Publié le 22 avril 2022 |
2L’irrigation légèrement déficitaire
Par Yann Kerveno
Comment faire mieux avec moins ? Pour aller plus loin en efficacité, Bruno Cheviron, UMR G-Eau (voir notre dossier Ça ne coule pas de source) propose carrément de sortir de la boîte pour réfléchir autrement, en changeant d’approche. Il faut être un peu attentif pour comprendre mais c’est assez simple. « L’idée c’est de travailler sur le lien entre le rendement et le revenu des irrigants, en introduisant des récompenses qui inciteraient à une irrigation raisonnée, qui rendraient viables économiquement une irrigation (légèrement) déficitaire et des rendements sous-optimaux. Je m’explique à partir de ce graphique.
Quand vous représentez le rendement en fonction du cumul d’irrigation, vous dessinez ce qu’on appelle une fonction de production (courbe 1 sur le dessin). Sans irrigation, la biomasse produite est d’autant plus faible que la saison est sèche. L’irrigation est alors indispensable, potentiellement très efficace, très productive, mais pour ce faire le choix d’une bonne stratégie d’irrigation est d’autant plus crucial et difficile que les contraintes sont fortes (restrictions, quota, tours d’eau espacés, sols légers). En irriguant assez, on approche du maximum de rendement, mais en même temps la productivité de l’irrigation devient moindre, et l’irrigation finira par coûter plus qu’elle ne rapporte. On s’en rend bien compte en regardant maintenant la courbe du revenu en fonction du cumul d’irrigation (courbe 2). En calculant le revenu comme le prix net de la culture multiplié par le rendement, moins les coûts fixes et les coûts variables (coût de l’eau – pas encore dissuasif en France, et coût de l’énergie – qui le devient), on constate que le maximum du revenu est atteint pour un cumul d’irrigation inférieur à celui qui est nécessaire pour atteindre le maximum du rendement, ce qui est déjà une forme d’incitation. »
Axe de réflexion important
Le cadre est posé. Le chercheur poursuit : « Si on réduit un peu plus l’irrigation, on commence à impacter à la fois le rendement et le revenu, mais à ménager la ressource disponible (nappes, rivières, canaux, réservoirs) et on arrive aussi vers les cumuls d’irrigation pour lesquels l’irrigation est efficiente et productive si elle est bien pensée. In fine, l’idée serait alors de récompenser financièrement la productivité d’une stratégie d’irrigation (courbe 3) par un terme qui s’ajouterait au terme de revenu dans le calcul du gain financier total (courbe 4), ce qui produirait l’effet incitatif escompté, en faveur d’une irrigation (légèrement) déficitaire. Si la puissance publique met une enveloppe à disposition des gestionnaires à ces fins, alors cela peut fonctionner, et toute la collectivité en profite. C’est un axe de réflexion important aujourd’hui, une manière de voir le problème que nous cherchons à promouvoir. Jusqu’ici les compensations financières (de type Paiements pour Services Environnementaux) ont surtout privilégié les aspects qualitatifs de la gestion de l’eau, pas les aspects quantitatifs, et pourtant c’est un levier puissant qui ne pénaliserait pas (trop) les irriguants et qui peut avoir un effet de seuil sur les débits ou les nappes en tension. » Pour objectiver l’approche, la variable clé du problème, modélisable et observable, pourrait bien être le remplissage des sols. « Si le remplissage du sol est modéré, et qu’il était nécessaire de ménager la ressource, alors le rendement ne sera pas optimal, et le revenu ne le sera pas forcément non plus, mais la stratégie d’irrigation suivie sera récompensable. On ne récompense pas l’absence d’irrigation mais son efficacité, et cette efficacité peut tout aussi bien devenir une cible pour les outils d’aide à la décision. »
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Bonjour,
Un autre élément essentiel est d’intervenir auprès des élus pour qu’ils ne plantent pas n’importe quelles essences d’arbres sous prétexte de réchauffement climatique.
Il s’agit d’un dérèglement climatique et la destruction des sols en installant n’importe quel arbre sera une deuxième catastrophe pour les nappes phréatiques.