Un feuilleton de Stéphane Thépot.

( [Autruches] Sur le modèle de la pintade (2/7) - Revue SESAME


Croiser le faire

Published on 23 mai 2017 |

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[Autruches] Sur le modèle de la pintade (2/7)

Un feuilleton de Stéphane Thépot.

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Sylvette et Emmanuel Robert ont été parmi les premiers convaincus. Le couple, qui a repris une ferme familiale céréalière à la sortie de la forêt de Fontainebleau en 1987, figure parmi les pionniers de l’élevage des autruches en France. Les premiers volatiles exotiques arrivent à Montmachoux (Seine-et-Marne) dès l’année suivante. « Je pensais que la filière allait s’organiser, un peu sur le modèle de la pintade », explique Emmanuel Robert. Il ne peut retenir, 30 ans plus tard, ce jugement un peu dépité : « C’est surtout un modèle de galère ». L’éleveur, qui a multiplié les stages en Afrique du Sud, est sans doute devenu l’un des meilleurs experts de la conduite de ce cheptel si particulier sous nos latitudes. « Comme on était les premiers, on a fait beaucoup d’erreurs », concède-t-il. Cela n’a pas empêché le couple de posséder aujourd’hui plus d’une centaine de reproducteurs, sans compter les émeus et les nandous, autres oiseaux coureurs de la famille des ratites qui font la joie des visiteurs de l’Autruche Rieuse. Pour équilibrer leurs comptes, les Robert ont en effet décidé dès 1993 d’ouvrir leur exploitation au public. On peut même trouver de la viande de zèbre importée d’Afrique du Sud à la boutique de la ferme.

Mais « l’envol de l’autruche », prédit pour l’an 2000 dans un article d’une revue spécialisée, n’a pas eu lieu. « Certains ont tiré la couverture à eux, d’autres se sont repliés dans leur coin », déplore Emmanuel Robert. Lancée en 1990 pour tenter de structurer la filière, France Autruche dépose son bilan au Tribunal de Commerce de Nantes en 1999. L’entreprise rassemblait 19 élevages et visait les grandes surfaces. Du côté d’Agen, Albi, un peu partout et au hasard des circonstances, des intermédiaires s’improvisent « maquignons » auprès des éleveurs, qui se sont lancés à tâtons dans la production sans rien connaître des débouchés. Certains se mettent à l’import-export pour avoir davantage de volumes en stock et répondre à une demande inconnue. Mais l’autruche n’arrivera pas à reproduire le « miracle » du foie gras, produit de luxe qui est parvenu à se tailler une place dans les rayons de supermarché en misant sur une production de masse très intégrée. Trop chère, la viande d’autruche reste un produit de luxe pour temps de crise. Le groupe Casino, qui manifesta jadis le plus d’intérêt pour cette viande de substitution du bœuf lors de la crise de la  vache folle, se contente désormais, comme les autres enseignes, d’importer de la viande précuite d’Afrique du Sud au moment des fêtes de fin d’année. « Franchement, ça n’a aucun goût et c’est hors de prix », juge l’un des derniers producteurs rescapés. Selon Emmanuel Robert, la France importerait chaque année environ 3 400 tonnes de viande d’autruches, alors que la production nationale culminerait à 40 tonnes. « Mais il est difficile de disposer des chiffres sur le marché de Rungis», ajoute l’éleveur pionnier de la région parisienne.

Dans sa ferme de l’Aveyron, Christian Vigouroux s’est fait une raison. « L’autruche est une viande saisonnière », tranche l’éleveur aveyronnais. Pour vivre toute l’année, il peut toujours compter sur la vente des taurillons, même si son cheptel a été divisé par deux depuis qu’il s’est lancé dans l’élevage d’autruches. Mais pas question d’abandonner cette production qui lui a demandé tant de mal à ses débuts. Il a commencé par livrer directement quelques grandes surfaces, n’hésitant pas à monter jusqu’à Clermont-Ferrand pour trouver des débouchés à ses autruches. De fil en aiguille, l’éleveur de Sénergues s’est tourné vers la vente directe. « Pour ne pas renvoyer les visiteurs vers les supermarchés », il a construit un petit chalet à deux pas de sa ferme, au bord de la route. L’autruche y figure sous toutes ses formes : pâtés, conserves, articles en cuir d’autruche, œufs décorés, etc. Sa chance, c’est d’être situé à quelques kilomètres seulement du très touristique village de Conques, qui attire chaque année plus de 500 000 visiteurs. Le chalet est conçu pour recevoir des groupes, avec une mini-salle de projection expliquant toutes les étapes de la production, de la parade nuptiale aux couvoirs (non visitables), avant d’approcher les autruches bien visibles de l’autre côté de la route, malgré un imposant grillage de plus de deux mètres de haut. « On n’avait pas pensé au tourisme au départ », avoue Christian Vigouroux. L’éleveur raconte que l’idée a germé lors d’une opération « portes ouvertes » organisée pour une journée « bienvenue à la ferme ». « On avait mis des panneaux au bord de la route, on les a laissés  ».

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