoles, etc. Il liste des formations (qui peuvent entrer dans le cadre de la formation professionnelle continue) pour ses sentinelles afin d’apprendre à repérer ces crises et d’avoir les bons réflexes, ainsi qu’un ensemble de ressources en accès libre pour s’informer.
Au Salon de l’élevage de Rennes, dernièrement, un vétérinaire a témoigné de l’alerte qu’il avait pu lancer pour qu’un agriculteur en bout de course soit pris en charge tant sur le plan de la santé (hospitalisation), que sur celui de son activité (cessation et gel des créances).
Alors tous sentinelles ? Sur le terrain, plus de 10 000 professionnels sont invités à se mobiliser, pour ne pas dire s’engager. Ils ne seront pas trop. Les employeurs sont incités à faciliter la participation. Car il s’agit bien d’améliorer la prise en charge de la personne et des problèmes qu’elle ne peut affronter seule par le corps social. L’expérience sera évaluée après quelques mois de fonctionnement du réseau pour en réajuster l’animation si nécessaire. A suivre.
http://reseau-agri-sentinelles.fr/
- Voir : https://centre-presse.fr/article-686530-un-film-au-nom-de-son-pere.html
- Voir par exemple https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/evron-53600/evron-au-nom-de-la-terre-plus-qu-un-film-une-lecon-de-vie-pour-guillaume-canet-6509820, ou https://centre-presse.fr/article-702147-vienne-a-jazeneuil-le-film-au-nom-de-la-terre-ce-n-est-pas-du-cinema.html. Le film, a été ovationné à Rennes : https://www.francebleu.fr/infos/culture-loisirs/video-rennes-succes-pour-guillaume-canet-et-le-film-au-nom-de-la-terre-1568162246
Une partie des bénéfices du film seront reversés au réseau Solidarité Paysans à l’initiative du producteur, du distributeur et des salles de cinéma partenaires.
- Voir par exemple : https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/suicide-agricole-ceux-qui-crevent-ils-ne-sont-pas-dans-les-manifs-943978.html
- Commandité par Allice (Union des coopératives d’élevage) et financé par Coop de France dans le cadre d’un compte d’affectation spécial « Développement agricole et rural » (CASDAR)