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Croiser le faire

Publié le 22 juin 2021 |

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[Conservation du vivant] Des banques pour enrichir l’avenir

Par Yann Kerveno

Depuis la fin des années soixante-dix, la conservation du patrimoine génétique des végétaux et animaux utilisés en agriculture s’est imposée comme une évidence. Question de biodiversité. Assumée à la fois par les organismes de recherche et le mouvement associatif, qu’en est-il aujourd’hui de cette sauvegarde ? À quoi sert-elle ? Plongez dans le monde des races locales et des céréales.

Tout le monde ou presque a entendu parler du bunker des îles Spitzberg où est conservée une partie du patrimoine génétique végétal mondial. L’endroit n’a rien à envier à la science-fiction : une île battue par le froid, peu habitée, à moins de 1 200 kilomètres du pôle Nord, bref, la presque parfaite carte postale d’une après-apocalypse nucléaire de bande dessinée. Si l’île de Svalbard, c’est son nom, accueille cette réserve de biodiversité en graines, c’est parce que les conditions géologiques sont propices à leur conservation. Cette « banque »1 pour le futur s’enfonce jusqu’à 120 mètres de profondeur dans le grès jusqu’aux « cellules », des salles qui offrent 1 500 m3 de stockage à – 18 °C. Sans activité sismique, à l’abri de la montée des eaux, la « banque » est protégée d’une panne de son système de réfrigération. La température de la roche dans laquelle elle est creusée ne dépasse pas – 3 °C. Une bonne garantie décennale pour le million de graines conservées2. Mais il n’y a pas que dans le Grand Nord que la préservation du patrimoine génétique est un sujet de préoccupation. Il y a des décennies qu’elle fait l’objet de soins particuliers sous nos latitudes et ailleurs, que le patrimoine à sauvegarder soit végétal ou animal. Quelques races protégées sont connues du grand public, tels les porcs basques de Pierre Oteiza, charcutier qui, avec un sens du marketing sans pareil porté jusqu’au Salon de l’agriculture à Paris, a su sauver ces cochons. Mais, pour bien comprendre comment nous en sommes arrivés là, « il faut faire un peu d’histoire », précise Delphine Duclos (Institut de l’élevage, Idele) et regarder vers la fin du XIXe siècle quand l’agronomie et la science vétérinaire progressent. 

Veiller au grain

On tente alors de fixer les caractéristiques des races les plus importantes par le biais des livres généalogiques qui garantissent la pureté raciale de l’ascendance des animaux, bovins, équins, ovins… C’est aussi au XIXe siècle que Vilmorin, accompagné de ses somptueux catalogues, développe sa fameuse sélection qui va irriguer toute la création variétale des céréales à paille en France. Au XXe siècle, les avancées de la science en biologie, en génétique, en agronomie donnent un coup d’accélérateur au mouvement qui, d’empirique devient rationnel et est mis à profit pour augmenter la productivité. Dans les années soixante-dix, on a compris qu’on allait peut-être perdre au change en laissant filer un univers de patrimoines génétiques variés. Alors on a conservé… tout ce qui restait. Mais est-ce que cela sert à quelque chose ? « Heureusement que cela sert à quelque chose ! » À Clermont-Ferrand, François Balfourier (UMR Inrae, UCA 1095) s’offusque presque en souriant de ma question faussement naïve. Avec son équipe, il veille sur une imposante collection de semences, environ 27 000 accessions3 et variétés de céréales à paille, du blé, bien entendu, mais aussi de l’orge, du seigle, de l’avoine, des triticales… Conserver les semences ne se résume pas à les stocker en chambre froide, il faut aussi conserver leur pouvoir de germination, ce qui implique de les semer de loin en loin pour récolter et stocker de nouveaux grains. « Nos missions sont simples, il s’agit d’acquérir des ressources puis de les maintenir, de les conserver et de les distribuer au public », résume-t-il. Et d’en profiter au passage pour développer les connaissances disponibles sur ces populations ou variétés en procédant à des évaluations agronomiques, biochimiques, moléculaires…

« Depuis sa création et jusque dans les années quatre-vingt, Inrae était impliqué dans la sélection variétale de nombreuses espèces avant de se désengager et de passer, en partie, le relais au secteur privé. Les années quatre-vingt-dix furent donc consacrées au rangement, au classement, à l’élimination des doublons et à l’organisation d’un réseau d’une douzaine de centres de ressources génétiques pour gérer l’ensemble des espèces végétales cultivées, au lieu d’une centaine auparavant. Ainsi, pour les céréales, pendant toutes ces années, plusieurs collections avaient été constituées dans les différents centres Inrae de Montpellier, Clermont-Ferrand, Rennes, Versailles, Dijon… C’est à ce moment-là qu’est née l’idée de créer un unique centre de ressources génétiques à Clermont qui regrouperait toutes ces collections. » Puis, une fois tout mis en ordre, les protocoles de conservation consolidés, est venu le temps des échanges avec d’autres centres de recherche qui collectionnaient eux aussi des semences, dans les pays à l’Est de l’Europe, la Russie, la Chine…

Fins de races ?

