Publié le 4 janvier 2024 |
0Les loups sous la loupe
La Commission européenne a demandé un état des lieux du loup en Europe pour évaluer l’opportunité de modifié le niveau de protection dont bénéficie l’espèce. Sesame a mis le nez dans le touffu rapport.
Visuel : archive © Yann Kerveno
Redéfinir (encore) le statut du loup en Europe ?
L’Union européenne avait promis de regarder de près la situation du loup sur le territoire communautaire et de réévaluer les dispositifs en place, en particulier le classement de l’espèce. Jusqu’ici et sous l’égide de la convention de Bern, le loup est en Europe une espèce « strictement protégée » mais qui pourrait ne plus être que simplement « protégée ».
Cette proposition a été émise en novembre 2022 par les parlementaires européens suite à une autre proposition émanant, pour le coup, de la Commission européenne. « Le retour du loup est une bonne nouvelle pour la biodiversité » a justifié la présidente de la Commission Ursula von der Leyen « mais la concentration des meutes dans certaines régions européennes représente un réel danger, en particulier pour les élevages. »
Le déclassement du loup permettrait une mise en œuvre plus souple des régulations des meutes les plus problématiques. « Le cadre européen doit pouvoir faciliter cela et la démarche de la Commission est une étape importante en ce sens. Je suis intimement convaincue que nous pouvons et trouverons des solutions adaptées pour à la fois protéger la biodiversité et la vie en milieu rural. » Pour appuyer cette réflexion et alimenter les débats, la Commission avait demandé qu’une étude complète soit réalisée sur l’état de l’espèce. Sesame a mis le nez dedans.
Une étude qui en dit long
Qu’est-ce qu’on y apprend ? Que les loups sont probablement aujourd’hui plus d’une vingtaine de milliers sur le territoire de l’Union et sont présents dans quasi tous les pays, à l’exception de l’Irlande, de Chypre et de Malte. Il y a douze ans, la population totale était estimée à moins de 12 000 animaux… Parmi les pays qui en comptent le plus (plus de 1 000 loups), se trouvent la Bulgarie, la France, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie (en tête du classement avec plus de 3 300 loups), la Pologne, la Roumanie et l’Espagne. L’étude souligne rapidement ses propres limites, en expliquant qu’en l’absence d’harmonisation des méthodes de recensement, les résultats divergent grandement selon les pays… Alors même que la précision des chiffres est une donnée indispensable à une gestion sereine et le soupçon naît vite autour d’une manipulation des chiffres…
Au-delà des chiffres, l’espèce ne subit pas les mêmes dynamiques selon les pays, voire entre régions d’un même pays, montre le rapport. On y apprend aussi que la principale cause de mortalité des loups est… l’homme, que la mort survienne de manière délibérée (tirs de gestion, braconnage) ou accidentelle (collision sur les routes). D’ailleurs, puisqu’on en parle, les auteurs reviennent sur les prélèvements dont l’efficacité est loin d’être prouvée sur le long terme, la nature ayant horreur du vide, les loups abattus sont vite remplacés. Les prélèvements ne servant alors qu’à atténuer temporairement la pression, et à réduire les conflits sociaux liés à la présence de l’animal… Mais l’homme n’est pas la seule menace. Le chien, et les croisements qu’il génère, représente aussi un danger pour l’espèce, en particulier en Italie ou en Grèce où les hybrides sont déjà très nombreux…
Traquer le loup, une histoire de poney ?
Du côté des services rendus par le loup, l’étude cite un relatif contrôle des populations d’ongulés qui permet de limiter les dégâts causés à l’agriculture et le nombre d’accidents de la route mais aussi de freiner la propagation des épizooties… Le problème, c’est qu’il s’attaque aussi aux troupeaux, et que c’est le grief principal que les sociétés humaines ont contre lui. En tout, à l’échelle de l’Union, les loups tuent 65 000 têtes de bétail par an, dont les trois quarts sont des ovins et des caprins, 20 % des bovins et le reste des chevaux et des ânes.
C’est d’ailleurs là que la grande histoire du loup rejoint la petite histoire politique. Les partisans du statu quo ont largement accusé Ursula von der Leyen de proposer le changement de statut du loup par vendetta après que les loups ont tué son poney âgé de 30 ans… Mais revenons à nos moutons avant qu’ils se fassent croquer. Les auteurs du rapport indiquent que l’augmentation de la mortalité du bétail est corrélée à l’augmentation du nombre de loups sauf dans certaines zones, comme en Allemagne, où le nombre d’attaques a reculé grâce aux mesures de protections mises en place. Si les prélèvements sont marginaux à l’échelle du continent, ils peuvent, localement, peser lourdement sur les éleveurs.
Gros sous
La plupart des pays européens consacrent un budget important aux loups. C’est le cas de l’Allemagne et de la France pour les dispositifs de prévention, sans que ceux-ci, remarquent les auteurs, aient globalement fait leurs preuves sauf dans certains cas, en Allemagne toujours. C’est d’ailleurs chez nous, cocorico, que les moyens engagés pour la protection des troupeaux sont les plus importants en Europe. Alors que nous sommes aussi dans le peloton de tête pour les dégâts… La majeure partie du budget est consacrée à l’indemnisation des éleveurs, 18,70 M€ à l’échelle de l’Union et 4,1 M€ en 2022 pour la France. Bref, voilà un document à conserver dans un coin pour savoir de quoi l’on cause. Il est au bout de ce lien.