Publié le 23 octobre 2024 |
0La vice & l’ex
Nous sommes bientôt début novembre et les élections américaines arrivent à grand pas. Si l’agriculture n’est pas un thème central de la campagne des deux candidats, les enjeux n’en sont pas moins colossaux. La vice & l’ex, c’est le fil du mercredi 23 octobre 2024, on a regardé ce qu’il y avait dans les programme des deux camps.
Guerres commerciales, taxes, dérégulation, immigration et main-d’œuvre, Farm Bill, environnement (assez peu). La campagne électorale américaine touche à son terme et le monde agricole américain votera très certainement majoritairement pour Donald Trump. Si l’agriculture n’est pas le thème central des débats, vous ne serez pas surpris de comprendre que, cette année, encore, les choses sont très clivées avec deux visions du monde qui s’opposent. D’un côté Kamala Harris qui n’est pas connue pour sa maîtrise des dossiers agricoles, même si elle fut procureur de Californie, le plus grand Etat agricole du pays. De l’autre, Donald Trump a son bilan et, comme dans de nombreux autres secteurs, il est fort controversé même dans le monde de l’agro-industrie. Souvenons-nous des guerres commerciales, des entailles béantes dans les politiques environnementales et, de l’autre côté, de la chasse aux clandestins qui travaillent notamment dans l’industrie agroalimentaire. Mais ce sont en fait les deux candidats à la vice-présidence qui sont censés parler au monde agricole plus que les candidats eux-mêmes. À ce jeu, JD Vance, choisi comme colistier par Trump, semble moins solide que Tim Walz choisi par Kamala Harris. Car si on reconnaît à JD Vance une sensibilité rurale, on lui reproche d’avoir investi 65 000 dollars dans le site AcreTrader, genre de « Uber » de la vente de terres agricoles. Au contraire, Tim Walz est un vrai atout, venu du Minnesota, il a passé six mandats de représentants à la commission agriculture…
Divergences
L’excellent site Agriculture Dive a comparé les ambitions des deux candidats. Kamala Harris propose d’interdire les prix « abusifs » dans le secteur de la viande et a, plus globalement, l’industrie agroalimentaire dans le collimateur : elle souhaite agir contre la concentration dans le secteur pour relancer la concurrence. Trump propose pour sa part de jouer sur le coût de production afin de réduire les prix des produits alimentaires, en baissant le coût de l’énergie ainsi qu’en en abolissant les réglementations « lourdes et coûteuses… » La main-d’œuvre est aussi un sujet de tensions, dans tous les sens du terme. La candidate démocrate prône l’amélioration du système d’immigration légale pour fournir l’agriculture dont les besoins en main-d’œuvre sont pressants quand Donald Trump, dont la politique anti-migratoire avait conduit à l’arrestation de 650 personnes dans l’industrie de la volaille du Mississippi, promet juste des « déportations massives » de millions d’immigrants, clandestins ou non.
Environnement et Farm Bill
Grande est l’ambition démocrate pour faire de l’agriculture américaine la première du monde à atteindre le zéro émission de gaz à effet de serre par le développement d’une agriculture adaptée, mais l’ensemble reste vague au contraire de celle de Trump. En quatre ans, il avait aboli 100 lois et règlements de protection de l’environnement et promet de revenir encore sur les initiatives prises en la matière par l’administration Biden. Il prévoit de s’appuyer sur l’innovation pour libérer « les technologies et les processus qui améliorent l’environnement tout en relocalisant la production loin des pollueurs étrangers »… Et puis il y a le Farm Bill, toujours en souffrance et qui vient d’expirer au début du mois d’octobre faute d’accord entre démocrates et républicains. La vice-présidente ne s’est pas exprimée sur le sujet. Du côté de Trump, rien de révolutionnaire sinon la promesse d’amélioration des prix de référence, de l’assurance récolte… Le seul sujet sur lequel les deux candidats se rapprochent est celui des biocarburants dont ils souhaitent le développement.
Voilà pour l’essentiel et vous avez là la synthèse des réponses des candidats faites aux questions du Farm Bureau, lobby des grandes entreprises du secteur agricole et les débats sont intenses. L’industrie agroalimentaire est d’ores et déjà vent debout contre l’idée de Kamala Harris de légiférer contre les prix abusifs. Selon la candidate, la viande hachée et le pain restent 50 % plus cher qu’avant le Covid alors que la situation industrielle est revenue à la normale. Dans ce contexte, elle souhaite voir baisser les prix de l’alimentation pour soulager les budgets de la classe moyenne, alors que le secteur agroalimentaire enregistre des bénéfices records. L’industrie lui reproche de ne pas s’intéresser aux causes de la cherté, l’inflation des prix des intrants, les tensions sur le bétail, la grippe aviaire…
Et les électeurs
Que feront les agriculteurs et le monde rural ? S’ils votent plutôt traditionnellement du côté républicain (euphémisme, 88 % se déclarent républicains), les agriculteurs se souviennent de ce que l’administration Trump leur a coûté en dépit du storytelling déroulé par le candidat qui se voit en sauveur des agriculteurs. Et les motifs de désamour sont nombreux, depuis la chasse aux immigrés qui travaillent dans les exploitations agricoles jusqu’aux guerres douanières dont les pertes ont été compensées par des deniers publics. De plus, ils font crédit à l’administration Biden de les avoir aidés après la pandémie.
Cela dit, les derniers sondages donnent une avance confortable au candidat républicain dans le monde agricole. Seuls les Etats du nord-est du pays, et Hawaï, considèrent que Kamala Harris peut avoir un impact positif sur l’agriculture et elle n’est en tête, chez les agriculteurs, dans aucun des swing states réputés pour faire l’élection. Elle fait au mieux 33 % des suffrages en Arizona. À l’échelle du pays, Trump remporte les trois quarts de suffrages sur tous les sujets proposés aux sondés (4 776 personnes), que ce soit sur l’impact des politiques envisagées par les deux candidats sur l’agriculture, leur poids sur le problème de l’inflation, les biocarburants, les bagarres commerciales… De leur côté, les économistes américains spécialistes de l’agriculture ont un regard plus nuancé sur la question. Interrogés par Farm Journal, ils estiment que la candidate démocrate serait plus à même d’aider le commerce (45 % pour, 55 % contre) quand l’impact de Trump est largement considéré comme possiblement négatif (86 %). Mais comme le fait remarquer S&P Global, le futur président des États-Unis aura de toute façon une année « agricole » difficile, en ayant à gérer le recul du marché et l’effondrement du chiffre d’affaires des exploitations.