Quant aux bovins, fers de lance de l’agriculture française, une fois délivrés du joug par le tracteur, leur sort est scellé dans les années soixante par les rapports de l’ingénieur Edmond Quittet qui préconise de concentrer les efforts sur une poignée de races, jugées les plus efficaces dans leur domaine4. « De très nombreuses races ont connu un fort déclin dans les années soixante. Et ce n’est qu’à la fin des années soixante-dix que se mettent en place les premiers programmes de sauvegarde », explique Delphine Duclos. Un homme, notamment, a alors pris son bâton de pèlerin pour entamer ce travail pour ce qui s’appelait l’ITEB (aujourd’hui Institut de l’élevage), c’est Laurent Avon. Il incarna pendant deux décennies ce travail de sauvetage des « races à petits effectifs » telles qu’on les classe désormais. Et du travail il y en a ! « Il est allé sur le terrain pour faire un état des lieux de nombreuses races, constituer les premiers inventaires et faire en sorte que puissent par la suite être collectées les semences des derniers taureaux vivants. » Certaines races bovines étaient alors en grand danger. 

Pour les ovins, qui ont subi moins de pression politique en termes de normalisation, les coupes sont moins brutales. Quarante ans après, où en est-on ? Les races à petits effectifs disposent d’une classification administrative, « races menacées d’être perdues pour l’agriculture5 », qui les rend en particulier éligibles à certaines mesures agroenvironnementales de la Politique agricole commune. Pour autant, toutes ne sont pas sorties d’affaire, le delta est même large. « Il va de 200 mères, pour la Lourdaise par exemple, ce qui est réellement un très petit effectif, à plus de 2 000 mères pour la plus importante des races dont nous tenons le livre généalogique, la Ferrandaise », ajoute Delphine Duclos. Aujourd’hui, elle estime toutefois qu’aucune des races concernées ne présente un taux de consanguinité possiblement délétère. « En ovins, il y a quelques situations tendues mais globalement la grande majorité des races a des trajectoires positives », explique Coralie Danchin (Institut de l’élevage, Idele). En revanche, pour les caprins, on est passé à deux doigts d’un « grand remplacement ». Désormais, le cheptel est constitué à 99 % de deux races, l’Alpine et la Saanen, tandis que subsiste à peine une douzaine de races reconnues, quand il en existe une cinquantaine pour les ovins.

La chèvre, animal du diable

Filons donc sur le terrain voir ce qu’il en est. Ça vous dit, la Provence, ses cigales, sa garrigue, ses chèvres ? « La chèvre n’a jamais été considérée comme un enjeu agricole en Provence, explique Joël Corbon. Elle a de tout temps été associée au diable, le bouc. Il suffit de relire Giono ou Pagnol pour le comprendre. De fait, les chèvres ont été l’affaire des femmes, pas celle des hommes, et elles ont échappé au travail de standardisation des races. » Quand Joël Corbon et une poignée de confrères s’emparent du sujet, au début des années quatre-vingt-dix, il ne reste pas grand-chose de la Provençale : 300 à 400 chèvres chez les professionnels, moins de dix troupeaux… « Elle était restée à l’état de population à grande diversité génétique. Notre pari à l’époque fut de conserver cette diversité et non pas de fixer un standard étroit appuyé sur un nombre de caractères restreints », explique-t-il. Pour parvenir à cet objectif, ils vont chercher les mâles chez les paysans âgés qui en conservaient pour élargir la base de reproducteurs. « C’est une chèvre qui a un gros potentiel laitier, par rapport à d’autres races à petits effectifs, nous avons fait le choix de chercher à exprimer ce potentiel laitier par la conduite du troupeau, l’alimentation et non par la génétique. » Trois décennies plus tard, la race n’est pas sauvée, mais elle est sur une bonne lancée. 3 000 chèvres, soixante à soixante-dix mâles et un nombre d’éleveurs qui augmente régulièrement.

