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Les échos & le fil photo de yann kerveno

Publié le 10 décembre 2025 |

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Size matters (surtout en hectares)

On entend partout que les « petites fermes » disparaissent. Mais qu’est ce qu’une petite ferme ? On a cherché une réponse. C’est le fil du mercredi 10 décembre 2025.

Photographie : © archives Yann Kerveno

Tiens, voilà une info qui n’est pas passée inaperçue. 40 000 « petites fermes » ont disparu en trois ans, ont titré les médias reprenant un communiqué de la foncière Terres de liens publié le 16 novembre en amont du Salon des maires. Avec pour objectif de sensibiliser les élus à la sauvegarde de ce tissu qui, s’il continue de disparaître, emportera avec lui « la capacité de nos villages à produire une alimentation locale et de qualité » écrit la foncière. 40 000 c’est beaucoup d’accord, mais pourquoi « petites fermes » ? Qu’est-ce qu’une petite ferme ? C’est suffisamment intrigant en tout cas pour avoir envie de regarder de plus près.

-9,4 ou 1,7 % ?

L’alerte renvoie à la publication de l’enquête « structure des exploitations agricoles » menée par les services du ministère de l’agriculture en 2023, soit pile trois ans après le dernier recensement agricole. Il n’est pas spécialement fait mention des « petites fermes » mais les résultats sont intéressants à regarder de près. On y apprend ainsi qu’en effet 40 000 exploitations ont bien disparu depuis le recensement et que la tendance est très sensible dans les microexploitations (-9,4 % par an). C’est bien ce segment qui tire les chiffres à la hausse et provoque un recul global de 3,6 % par an contre 2,3 % annuel lors de la décennie précédente. Et ce alors que du côté des exploitations « de taille économique significative » le recul n’est que de 1,7 %.

Vous avez dit micro ?

Pour rappel, une micro-exploitation- la France en comptait 76 200 en 2023 (22 % des exploitations et 4 % de la surface agricole utile)- génère une production brute standard de moins de 25 000 euros par an. Les « petites » exploitations affichent, elles, entre 25 000 et 100 000 euros, les « moyennes » entre 100 000 et 20-50 000 € et les « grandes » au-delà de 250 000 euros (voir cette étude fort intéressante sur les micro-exploitations de la DRAAF Bourgogne). Les petites exploitations continuent de disparaître sur le même rythme que lors de la dernière décennie, -2,3 %, quand les moyennes semblent mieux résister (-2,1 % entre 2020 et 2023 contre 2,6 % lors de la décennie précédente), le nombre de grandes exploitations reculant de 0,5 % alors qu’il était resté stable pendant 10 ans. Selon les rédacteurs de l’étude, l’effondrement spectaculaire des microexploitations tient essentiellement au fait que ce type de structures est souvent détenu par des agriculteurs retraités de plus de 67 ans (plus de 40 %) qui sont « désormais exclus du bénéfice de la PAC car ne répondant pas au critère dagriculteur actif ».

Qui a la plus grosse ? Pas la France !

Où l’affaire se complique, c’est que l’on peut aussi classer les exploitations par Surface Agricole Utile (SAU) et là, les résultats diffèrent, naturellement. Les toutes petites exploitations, moins de 5 ha de SAU, ne bougent quasiment pas, les fermes de 5 à 25 hectares et celles de 25 à 75 hectares étant celles qui reculent le plus, respectivement entre 3 et 4 %. Dans la catégorie suivante, de 75 à 200 hectares de SAU, la disparition d’exploitations s’accentue pour dépasser les 2 % annuels quand les grandes exploitations, plus de 200 hectares, continuent de progresser au même rythme que lors de la décennie précédente, + 2,8 % par an. Tout cela conduit à la confirmation de la tendance à l’agrandissement, 93 ha en moyenne contre 89 ha en 2020 et 76 ha en 2010. Les grandes exploitations (+ de 200 ha) représentent aujourd’hui une exploitation sur dix et un tiers de la SAU de la métropole. Ce n’est pas à vous, lecteurs de Sesame, que nous allons apprendre que les choses sont souvent relatives. Ainsi, à l’échelle de l’Europe, la taille moyenne des fermes françaises est très importante, 69 hectares en moyenne en 2020 quand elle est de 17,4 hectares à celle de l’Union européenne (et seuls 18 % des exploitations agricoles européennes dépassent cette surface). En République tchèque, la moyenne est à 113 ha F quand elle peine à dépasser 5 ha en Roumanie. Si l’on prend ensuite un peu le large, aux États-Unis, c’est 187 ha, au Canada 327 ha, en Argentine 627 ha, au Brésil 69 ha, en Uruguay 365 ha la palme revenant à l’Australie avec une taille moyenne de 4 200 ha

Agriculture familiale en recul

Mais revenons en France. Ce qui est valable en termes de surface, l’augmentation tendancielle, vaut également en tête de bétail. Le nombre d’Unité de Gros Bétail détenu (UGB) atteint 155 en 2023 contre 151 en 2020 et 122 en 2010. Seuls les cheptels porcins ont tendance à reculer. Globalement, et avant les crises qui frappent aujourd’hui l’élevage et la vigne en particulier dont nous verrons les effets en 2026 et 2027, toutes les productions perdent des exploitations à l’exception des systèmes de maraîchage et d’horticulture qui ont gagné 300 exploitations en 3 ans. Et ce sont les élevages bovins, spécialisés lait ou viande ou mixte, qui ont le plus reculé ces trois dernières années. Les tendances observables en France sont aussi celles qui sont à l’œuvre sur le territoire de l’Union européenne. L’UE a perdu 5,3 millions de fermes entre 2005 et 2020. Avec un net recul des systèmes de polyculture élevage et des exploitations spécialisées en élevage. À l’échelle du continent, la France est le pays où l’agriculture familiale (dans le sens où seule la famille exploitante est active sur l’exploitation et n’emploie pas de salarié) pèse le moins, 58 % des exploitations, alors que la moyenne européenne s’établissait à 80 % en 2020.

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