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Les échos & le fil Où la pyrale passe le buis trépasse @ archives Yann Kerveno

Publié le 2 juillet 2025 |

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Observons deux papillons…

Ils s’en échappent parfois de vos sacs de farines mal fermés, ils laissent de profondes traces dans le paysage, volent en nuée sous les lampadaires la nuit venue et nous sont, à notre corps défendant, bien familiers. Cette semaine, cap sur un petit papillon commun, la pyrale qui aurait pu, aux côtés des moustiques et des criquets, prétendre à intégrer la liste des dix plaies d’Egypte… C’est le fil du mercredi 2 juillet 2025.

Bandeau : Où la pyrale passe le buis trépasse @ archives Yann Kerveno

Elle fait aujourd’hui souvent la Une de l’actualité pour sa voracité à défoncer, il n’y a pas d’autres mots, les massifs de buis par dizaines d’hectares. Le Larzac en porte encore les stigmates en ce début d’été 2025. Pourtant, cette histoire n’est pas longue. Elle, c’est la pyrale du buis. Ce petit papillon originaire d’Asie est entré en Europe, comme beaucoup d’espèces invasives, par le jeu de la mondialisation des échanges. Le premier signalement remonte à 2007, en Allemagne, d’où il a conquis une grande partie du continent. En particulier grâce à sa prolificité, deux à quatre générations par année, mais aussi par l’absence de prédateurs spécialisés. Si certaines espèces d’oiseaux ne rechignent pas à en gober, ils sont le plus souvent en nombre largement insuffisant pour contrôler les populations. Les dégâts causés aux massifs sont la plupart du temps spectaculaires, en quelques jours elles peuvent défolier un arbuste, en quelques saisons réduire à néant des hectares de buissons. De quoi porter la note en près de 20 ans à plusieurs dizaines de milliers d’hectares sur le territoire français. Il en est question en Alsace, dans le Gard, dans la Sarthe, ou dans le nord de la France où la fête des rameaux en fut même gâchée. Bref, le buis étant présent sur la quasi-totalité du territoire français, sa pyrale a de la marge.

Secouer les branches

Les moyens de lutte ne sont, en plus, pas vraiment efficaces sur les buis d’ornement, et même impensable à déployer dans les zones naturelles… Ils reposent principalement sur les prédateurs naturels, oiseaux dont les mésanges fort friandes des chenilles, chauve-souris, pose de pièges à phéromone pour pratiquer de la confusion sexuelle et détourner les mâles de leur rôle de reproducteurs ou encore traitements à base de Bacillus thuringiensis (Bt), nous y reviendrons plus bas. Mais on peut aussi, dans son jardin au moins, débarrasser les feuilles des pontes ou encore secouer les arbres pour récolter les chenilles avant la ponte… Impatients s’abstenir ! Certaines communes baissent les bras et préfèrent arracher les buis d’ornement pour les remplacer par d’autres espèces, ifs, troènes nains et chèvrefeuilles arbustifs en Alsace. Les seuls à se réjouir de cette invasion semblant être… Les pêcheurs !

Deux salles, deux ambiances

Si l’on est pour l’instant assez démuni pour sauver les buis, la pyrale a pourtant largement boosté la recherche, fût-elle contestée dès le début. Mais là, rien à voir avec notre arbuste, il faut plutôt regarder du côté du maïs. Et du fameux maïs BT mis au point par Monsanto dans les années quatre-vingt-dix. Si ce n’est pas le premier végétal génétiquement modifié -ce titre revient à la tomate Flav Savr en 1994, tomate qui n’a pas eu la carrière escomptée par ses obtenteurs-, le maïs BT est devenu malgré lui l’emblème des OGM. La pyrale du maïs (elle est endémique des États-Unis, a été introduite en Europe au début du XXe siècle et s’attaque aussi à d’autres plantes) est un ravageur sérieux, capable de provoquer d’importants dégâts avec des pertes sensibles qui peuvent se compter en quintaux par la baisse du poids de mille-grains (étalon qui consiste à déterminer la masse moyenne de 1000 semences de la variété) ou par la rupture de la tige du maïs. Sans compter les dégâts possibles induits comme l’ouverture de « portes d’entrée pour la fusariose ». N’en jetez plus.

De 6 à 15 quintaux/hectares

En France, sur du maïs grain, elles peuvent atteindre 15 quintaux à l’hectare en cas d’attaque sévère et 6,7 quintaux en moyenne en France. Développer une plante résistante aux chenilles des pyrales ? Souvenez-vous, c’est l’argument à l’époque de Monsanto. Avec dans les années 1980, la découverte d’un gène prometteur dans la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt) elle-même découverte, un peu par hasard au début du XXe, par un chercheur japonais enquêtant sur une maladie du ver à soie. Le gène produisant des cristaux insecticides (Cry) sera, lui, identifié en 1989. Puis incorporé au maïs de Monsanto, le fameux 810 Bt, commercialisé aux États-Unis à partir de 1996 avant de gagner une vaste partie du monde, tout en rencontrant de fortes critiques et contestations.

Deux familles

Si les alertes à l’apparition de résistance ont été assez précoces pour certaines familles d’insectes (chrysomèle ou noctuelle de la tomate), elles ne semblent pas concerner, pour le moment, la pyrale. Au moins dans les conditions de culture, car l’affaire est moins évidente en Laboratoire où des lignées plus tolérantes ont été créées, sans pour autant leur permettre de résister à la bactérie. Ce qui n’enlève rien aux nombreuses controverses qui sillonnent le MON 810 et ses avatars. Pour le reste, sachez que le nom pyrale désigne en fait deux familles (Pyralidae et Cambridae), concernent, en plus du buis et du maïs, la vigne (sous le nom de tordeuse printanière), la luzerne, l’ortie, la canne à sucre, la patate douce… De quoi regarder différemment les petits papillons, pas plus de cinq centimètres, qui volettent en nuée autour des lampadaires les chaudes soirées d’été ! Et nous rappeler qu’un papillon qui bat de l’aile ici ne provoque pas forcement de catastrophes que de l’autre côté de la planète.

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