Licorne et Légende

Coralie Danchin souligne que le salut vient souvent des néoruraux. « La plupart n’ont pas de formation agricole, ce qui les intéresse, c’est d’avoir des animaux qui ne sont pas trop techniques… Des brebis qui agnèlent toutes seules d’un seul petit et qui, cerise sur le gâteau, peuvent se conduire en plein air intégral. On voit aussi aujourd’hui beaucoup d’installations en marge du modèle dominant, des doubles actifs par exemple, avec de petits troupeaux, des exploitations de petite taille en recherche d’autonomie alimentaire. » Presque à l’autre bout de la France, Laurent Chalet et une poignée d’éleveurs ont réussi la même prouesse, sauver une race bovine, la Nantaise, promise aux oubliettes. Quand on lui demande comment il en est arrivé là, Laurent Chalet se voit encore dans l’étable de ses parents, faisant ses devoirs sous le regard des deux dernières Nantaises du troupeau, sa mère vaquant à ses occupations. « Ce n’est pas de la nostalgie, tente-t-il, juste le souvenir d’une période heureuse de ma vie. » Cette période et ces deux vaches qu’il trouve tellement belles furent un peu la colonne vertébrale de ses choix professionnels. Installé en 1989 avec des Limousines et d’autres vaches croisées, il achète ses deux premières Nantaises, Licorne et Légende, puis, en 1995, ses deux premiers taureaux. Il décide alors de monter un troupeau de race pure, on est à la fin des années quatre-vingt-dix. Puis il s’occupe de la race Nantaise, du festival des races locales qui attire la foule par dizaines de milliers de personnes dans ce petit village de 700 habitants au nord de Nantes. Aujourd’hui, à cinquante-huit ans, il regarde son fils, Alexandre, s’installer avec lui en Gaec. Son troupeau compte une quarantaine de mères servies par deux taureaux. Sur le plan national aussi, la race Nantaise a repris de l’allure, des quelques dizaines de vaches qui subsistaient dans les années quatre-vingt, le cheptel s’est stabilisé autour de 1 200 femelles dont 900 en âge de se reproduire. Quant à notre éleveur, il est fier d’être parvenu à vivre de ce troupeau. « Dans la restauration, avec des chefs qui ont une quarantaine d’années, on sent aujourd’hui la volonté de pousser les produits locaux. Le contexte nous est ainsi devenu bien plus favorable qu’il y a quarante ans ! » explique-t-il.

Croquer du patrimoine

Quand on lui demande la clé du succès rencontré par la chèvre Provençale, Joël Corbon rejoint Laurent Chalet. Le premier déclic, dit-il, c’est une question identitaire. « Nous avons montré que cette race, avec une production fromagère associée, pouvait apporter autant de revenus, sinon plus, qu’un troupeau très productif. Ensuite, les gens qui s’installent avec des chèvres aujourd’hui sont à 95 % des néoruraux, qui viennent pour un projet de vie plus que pour un projet agricole stricto sensu. Notre approche antiproductiviste, antisystème quelque part, colle souvent avec ces aspirations au changement de vie, cela permet d’échapper à la standardisation. Même si nous allons vers une génération plus techniciste, nous avons conservé cet esprit. » L’autre facteur, c’est le développement de l’appellation fromagère Banon mené en parallèle avec la restauration de la race. « C’est la même mécanique identitaire qui joue. La chèvre commune Provençale est associée au Banon. Même si elle n’est pas la race la plus importante aujourd’hui dans l’appellation, je ne doute pas qu’elle le sera un jour. C’est un produit qui met l’éleveur en valeur et dans lequel le consommateur peut aussi s’identifier, donc accepter de payer plus cher. Les deux démarches se consolident l’une l’autre. » De quoi donner raison à Bernard Denis, professeur à l’école vétérinaire de Nantes qui m’expliquait, voici une vingtaine d’années, que l’important n’était pas de savoir si les produits de ces animaux « sont meilleurs que les autres mais que, en les mangeant, chacun de nous croque un peu du patrimoine animal et social du territoire6»

