Publié le 3 juillet 2024 |
0Ça sent le gaz. Ou pas.
Le fil du mercredi 3 juillet 2024, c’est le grand écart du moment. Entre la Nouvelle-Zélande qui renonce et le Danemark qui avance. Et c’est aussi à propos de la difficulté à mettre en œuvre les mesures qui feraient converger l’agriculture et la lutte contre le changement climatique et la préservation de l’environnement dans les zones les plus en tension. Bref ça sent le gaz. Ou pas.
L’affaire fait grand bruit et l’information est reprise dans les journaux du monde entier. Le Danemark a annoncé imposer une taxe sur les émissions de carbone sur les exploitations agricoles qui représentent un tiers des émissions du pays. Il en coûtera ainsi une quarantaine d’euros par tonne émise à partir de 2030 et 100 euros en 2035. Pour accélérer le mouvement, le gouvernement danois a voté un budget spécifique de transition de 5,4 milliards d’euros et a consenti à des allègements fiscaux pour adoucir la facture des exploitations. Si la note risque d’être salée, une baisse d’un cinquième de la production danoise est envisagée, cette décision est bien le fruit d’un consensus entre le gouvernement et les organisations agricoles et celle de défense de l’environnement. On trouvera toujours bien entendu des mécontents, Greenpeace qui considère que la taxe n’est pas assez chère et le Pdg du grand groupe Arla Foods qui regrette que cette réduction des émissions se fasse justement par une réduction du potentiel et qu’on ne s’appuie pas plus sur la technologie. Le surcoût de production induit serait par exemple, de 27 centimes pour le kilo de viande bovine. L’un des motifs souvent avancés pour repousser une telle mesure, c’est la complexité du calcul. Les Danois semblent avoir trouvé un moyen à partir des données déjà fournies par les agriculteurs eux-mêmes dans le cadre réglementaire, le nombre d’animaux, dont on peut extraire les quantités de méthanes dégagées, la comptabilisation des modalités et des quantités d’azote mobilisées… Autant de données qui seront combinées avec les outils de mesures des émissions de l’industrie pour parvenir au résultat le plus plausible possible. Sans ajouter de nouvelles tracasseries administratives sur les épaules des agriculteurs.
Pschitt
Le pays espère ainsi tenir ses objectifs, diminuer ses émissions de 70 % d’ici 2030 par rapport à ce qu’elles étaient en 1990 et fait figure de pionnier. Mais les précédentes initiatives en la matière n’ont pas, jusqu’ici, été couronnées de succès. On se souvient de la Burp Tax, taxe sur les émissions de méthane des ruminants imaginée par le gouvernement néo-zélandais il y a deux ans maintenant. Elle a fait pschitt depuis, le monde agricole a même protesté dans les rues des villes du pays, et le projet a été définitivement enterré au début de mois de juin dernier par le nouveau gouvernement conservateur aux manettes du pays depuis octobre 2023. À la place, un groupe de travail a été mis sur pied pour « trouver d’autres moyens de réduire les émissions de méthane » des animaux en s’appuyant, pour le coup, sur la recherche, notamment la levée de l’embargo sur le génie génétique promise pendant la campagne ou encore par l’usage d’inhibiteurs de méthane. Soit par voie orale, peu facile à mettre en œuvre en prairie, ou sous forme de vaccin même si celui-ci n’est même pas encore au stade de Proof of concept… La BBC a très bien résumé toute cette histoire dans ce papier. La Nouvelle-Zélande compte 5 millions d’habitants sur son sol, mais aussi 10 millions de vaches et 26 millions d’ovins et l’agriculture représente près de la moitié des émissions du pays et près de la moitié des émissions du secteur agricole sont constituées de méthane.
Ah zut l’azote
Plus près de nous, l’hiver avait été secoué de manifestations du monde agricole qui protestait un peu partout en Europe, contre le Green deal, son volet agricole, Farm to Fork et le projet de loi de restauration de la nature, finalement adopté il y a quelques jours. Aux Pays-Bas, une précédente tentative de mettre bon ordre sur la question des nitrates avait aussi poussé les agriculteurs dans la rue. On se souvient également des manifestations aux Pays-Bas en 2019, contre la décision du gouvernement de se mettre en conformité avec les règlements sur les nitrates. Cela fait cinq ans, et le parti politique né de cette « crise des nitrates » comme elle est aujourd’hui appelée, le BBB, a fait une entrée fracassante au parlement en 2023 et placé une de ses membres, Femke Wiersma, à la tête du ministère de l’agriculture dans un gouvernement d’extrême-droite. Elle est celle qui a abrogé la « loi azote » dans la région où elle était élue et en charge des questions agricoles et se coltine d’entrée de jeu ce dossier toujours brûlant sous la pression de son parti. De quoi créer une tension de plus au sein de l’espace européen ? À moins que l’exemple danois fasse école ?