Par Sylvie Berthier.

[Péchés de chair ?] Au nom du paradis perdu. - Revue SESAME

Sciences et société, alimentation, mondes agricoles et environnement


Quel heurt est-il ?

Publié le 5 mai 2017 |

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[Péchés de chair ?] Au nom du paradis perdu.

Par Sylvie Berthier.

Quand les plus pauvres parlent d’élevage et de consommation de viande…

Quelque  6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants vivent en très grande pauvreté 1, cachés du regard des autres, dans des tentes de fortune, des caravanes en lisière de forêt ou des HLM. C’est avec une quinzaine d’entre eux qu’ATD Quart Monde 2 planche  actuellement au sein d’un laboratoire d’idées santé sur le thème « Se nourrir dignement et durablement avec 57 € par mois ».
57 €, ce qu’il reste du RSA une fois payés le loyer, pour éviter l’expulsion et les enfants à la rue, l’eau, le gaz, l’électricité.

« Seuls les plus pauvres pourront trouver des solutions pour les plus pauvres », explique Huguette Boissonnat-Pelsy, responsable du département santé à ATD QM. Il faut « accéder à leur expertise, elle est essentielle à la compréhension du sujet dans sa complexité ». Et de se rappeler combien ils furent humiliés, quand l’idée fut émise de leur distribuer les lasagnes à la viande de cheval que nous autres consommateurs ne voulions pas. Pourtant, assure-t-elle, « le cheval n’est pas tabou. Au contraire, c’est le top du top. Avec un steak de cheval, on a des protéines pour ses enfants pour la semaine, disent les familles pauvres. »

Certains membres du laboratoire d’idées ont accepté de discuter pour Sesame d’élevage et de viande. Nous les en remercions sincèrement.

 – Entre la viande d’élevage et la bête heureuse il n’y a pas de réflexion on choisit celle heureuse mais… elle n’est pas pour nous, trop chère !

– Un steak c’est hummm…

– Tous les jours, j’en mangerais car je connais maintenant « le manque de viande » ; tu sais : « la privation engendre l’envie ».

– A LIDL, c’est 7€ mais en un quart d’heure tout est cuit…

– Si tu veux de la qualité, les bêtes doivent être élevées correctement.

– C’est pas parce qu’on est pauvre qu’on n’a pas les tripes retournées parce que les bêtes sont maltraitées.

– Tous, nous avons été en lien avec la ferme, petits, toutes les personnes présentes peuvent expliquer comment préparer un  lapin ou plumer une poule… 

– Avec un cochon tu manges un an, tu manges tout et avec la couenne tu fais le saindoux ; les côtelettes, les rôtis et les pieds, tu peux tout manger et, lui, il mange tous tes restes.

– Quand t’as pas d’argent et que tu es pauvre, tu peux plus produire de quoi manger pour rien ou presque, comme nos parents pauvres le faisaient dans leurs lieux à la campagne.

– Il faut faire un break, tout va trop vite STOP ! Les trois quarts des jeunes ne savent pas ce que c’est de manger ce qui vient de la ferme.

– Moi je prends 10 € dans ma poche et j’achète, tous les mois, 5€ d’ailerons de poulets et 5€ de viande hachée tous les 15 jours. Et je fais des pilons à la crème et de la bolognaise et c’est mes plats à viande, c’est vite vu ! 

– Moi, j’achète deux steaks hachés et c’est pour cinq. T’émiettes, tu répartis et t’as gagné trois steaks…

  1. En France métropolitaine, un individu est dit pauvre quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 840 euros ou 1 000 euros après impôts et prestations sociales. Ils sont 5 millions en France, si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian, et 8,8 millions si l’on utilise le seuil à 60 % (données Insee 2014).
    http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=343&id_rubrique=123&id_groupe=9&id_mot=76
  2. ATD Quart Monde a publié en 2016 « Se nourrir lorsqu’on est pauvre ». https://www.atd-quartmonde.fr/wp-content/uploads/2016/07/Se-nourrir-lorsquon-est-pauvre.pdf




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