La logique déployée dans les espèces végétales, en particulier les céréales, est différente. À partir de 2011, l’ambitieux programme d’investissement d’avenir Breedwheat a permis de sélectionner 4 600 blés tendres sur les 12 000 conservés à Clermont-Ferrand, afin de procéder à une étude complète de phénotypage et génotypage en vue de créer une vaste base de données accessible sur ces ressources. Mais comment tout ceci est-il utilisé aujourd’hui ? « Pour résumer, il y a deux types d’utilisation. Le premier, pour la recherche et ses applications pratiques, la création variétale. Avec des objectifs qui ont évolué avec le temps, se déplaçant dans le champ de l’agroécologie, du respect de l’environnement, de l’adaptation au changement climatique. Les demandes pour la sélection variétale portent sur des points précis, l’allèle d’un gène très particulier qui va cibler par exemple une résistance à un stress biotique ou abiotique… L’autre type d’utilisation, pour des matériels génétiques souvent plus anciens, ce sont les agriculteurs et les particuliers », explique François Balfourier. 

Gènes chinois

Parmi les agriculteurs, on retrouve en particulier le mouvement des paysans-boulangers, celui des semences paysannes, mais aussi des brasseurs. « Le plus souvent, ils sont demandeurs de populations de pays7 du XIXe siècle ou de variétés inscrites au début du XXe, à partir desquelles ils développent leurs propres populations. Il n’y a pas forcément de démarches scientifiques derrière tout ça mais cela répond à des marchés de niche, en bio ou pour la brasserie. Pour les particuliers, les demandes sont plus anarchiques et liées au développement de la permaculture ou d’autres agricultures alternatives. » Tous utilisateurs confondus, le Centre de ressources biologiques  de Clermont-Ferrand distribue aujourd’hui entre 6 000 et 7 000 accessions par an. Si la sélection française et européenne, puis américaine, a fait les blés modernes, aujourd’hui l’avenir se situe  peut-être du côté de la Chine. « L’histoire nous a légué deux pôles de diversité très importants pour les blés, l’Europe et l’Asie – à laquelle on ne s’est probablement pas suffisamment intéressé jusqu’ici, estime le chercheur. En raison de leur provenance et de leur histoire, les blés chinois ont évolué différemment des blés européens et, aujourd’hui, ils sont peu utilisés alors qu’ils recèlent potentiellement des gènes de résistance à des pathogènes, je pense en particulier à la fusariose. Les enjeux sont cruciaux. Avec le séquençage du génome, nous avons accès à la connaissance des gènes ou des réseaux de gènes qui conditionnent par exemple l’adaptation au milieu… Dans le contexte qui est le nôtre, l’approche différente que réclame l’agroécologie, nous devons utiliser ces ressources dans les programmes de sélection. »

Choix cornélien

Et pour les animaux ? À défaut de les croiser, existe-t-il une limite au redéploiement des races à petits effectifs ? Pour les bovins, il semble que oui. Coralie Danchin parle d’un « plafond de verre autour de 2 000 mères, là où en sont la Ferrandaise ou la Bretonne pie noir. Pour d’autres, le plafond est encore plus bas, c’est le cas de la Bazadaise ou de la Bleue du Nord, qui restent, avec un millier de mères, des filières de niche intimement liées à leur territoire. » Pour Delphine Duclos, « même à 1 000 animaux, ce sont des populations qui restent fragiles. Mais, pour certaines espèces, les moutons par exemple, il existe de nouveaux créneaux pour leur permettre d’acquérir une légitimité “nouvelle utilité”, c’est le cas des pratiques d’écopâturage, qui valorisent des territoires en lien avec des collectivités locales et territoriales ou des entreprises, comme le font par exemple les Landes de Bretagne ou la Solognote ». Pour autant, si elles sont peu ou prou sorties d’affaire, certaines races pourraient se retrouver de nouveau en difficulté à cause d’une évolution de leur milieu… « Le loup, par exemple, peut conduire les éleveurs de chèvres à basculer sur l’Alpine pour ne plus avoir à sortir les animaux et prendre le risque de voir les troupeaux décimés », explique Coralie Danchin. Ce qui ne manque pas de poser une question que Corneille n’aurait pas reniée : « Si le loup s’implante durablement, cela va causer des soucis pour la survie, celle de la chèvre de Lorraine par exemple. Dans les zones concernées, l’équation complexe, c’est celle de la race menacée contre l’espèce menacée. »

