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Published on 7 décembre 2023 |

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Vous êtes plutôt “jardin” ou “container” ?

Comme toutes les technos émergentes de la dernière décennie, l’agriculture urbaine se cherche encore. Les modèles sont fragiles, on sait produire mais les coûts restent un frein majeur et les aménageurs de l’espace public n’ont pas toujours saisi la mesure de l’enjeu… Tour d’horizon de l’actualité du secteur en rebond au dernier numéro de Sesame.

Des promesses techniques

Notre temps, comme tous les autres, fasciné par la technologie, s’empare bien vite des promesses qui lui sont faites. Sans qu’elles aient parfois toutes les vertus dont elles se parent. On l’a vu avec les succédanés végétaux de viande dont le marché se consolide aussi fortement que la « hype » s’évapore, on le voit avec la viande de synthèse qui, si elle existe, n’a pas encore de marché réellement constitué. Et l’agriculture urbaine ? On l’a présentée souvent comme la solution pour marier ville et production agricole, dans la droite ligne d’un vieux mouvement, au moins 30 ans, qui tente de reconnecter les grands centres urbains avec leur hinterland agricole. Les vieilles ceintures vertes, les murs jardins de Montreuil… Habituelle tension entre l’ancien et le moderne. Les bienfaits de l’agriculture urbaine sont aussi parfois évoqués (invoqués ?) comme outil de résilience contre le changement climatique, il s’en parle à la COP 28 et dans les territoires les plus en tension, comme la Jordanie. Ou encore comme un moyen d’augmenter la résilience des agglomérations face à des conflits ou des crises.

Deux poids, deux mesures

Remettre de l’agriculture dans la ville, l’idée est belle, mais comment ? Ce qu’on a vu éclore ces dernières années peut se classer en deux grandes familles. Il y a d’un côté la logique « jardin », habituellement déployée aux portes des villes pour venir en appui aux communautés économiquement et socialement fragiles. Avec à la fois un rôle nourricier et un rôle social. C’est le cas en Floride par exemple, et plus généralement aussi aux États-Unis. Et puis de l’autre côté du spectre, très loin, il y a le versant technologique qui permet de s’affranchir, ou presque, du foncier, les fermes urbaines, le maraîchage de toit. Avec son écosystème de start-up, de nouveaux process, des plans com’ pour lever des fonds… Puis ses succès (mesurés) et ses échecs (retentissants). On a vu des containers, des serres sur les toits… Et ce n’est pas fini. Les Chinois, le projet est porté par l’académie chinoise d’agronomie, viennent de lancer la première ferme indoor sur 20 étages avec une production contrôlée par intelligence artificielle…

Revoir sa copie

Un « livre blanc » tout récemment publié par un des pionniers du secteur propose (déjà) un « plan de relance » de l’agriculture urbaine permettant de prendre un peu de recul. Et de tirer quelques enseignements en analysant (rapidement) quelques échecs patents. Ça n’a pas fonctionné jusqu’à maintenant à cause de problématiques de coûts de revient et donc de prix de vente, d’implantation géographique, de manque de planification urbaine et inadéquation de la pratique agricole maraîchère avec le temps long de l’immobilier urbain, de dépendance aux financements publics… Sans oublier parfois le manque d’adhésion des populations locales à qui l’on a pu vouloir imposer cette solution ou de l’autre côté la gentrification des espaces. Bref, la copie est à revoir.

Travailler sur l’image

Mais peut-être avant de commencer ce travail faut-il aussi se départir de l’image de la ferme telle que nous la connaissons, qui a pour objectif de tirer le meilleur de l’espace qu’elle consomme pour mettre en marché toute une série de produits destinés à notre alimentation (ou plus récemment à la production d’énergie) ? Et puis il y a la question du business model, qui là encore implique de se départir du modèle agricole déployé dans les campagnes. « Les avantages de l’agriculture urbaine sont indéniables, ils sont d’ordre écologique, social et pédagogique : création de lien social, re-connexion au vivant, préservation de la biodiversité, création d’espaces verts, dépollution des sols » lit-on ainsi dans le magazine Up.

Produire des aliments, vraiment ?

En fait, la clé est peut-être là. La vocation première de l’agriculture urbaine ne serait pas tant de produire des aliments que des externalités positives. Il faudrait alors que la finalité de ces systèmes, pour le concepteur, ne soit pas la vente d’un produit alimentaire mais d’un service. C’est ce qu’explique une étude récente signalée par le CEP qui s’est penché sur le cas d’une société qui installe pour le compte d’autres sociétés (des distributeurs), des fermes verticales directement chez ses clients. Cela se passe en Suède, la « ferme » est pilotée à distance par le concepteur qui en gère les paramètres agronomiques, aux distributeurs de prendre en charge la récolte et la vente des produits, des salades et des plantes aromatiques. Au final, la question n’est plus tant de « nourrir les villes » avec les agricultures urbaines que de les « nourrir différemment » dans une perspective plus large d’économie circulaire, comme l’expliquent Martin Stuchey et Tilmann Vahle dans un article de 2019.

Tous à vos jardins, et vous pouvez emporter avec vous, pour aller plus loin, cet article d’ Antoine Lagneau paru dans le tout récent #14 de la Revue Sesame.

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