Bruits de fond

Published on 20 juillet 2020 |

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Cette panique qui nous Pan au nez

Pandémie et panique, ces deux-là semblent faits pour s’entendre. Vous me direz, ils pourraient tout aussi bien convier la panacée et, ainsi, tout rentrerait dans l’ordre. Dans la mythologie en tout cas, c’est un peu ce qui arrive quand survient le dieu Pan. S’il vous file une frousse de tous les diables, c’est pour une bonne raison : protéger les siens, les Arcadiens, une tribu de bergers qui peuple une région grecque pauvre et montagneuse. Leur seule richesse, les troupeaux sur lesquels veille cet étrange mi-homme mi-bouc qui préserve également abeilles, pêcheurs et chasseurs. 

Bizarrerie des récits antiques, ce n’est pas sa mine repoussante qui éloigne prédateurs ou pilleurs. Non. C’est un bruit. Un horrible, terrible son qui fait perdre la raison, met en déroute les armées, sème la terreur jusque dans les rangs des Titans. Une peur telle qu’on la qualifie de panikos et qui en vint à désigner les grandes frayeurs sans fondement, sans cause légitime, si ce n’est un écho venu d’on ne sait où, une rumeur, en sorte, de pénurie de papier-toilette, tiens, au hasard. Décidément, les mythes ont le génie de plonger au cœur des archétypes et des ressorts universels de nos comportements. 

Le pays des rustres

Mais là n’est pas tout. Car, si l’on revient à nos moutons et à leurs bergers des confins du Péloponnèse, on apprend aussi que leur collait une image peu avenante, de rustres mal dégrossis, à peine civilisés, des archaïques côtoyant le sauvage, loin, très loin des façons policées que goûtent les Athéniens et autres citadins. Rustres, rustiques, même racine pour désigner ces campagnards dont Pan et sa figure à peine humaine est le protecteur, lui-même tirant d’ailleurs peut-être son nom de páein, « faire paître ». Même sa musique, tirée d’une flûte de roseau, est jugée quand même sacrément primitive. 

Et pourtant, imaginez que surviennent une crise majeure, un danger invisible et hors norme qui trouble les esprits et désorganise les vies, pure fiction bien sûr. Eh bien il est à parier que nombre d’urbains seront tentés de fuir en masse les métropoles pour trouver refuge dans des contrées semblables à l’Arcadie. Un mouvement de panique mais à rebours, un contre-exode vers le pays des rustres, pâtres et laboureurs. Rudes et grossiers ? Ah non, ça c’était avant, quand nul ne croyait au temps des pandémies et du grand confinement. Par la foudre de Jupiter, « C’est la nature qui se venge », entend-on alors dans les cités les plus civilisées. De quoi vous donner une furieuse envie de plonger droit dans les bras velus de Pan, chérir ses cornes, oublier son odeur, mettre vos pas dans ses sabots… Et puis on va s’arrêter là car il ne faudrait pas oublier que notre protecteur est aussi fort lubrique. Pan sur le bouc !

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2 Responses to Cette panique qui nous Pan au nez

  1. DAUTIER says:

    superbe ces mots croisés à l’once d’un petit délire pour chacun à la fois érudit, savant et vraiment marrant. Qui oserait dire que les scientifiques manquent d’humour et de culture ??? merci pour cette belle introduction estivale

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