Publié le 29 mai 2020 |
0Les échos #18-2020
Tenir une veille d’information en temps de Covid-19 revient un peu à tourner en rond dans un bocal fermé. Le virus a siphonné toute l’attention.
En Espagne, le torchon brûle entre le syndicalisme agricole et la ministre du travail, Yolanda Diaz (Podemos, parti de gauche). Raison ? Les enquêtes diligentées en mai et juin par le ministère pour vérifier que l’esclavage ne subsiste pas dans les exploitations agricoles. Cette mobilisation des inspecteurs du travail, et le questionnaire qui leur a été transmis pour qu’ils puissent procéder aux contrôles, a fait sortir de ses gonds le principal syndicat agricole espagnol qui indique que « suggérer qu’il puisse exister de l’esclavage ou des pratiques approchantes dans l’agriculture du pays c’est jeter ainsi le doute sur l’ensemble d’une profession. » Rappelant les efforts consentis par les agriculteurs pendant la crise, le syndicat appelle à la démission, ou au limogeage de la ministre. ABC Andalalucia en a profité pour révéler les liens financiers entre un syndicat de travailleurs agricoles et une ONG anglaise Ethical Consumers dont l’objet est justement de collecter des fonds auprès des consommateurs pour lutter contre l’esclavage dans l’agriculture.
Rien d’étonnant en tout cas au déclenchement de cette enquête. Philip Alston, rapporteur spécial de l’ONU, avait parcouru le pays au début de l’année et s’était étonné de ce qu’il avait vu, en particulier à Huelva, « où les conditions de vie dans les camps de travailleurs migrants qui récoltent les fraises sont pires que dans beaucoup de camps de réfugiés dans le monde. » Dans la province de Murcia, une récente opération de police a permis d’arrêter 19 personnes dans le cadre d’une enquête portant sur ces motifs et des accusations de non-respect des droits des salariés, incitation à l’immigration irrégulière, faux et usages de faux… Les enquêteurs ont pu établir que les salaires mensuels versés étaient établis entre 150 et 200 euros…
Mercredi, en France, le Sénat a voté la relocalisation des productions agricoles et l’on voit déjà dans les quelques propos que rapporte Ouest-France que ce n’est pas gagné, les divergences de points de vue rendant compte de la complexité de la question. D’un côté, il y a le mouvement écologiste qui veut relocaliser mais « ne pas sacrifier nos standards pour produire plus », d’autres expliquant le risque qu’on ne se concentre que sur les productions à forte valeur ajoutée, oubliant les autres qui rapportent moins et sont pourtant le socle de la sécurité alimentaire… Chez les économistes libéraux, on doute par ailleurs de la pertinence d’un mouvement qui viserait à relocaliser l’économie. On n’a pas fini d’en débattre mais ça fera moins de foin que la Choloroquine !
Pendant qu’ils étaient au créenau, les sénateurs ont présenté hier 28 mai un rapport d’information de prospective intitulé « Vers une alimentation durable, un enjeu sanitaire, social, territorial et environnemental majeur pour la France. » Ils émettent 20 propositions, rien de bien révolutionnaire, pour y parvenir : indépendance protéique, investissement dans les recherches semencières, développement des projets alimentaires territoriaux, adaptation de la politique foncière pour installer des producteurs locaux, développement des légumineuses, etc. Le rapport et les propositions sont là. Ils émettent aussi l’idée d’une « taxe soda » sur les aliments notés D et E dans le nutriscore pour « assainir l’offre alimentaire. »
Le méthane est au centre de toutes les discussions quand il s’agit de parler gaz à effet de serre, vous le savez. L’Inrea a développé une nouvelle méthodologie pour mesurer ces émissions de façon plus précise. Et ce afin que la réponse à apporter soit la plus efficace possible. À propos d’élevage, Le Figaro remarque que les terres dévolues à l’élevage en France se font grignoter par les grandes cultures tandis que l’Office de la biodiversité Est contraint de mener des travaux de restaurations des espaces naturels à la biodiversité déclinante depuis que le pastoralisme les a laissés de côté. L’ami Tomas Garcia Azcarate a publié une première réaction à chaud à la présentation du plan Farm to Fork de la commission européenne, plan qui était l’objet du thread de ce mercredi, à retrouver en cliquant ici. On a aussi parlé de la Covid-19 dans les abattoirs qui semblent des lieux très favorables à la contamination. L’occasion pour la revue américaine Wired de se demander si la solution n’est pas dans la robotisation… L’exemple du Danemark semble plaider pour. Enfin, vous pouvez jeter un œil à ce papier sur un des icônes américaines du vin, David Phinney qui fait du vin comme on écrit des histoires. Et si jamais l’envie vous prend d’aller au restaurant, cliquez donc là pour voir comment les esprits inventifs mettent en œuvre la distanciation physique dans les salles !