Publié le 28 octobre 2019 |
0Terroirs turcs : mettre les fraudeurs au tapis ?
Par Selma Tozanli, économiste, ex-enseignante chercheuse au CIHEAM-IAMM, et Yavuz Tekelioglu, président de l’Association pour les Produits de Terroir et des Indications Géographiques de Turquie (YUCITA).
En Turquie, la notion d’appartenance culturelle et sociale des produits agroalimentaires, alliée aux dimensions sensorielle, nutritionnelle et organoleptique de la qualité des aliments, prend sa source dans l’histoire anatolienne. Depuis des siècles, le consommateur turc cherche à lier la qualité distinctive d’un produit agricole et alimentaire à son lieu d’origine.
Dans la volonté d’harmoniser ses lois et réglementations avec celles de l’UE, le pays a adopté, le 24 juin 1995, le décret n° 555 réglementant la protection des Indications Géographiques (IG). Ces dernières, regroupées sous les deux formes Appellation d’Origine (AO-MENŞE ou AOM, correspondant aux AOP européennes) et IG (IG-MAHREÇ ou IGM, correspondant aux IGP européennes) sont valables uniquement à l’intérieur des frontières du pays. En décembre 2017, des logos ont a été créés pour ces deux certifications.
Catégories de produits | Nombre de certifications | % | Types de certification | |
---|---|---|---|---|
AOM/AOP | IGM/IGP | |||
Tapis et kilim | 27 | 6,9 % | - | 27 |
Produits agricoles | 77 | 19,6 % | 76 | 1 |
Miel | 4 | 1,0 % | 4 | * |
Produits alimentaires transformés | 121 | 30,8 % | 25 | 96 |
Spécialités culinaires locales | 94 | 23,9 % | 3 | 91 |
Boissons non alcoolisées | 2 | 0,5 % | - | 2 |
Boissons alcoolisées | 4 | 1,0 % | 4 | - |
Animaux vivants | 4 | 1,0 % | 4 | - |
Produits artisanaux | 25 | 6,4 % | 5 | 20 |
Pierres naturelles | 8 | 2,0 % | 6 | 2 |
Autres produits | 27 | 6,9 % | 2 | 25 |
Total | 393 | 100 % | 129 | 264 |
Élaboré par les auteurs selon les données de l’Institut des Patentes de Turquie (TPE) |
La législation nationale et internationale concernant les certifications IG, ainsi que la mise en place et l’application des mécanismes de contrôle internes et externes, sont d’une importance capitale pour la protection des produits de terroir et des petits producteurs/artisans détenteurs de savoir-faire locaux. Malheureusement, nombre de ces produits certifiés IG sont imités et contrefaits par des fraudeurs, avec un effet néfaste tant sur les consommateurs que sur les producteurs locaux. Les produits certifiés des pays européens sont également victimes d’imitation et de contrefaçon.
Pour contrer ces malfaçons, les producteurs de certains produits de terroir certifiés par l’UE ont fait une demande auprès de l’Institut des Patentes de Turquie (TPE), afin d’obtenir des certifications IG turques. Ainsi, le scotch whisky (Grande-Bretagne), le champagne (France), le fromage Halloumi (République turque de Chypre du Nord) et, pour l’Italie, Prosciutto di Parma, Grano Padano et Parmigiano Reggiano ont obtenu la certification AOM.
En contrepartie, certaines institutions turques ont entamé une procédure auprès de l’UE pour bénéficier d’une protection élargie au-delà du territoire national et bénéficier de meilleurs prix pour leurs produits. Trois produits ont déjà été certifiés, le baklava d’Antep (IGP), les figues sèches d’Aydın et l’abricot sec de Malatya (AOP). Des procédures sont en cours pour quatorze autres.
Reste à prolonger ces initiatives des professionnels et de la société, afin de sauvegarder et d’élargir le marché des produits de terroir et des spécialités culinaires locales grâce à une bonne gouvernance de leurs filières et un plus grand dynamisme des pouvoirs publics. Une politique volontariste permettant de construire des systèmes alimentaires territorialisés est indispensable au développement des produits de terroir turcs, avec des externalités positives en termes de durabilité des zones rurales et de bien-être des consommateurs.
D’après Selma Tozanli, Yavuz Tekelioglu, « Le système alimentaire en Turquie, un secteur économique de premier plan et un patrimoine exceptionnel », dans revue Resolis, n° 12, 2016, p. 63-70.