La renaissance de la Rove

La Rove est une chèvre. Une chèvre qui aurait pu disparaître dans les limbes de l’histoire si elle ne jouait, depuis des siècles, un rôle important dans les troupeaux de brebis transhumants, en fournissant du lait et de la viande aux bergers en particulier. Réduite à peau de chagrin dans les années soixante-dix, la Rove a pourtant une longue histoire puisqu’elle est probablement née d’un croisement, il y a 2 000 ans, entre la race locale d’alors, la Commune de Provence, et une race venue de terroirs arides, comme on en trouve en Grèce, qui aurait débarqué dans l’important port de Marseille, non loin du massif du Rove où elle s’est ensuite développée. Aujourd’hui, la Rove c’est un troupeau d’environ 10 000 têtes dont plus des trois quarts sont en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Et c’est aussi une AOP fromagère portée par sept producteurs… « La brousse du Rove est un produit emblématique de la région de Marseille, connu depuis mille ans et qui suscite beaucoup d’intérêt », explique François Borel, éleveur à La Roque d’Anthéron. À tel point que la contrefaçon est une institution, qu’on y mélange d’autres laits ou, pour un simple quidam urbain, qu’on achète carrément du lait qui n’a rien à voir pour en produire chez soi… « Il se vend à peu près un million de brousses par an dans le secteur et seulement 300 000 sont certifiées par notre AOP », ajoute l’éleveur. S’ils se sont lancés, voici une quinzaine d’années, dans ce projet de protection de leur production, ce n’était pas pour développer leur marché, « nous n’arrivons déjà pas à satisfaire la demande », mais bien pour protéger l’image de leur produit et « éviter qu’un grand industriel s’en empare comme c’est le cas pour de nombreuses AOP fromagères. » Le cahier des charges est à la hauteur de cette ambition, rigoureux comme un coup de trique en noisetier. Le lait doit provenir uniquement de chèvres du Rove, les parcours sont exclusivement constitués de garrigues sèches, l’irrigation est interdite, tout comme l’insémination artificielle, pour conserver la rusticité… Les sept producteurs de cette aventure, qui ont dû présenter sept fois leur dossier avant qu’il soit accepté, seront bientôt huit, peut-être neuf. Avec des troupeaux de 150 chèvres en moyenne. « C’était aussi notre ambition au départ, il y a naturellement du militantisme là-dedans : prouver que ce système pouvait tenir la route économiquement, qu’on pouvait installer des jeunes et contribuer à entretenir ces zones de collines que la chèvre du Rove est à la seule à pouvoir valoriser. » Avec parfois l’appui des collectivités locales. Ainsi, la commune de Septèmes-les-Vallons a construit une chèvrerie et un atelier de transformation pour accueillir un troupeau de chèvres du Rove.

À conserver au froid 

La cryobanque est un des outils qui permet de conserver la génétique animale pour l’avenir de l’élevage. Créée en 1999 sous statut de groupement d’intérêt scientifique, elle rassemble les semences d’une foule d’espèces d’élevage, des bovins aux truites en passant par les chevaux, les huîtres ou les porcs… L’objet de la banque est de parvenir à conserver du matériel reproductif pour le maximum de représentativité, que ce soit pour les petites races ou pour les races en sélection… Certes, le matériel de cette cryobanque n’est pas utilisé tous les jours mais il a servi à plusieurs reprises, par exemple à réinjecter de la variabilité génétique dans plusieurs races à faibles effectifs, la majorité des stocks étant conservée pour le futur. Il sert aussi parfois pour des projets de recherche.

  1. La banque du Svalbard est gérée par le gouvernement norvégien, le Global Crop Diversity Trust et la banque génétique nordique.
  2. https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/developpement-durable-arctique-plus-grande-reserve-graines-monde-enrichit-13590/
  3. Échantillon de semences distinct, identifiable de façon unique représentant un cultivar, ou une lignée ou une population, maintenu en stockage pour la conservation et l’utilisation. http://www.fao.org/wiews/glossary/fr/
  4. Prim’holtsein, Montbéliarde et Normande pour le lait, Charolaise, Limousine et la fusion des différents rameaux blonds dans le Sud-Ouest pour donner la Blonde d’Aquitaine pour les races allaitantes. 
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000030579996/
  6. Au cours d’un entretien destiné à la rédaction d’un ouvrage consacré à la Nantaise, La Nantaise, éditions Castor & Pollux, 2002.
  7. Une variété population, ou variété de pays ou variété de ferme, est une variété cultivée traditionnelle, hétérogène, constituée d’un ensemble d’individus aux génotypes variés. Ce ne sont pas des variétés (cultivars) au sens juridique du terme car elles ne répondent pas aux critères DHS (Distinction, Homogénéité et Stabilité) qu’il est nécessaire de respecter pour l’inscription d’une variété dans un catalogue officiel.

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