De l'eau au moulin Haie avec une bande enherbée-photo-C.Maitre-INRA

Published on 27 mars 2018 |

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Civam et GIEE : renforcer les dynamiques collectives

Par Goulven Le Bahers (Civam) et, pour l’Inra, Marianne Cerf, Martine Georget, Virginie Parnaudeau, Hayo van der Werf.

Les Civam, collectifs locaux existant de longue date, peuvent bénéficier depuis 2014 de l’appellation Groupements d’Intérêt Economiques et Environnementaux (GIEE). Décryptage.

Dans les années 1960 déjà…

Dès les années 19601, la Fédération nationale des Civam forme des responsables agricoles et contribue à la modernisation de l’agriculture. Dans les années 1980, en réponse aux attentes d’agriculteurs qui souhaitent vivre de leur métier sans passer par l’intensification, les groupes Civam orientent leur réflexion vers le développement rural (tourisme, accueil à la ferme), la diversification et les productions de qualité (bio, produits fermiers…). Ayant fondé le Réseau Agriculture Durable (RAD)2, ils apportent aujourd’hui leur expertise dans les débats sur l’avenir de l’agriculture et de la ruralité.

Les Civam sont des collectifs d’agriculteurs et de ruraux3 qui travaillent localement sur des sujets aussi variés que la construction de systèmes de production économes et autonomes, le développement de systèmes alimentaires territoriaux, l’accueil social sur les fermes, l’accompagnement à la transmission et l’installation de nouveaux paysans.

On dénombre environ 130 groupes Civam répartis sur le territoire national. Ces collectifs d’agriculteurs se retrouvent localement et de manière régulière pour travailler sur des thématiques qu’ils ont définies comme la mise en place de systèmes de fourrages économes en intrants, les pratiques alternatives de santé animale, la diversification des cultures, l’économie d’intrants…

Le fonctionnement en collectif permet à chaque membre de bénéficier de l’expérience des autres, de partager des pratiques et des questionnements. Il permet aussi à chacun de se rassurer en échangeant avec ses pairs lorsqu’il expérimente un changement de système. Les salariés du Civam sont alors plus des accompagnateurs qui cheminent avec le collectif que des conseillers prescripteurs de pratiques et de solutions techniques.

Et maintenant…

Nés en 2014 avec la loi d’Avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt de 2014, les GIEE sont des dispositifs proposés par l’Etat qui permettent de reconnaître les dynamiques collectives telles que les groupes Civam.

Tout collectif d’agriculteurs inscrit sur un territoire et porteur d’un projet alliant création de valeur ajoutée et pratiques agroécologiques peut faire les démarches pour être reconnu GIEE auprès des services de l’Etat en région4.

Pour être labellisé GIEE, il faut que le collectif d’agriculteurs (d’autres partenaires sont possibles) soit constitué en  personne morale, avec statuts, numéro de siret… Lorsqu’ils sont labellisés dans le cadre d’appel à projets régionaux, les GIEE peuvent bénéficier de majorations dans l’attribution d’aides (financements européen, nationaux, régionaux…), ou d’une attribution préférentielle pour acheter du matériel, pour prendre en charge les coûts de certification bio, l’animation par exemple.

Ce dispositif correspond à une reconnaissance de l’intérêt des dynamiques collectives pour faciliter les transitions vers l’agroécologie.

Une trentaine de groupes d’exploitations appartenant aux réseaux Civam sont aujourd’hui reconnus GIEE. L’un est lié au Civam GRAPEA5 dont fait partie le Gaec Ursule (85). Ce GIEE regroupe huit exploitations qui travaillent sur l’autonomie protéique de leurs élevages : des légumineuses sont introduites dans les rotations à destination du troupeau bovin afin de rendre l’élevage plus autonome en alimentation animale. Le GIEE offre à ses membres un cadre pour expérimenter la mise en oeuvre de ces cultures et permet aussi d’utiliser du matériel en commun – tel un toaster qui permet de cuire les graines des légumineuses afin de les rendre plus digestibles pour le bétail.

Le Civam de l’Oasis dans la Marne, reconnu comme GIEE depuis 2015, avait fait l’objet d’une visite de l’INRA en 20166. Le laboratoire Agronomie et environnement (UMR INRA INPL 1121 Nancy, Colmar) s’intéressait alors à la biodiversité et cherchait à évaluer ses services, en particulier l’action des carabes sur leur environnement sous l’influence des bandes enherbées.

Le GIEE regroupe sept exploitations qui travaillent sur les aménagements agro-écologiques en expérimentant la mise en place d’un réseau d’infrastructures écologiques (haies, bandes enherbées…) dans des zones qui en ont très peu (fermes de plaines céréalières). Le groupe échange aussi sur de nouvelles pratiques (diversification, réduction d’intrants) et cherche à évaluer leur impact écologique et économique sur l’orientation des exploitations à moyen et à long terme7.

Grâce à la reconnaissance en GIEE, le Civam de l’Oasis a obtenu des financements CASDAR8 pour l’animation du groupe et de nouveaux membres du collectif ont pu obtenir des bonifications d’aides à l’installation. Depuis sa reconnaissance, le Civam de l’Oasis a aussi gagné en légitimité vis-à-vis des autres acteurs du territoire. Ainsi, certaines structures, comme récemment un CPIE9 sollicitent leur expérience en matière d’accompagnement de collectifs d’agriculteurs.

  1. Voir L’histoire des Civam de 1961 à 2011, http://wordpress.Civam.org/les-Civam-qui-sommes-nous-2/lhistoire-des-Civam
  2. http://www.agriculture-durable.org/
  3. Les différents membres du réseau Civam, groupes locaux, fédérations départementales, régionales ou nationales, sont des entités indépendantes, souvent des associations loi 1901. Voir : http://www.Civam.org
  4. En 2018, il existe 477 GIEE très divers, par la taille des collectifs, leur localisation, leurs productions et la diversité des partenaires engagés : acteurs du développement agricole, de l’enseignement, de la recherche, collectivités territoriales, entreprises de transformation et distribution, associations environnementales, etc. Voir : http://agriculture.gouv.fr/les-groupements-dinteret-economique-et-environnemental-giee
  5. Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE) nommé Groupe de Recherche pour une Agriculture Paysanne Econome et Autonome (GRAPEA)
  6. Cette visite de la ferme d’Antoine Ferté en février 2016 était consacrée aux problématiques spécifiques de la gestion de la biodiversité et de la réduction des phytosanitaires (voir La lettre de l’agriculture durable n°76)
  7. Dans la Marne, des agriculteurs changent leurs pratiques. La Croix, Economie et entreprises, 16 février 2015
  8. Le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR), créé par la loi de finances 2006, alimenté par la taxe sur les exploitations agricoles, est un levier pour faire évoluer les pratiques
  9. Les Centres permanents d’initiatives pour l’environnement (CPIE) regroupent quatre-vingt associations qui promeuvent l’éducation à l’environnement et réalisent des actions spécifiques : http://www.cpie.fr/spip.php?article2396




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