Published on 12 juin 2020 |
0Les échos #20-2020
En nous obligeant à cuisiner, le confinement aura mis nos compétences culinaires en tension pour au moins deux repas par jour pendant près de trois mois. On ne sait pas ce qu’il en est en France, mais chez nos voisins espagnols, cela n’a pas forcément été une réussite, puisqu’il apparaît que 7 foyers sur 10 ont gaspillé plus d’aliments qu’en temps normal. La faute à plusieurs facteurs détaillés par Food Retail, achats en vrac, achats moins fréquents mais plus importants… Pourtant, globalement, l’Espagne a moins gaspillé. Allez y comprendre quelque chose. Le grand chef catalan Ferran Adria estime pour sa part que le développement du télétravail pourrait être le principal impact pérenne de la crise du Coronavirus, avec de lourdes conséquences sur le secteur de la restauration hors domicile. Chez nous, la crise aura bien fait augmenter les prix des denrées alimentaires. Puisqu’on parle de gaspillage, il y en a probablement en vue aux États-Unis où l’administration Trump envisagerait d’autoriser de nouveau la pêche commerciale dans les réserves marines.
La bonne nouvelle de la semaine, c’est la réduction du périmètre « peste porcine africaine » en Belgique et au Luxembourg, un an après la découverte de sangliers malades. Chez nos voisins anglais (au fait, qui a des nouvelles du Brexit ?), la pénurie de bouchers guette, 10 à 15 % des effectifs pourraient manquer et les représentants de la filière ont demandé que la boucherie soit sur la liste des activités essentielles, classement qui permet le recours à la main d’œuvre étrangère. La filière réclame aussi le retour du groupage qui permet des expéditions combinées. Tiens, au fait, avez-vous déjà plongé dans la structure des exportations agricoles et agroalimentaires françaises ?
En Espagne, les serristes passent à l’attaque et tentent de redorer leur blason en mettant en avant les bénéfices de leur système : irrigation limitée, biocontrôle, stockage de carbone… Ça permet de ne pas parler des conditions de travail… Ou tout simplement des conditions de vie, comme celles de ces 7200 femmes marocaines coincées à Huelva par la fin de la saison des fraises et les mesures sanitaires liées au Coronavirus. Et ce alors aussi que chez nous, dans le sud-est, mais l’entreprise est de Murcie, le procès Terra Fecundis vient d’être reporté sine die. Il n’est donc pas inintéressant dans ce contexte de relire ce texte de Maurice Thorez exhumé par @agrigenre, carnet de recherche des sociologies du genre dans le monde agricole. Un peu d’histoire ne fait jamais de mal.
Quand Maurice Thorez publiait dans l’@humanite_fr (2 juillet 1939) son témoignage sur la condition des paysannes alors qu’il était un jeune valet de ferme âgé de 14 ans dans la Creuse #Archive #Paysanne 👩🌾 pic.twitter.com/aT6r48AREq
— AgriGenre (@AgriGenre) June 7, 2020
Chez nous encore, on a appris que la population de loups atteignait maintenant probablement les 580 individus en dépit du prélèvement d’une centaine d’entre eux autorisé l’an passé. Puisqu’on parle du loup, signalons que c’est aussi la fin du confinement pour les animaux qui gagnent ce début juin les estives pour l’été. Avec le sourire peut-être, puisque la transhumance vient d’être reconnue comme pouvant faire partie du patrimoine culturel et immatériel par la France. Un coin de bucheron de plus peut-être aussi dans la lutte entre élevage et défenseurs des animaux sauvages largement ravivée cette semaine par la découverte du cadavre d’un ours en Ariège.
Cadenassé dans un confinement très sévère, l’Afrique du Sud n’en a pas non plus fini avec la sécheresse, l’état d’urgence lié au manque d’eau est y est prolongé jusqu’au 4 juillet prochain. À l’autre bout du continent, l’Afrique du Nord pourrait devenir le premier importateur de blé du monde selon les projections des statisticiens du ministère américain de l’agriculture. En Belgique, c’est une ferme vegane qui vient de voir le jour, une ferme sans apport de fumures animales qui qui se servira quand même des animaux pour réguler les ravageurs… L’occasion de repenser, comme nous y invite à son tour Philippe Descola, notre rapport aux animaux ?
Aux États-Unis, la bataille fait toujours rage quant à l’emploi de noms d’aliments traditionnels pour les productions à base de plantes. Ainsi un producteur de simili/succédané/ersatz de beurre (choisissez le terme qui vous agrée) vient d’ester en justice contre l’État de Californie qui lui interdit l’utilisation du mot beurre pour ses produits. Assignation au motif que c’est une violation du premier amendement de la Constitution américaine qui sanctuarise la liberté d’expression. Et pour finir, retour dans nos pénates avec cette analyse d’Infoguerre sur la contestation de la cellule Demeter, les doutes aussi qui perdurent autour de la stratégie Farm to Fork qui pourrait accélérer la délocalisation de productions non durables et que les ministres de l’agriculture se sont montrés circonspects. Pour le moins.