Published on 19 avril 2017 |
1[Microfermes]« Perdre du temps pour en gagner »
Par Yann Kerveno.
En Lorraine, les installations de toutes petites fermes en maraîchage bio sont relativement nombreuses et suivent un processus original et rationnel centré sur le porteur du projet. Entretien avec Nicolas Herbeth, du Groupement des agrobiologistes de Lorraine.
Combien de maraîchers bio, installés sur de toutes petites surfaces, sont actifs aujourd’hui en Lorraine ?
Nous comptons aujourd’hui 131 maraîchers bio dans le périmètre de l’ancienne région. Neuf d’entre eux sont spécialisés dans la pomme de terre ; il s’agit souvent d’un atelier particulier sur une exploitation en polyculture-élevage. Quatorze cultivent des légumes de plein champ sans tunnel, qui viennent compléter la vente directe à la ferme (caissettes de viande). Enfin, 108 maraîchers bio, installés pour la majorité d’entre eux depuis moins de dix ans, ont opté pour des productions très diversifiées, et vendent tous en direct. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ce dossier en 2001, on ne comptait que huit structures de maraîchage bio dans toute la région, et seulement une poignée également en conventionnel.
Comment expliquer alors cette progression spectaculaire ?
Le développement a vraiment pris corps en 2008. Plusieurs facteurs étaient réunis pour qu’il puisse se réaliser. Il y a d’abord eu la création des Amap, qui ont vraiment soutenu le mouvement, mais aussi la création du BPREA* maraîchage bio dans un lycée de la région, à Courcelles-Chaussy, qui a comblé le manque de formation. Ensuite, je reste persuadé que la crise financière de 2007 et 2008 a joué un rôle important de déclencheur dans la société, tant pour la demande des consommateurs que dans la naissance des vocations. Dans les installations que nous avons suivies, il y a beaucoup de hors-cadres familiaux qui n’avaient en outre, à ce moment-là, aucun lien avec l’agriculture.
L’engouement s’est-il tari ?
Non. Environ cinq personnes qui veulent se lancer et qui ont une ébauche de projet nous contactent chaque semaine, mais nous ne réalisons qu’une dizaine d’installations par an, au maximum. Pourquoi un tel écart ? Parce que nous sommes très attentifs au développement du projet. Lorsque nous recevons des porteurs de projet, nous les incitons en premier lieu à réfléchir, nous leur conseillons de « perdre du temps » à se former, à visiter de nombreuses fermes pour ensuite en gagner. Nous les alertons également sur les conditions dans lesquelles ils vont travailler. Il est nécessaire que le foncier se prête à cette activité. Nous leur indiquons d’être particulièrement attentifs à la qualité des sols, à la présence d’eau sur le terrain, à la configuration de la parcelle, qui est plus pratique à travailler si elle est d’un seul tenant et groupée autour de l’habitation.
Une dizaine d’installations par an depuis 2008, pour combien d’échecs ?
Assez peu à vrai dire, moins d’une dizaine. C’est pour cela que le travail préparatoire à l’installation est fondamental. Il ne peut y avoir de réussite que si le porteur de projet connaît ses envies, s’il est clair sur ses propres objectifs en termes de revenus, de temps de travail, de temps libre, et qu’il est parvenu à trouver le bon compromis. Ensuite, la réussite impose une certaine lucidité quant à ses manques. Conduire un tel projet demande de multiples compétences qu’il est rare de posséder, toutes en même temps, au démarrage du projet, surtout quand on n’est pas issu du milieu. Il faut donc reconnaître ses manques et avoir la capacité de les compenser, de trouver des appuis pour se former, se faire aider. Surtout, il ne faut pas rester seul dans son coin. Notre structure propose chaque année une vingtaine de formations, justement pour aider les maraîchers bio à progresser dans la maîtrise de leur système.
Les fermes en place se ressemblent-elles vraiment ?
Si l’on regarde de loin, probablement. Mais quand on s’y intéresse de plus près, on voit que les projets sont très différents. Deux ou trois fermes sont un peu plus importantes que les autres, avec près d’une dizaine d’hectares, mais la majorité se cantonne autour d’un hectare cultivé. Pas par manque d’ambition, non, mais aller au-delà, c’est complexe ; il faut d’abord bien maîtriser ce qu’on peut faire sur un hectare. Et puis, beaucoup sont aussi limités par le foncier. En revanche, le point véritablement commun qu’ils partagent, c’est la vente directe. Elle est souvent totale ou bien représente la plus grosse part de leur chiffre d’affaires, grâce à des expériences menées avec des restaurants scolaires ou des maisons de retraite de proximité. A la marge, quelques autres expériences sont conduites avec la GMS [Grande et Moyenne Surface].
Existe-t-il des limites au développement de ces fermes dans la région ?
A priori, économiquement il n’y a pas de limites. On pourrait facilement installer 15 000 maraîchers bio de ce format-là dans la région pour répondre à la demande. Pour l’instant, il n’y a aucun problème de commercialisation. Mais, ce que l’on peut regretter aujourd’hui, c’est que le maraîchage, lorsqu’il s’installe autour des villes, n’ait pas toujours accès aux meilleures terres qui restent aux mains de l’agriculture conventionnelle.
Les collectivités locales s’impliquent-elles dans le développement de ce modèle ?
Oui, de nombreuses collectivités aident à l’installation de ce type de fermes, jusqu’à donner un coup de pouce pour surmonter l’obstacle foncier. Mais, plus simplement, les mairies peuvent aussi aider à faire connaître le projet avant son démarrage, prêter des salles pour des réunions d’information, voire pour organiser la distribution des légumes.
Ce mouvement lorrain est-il à rattacher au développement médiatisé de la permaculture ?
Oui et non. C’est vrai que beaucoup de porteurs de projet s’intéressent à la permaculture. Mais ce qui me dérange, c’est quand cette pratique se limite à une technique, souvent plus efficace dans des conditions climatiques tropicales que sous nos latitudes. Cela reste, malgré tout, une belle porte d’entrée dans le métier du maraîchage bio, avec des principes intéressants, comme la multifonctionnalité des éléments.
Pour notre part, ce que nous souhaitons, c’est que les porteurs de projet visitent différentes fermes et rencontrent toutes sortes de maraîchers pour mieux comprendre les raisons et le pourquoi de leur choix, pour asseoir un projet solide et ne pas se contenter de glaner, ici et là, quelques techniques. Chacun doit construire sa propre façon de faire, selon ses propres objectifs et son environnement.
*Brevet professionnel responsable d’exploitation agricole
Bonjour,
Je suis actuellement seule sur un ha de terrain, en autonomie alimentaire, je voudrais faire de ce lieu une micro-ferme pédagogique.
Je m’adresse aux porteurs de projets désireux de vivre de leur production et souhaitant expérimenter une vie simple dans le respect de l’environnement.
J’ai eu une première approche de la permaculture (20 heures à St Max, Nancy) et ai suivi une formation de maraîchage biologique permaculturelle au Bec Hellouin en Normandie.
Pourriez-vous m’indiquer les démarches à suivre pour accompagner des porteurs de projets sur mon terrain.
D’avance merci pour tous les renseignements qui pourront m’aider dans la réalisation de mon projet.
Cordialement,
Françoise