Publié le 10 février 2023 |
0Les échos #5-2023
Stocks ? Si le déclenchement de la guerre en Ukraine voici près d’un an a provoqué une déflagration sur les marchés des matières premières agricoles, c’est parce que le contexte s’y prêtait. Si l’on a beaucoup focalisé sur la responsabilité du conflit sur les hausses de prix, les esprits les plus attentifs pointaient déjà la part importante de responsabilité de la Chine dans ce processus. Et de l’impact énorme qu’ont, à l’échelle du marché mondial, les orientations de la politique de stockage chinoise qui vient faire éclore ce semblant de paradoxe : pourquoi les prix flambent alors que les stocks mondiaux sont au plus haut ? Une partie de la réponse est justement à aller chercher en Chine où les stocks sont uniquement dédiés au marché intérieur… Des stocks, il risque d’y en avoir, ou pas, dans les frigos de Beyond Meat.
Effet Margarine. La licorne de la viande végétale semble tomber de Charybde en Scylla, ventes en retrait, chiffre d’affaires en vrille, capitalisation évaporée, licenciements, class action de consommateurs pour contester les taux de protéines annoncés… Le tout dans un marché qui, passé le temps de la découverte enthousiaste, pourrait être victime de « l’effet margarine. » De quoi remettre en selle l’élevage et le pastoralisme pour leur apport au milieu naturel ? Voilà sinon c’est peut-être une pierre à jeter dans les camps de ceux qui s’élèvent contre le techno-solutionnisme que cette étude signalée par la cellule de veille du ministère de l’Agriculture. Étude publiée dans Nature qui tend à montrer qu’il est aujourd’hui bien plus difficile, pour les chercheurs, d’être disruptif… Notamment en raison de la masse de connaissances à prendre en compte. Mais cela n’empêche pas les innovations de surgir de façon assez régulière comme cette nouvelle, fort disruptive (même si l’on a du mal à imaginer la suite) de la production, pour la première fois, de céréales sous serre…
Sauvage ! C’est la plus longue clôture du monde, plus de 5 600 kilomètres, et son unique fonction est de protéger une partie de l’Australie des ravages des dingos, seconds sur la liste des prédateurs les plus efficaces juste derrière… L’Homme. 60 ans après la construction de cette clôture, les effets de cette ségrégation sur le paysage sont très marqués avec des évolutions différentes de chaque côté comme le raconte ce formidable reportage d’ABC. L’occasion de voir, in situ, l’impact des chaînes trophiques sur les paysages… Puisqu’on traîne du côté de la famille des canidés sachez que le chacal doré, même s’il est éclipsé par la réputation sulfureuse du loup, poursuit son déploiement en France après y avoir mis une patte, c’est du moins la date de la première observation, dans les Alpes en 2017. Et sa présence est aujourd’hui attestée en Bretagne. Voilà qui nous mène au cœur d’un défi bien actuel, celui du réensauvagement. Qui déchire jusqu’à ses partisans les plus mordus comme l’explique Harold Levrel, du CIRED, dans un papier très instructif.
Vieux outils. Il y montre que des dissensions sérieuses existent en effet entre deux approches, celle des éthiciens du bien-être animal et les écologues qui incarnent finalement deux postures différentes des sociétés humaines face à la nature. Il met par ailleurs en lumière les difficultés qu’ont nos sociétés à gérer ce processus un peu partout inéluctable et que les solutions ne peuvent être que des compromis partiels et locaux… Donc très complexes à élaborer et peu généralisables. Il y a 2,6 millions d’années, l’hominine Paranthopus n’avait probablement pas le luxe ni temps de tels questionnements. Et pas forcément parce qu’il faisait encore partie de la vie sauvage mais plutôt parce qu’il était occupé à développer les tout premiers outils de l’humanité… Bien plus tôt que ce que l’on imaginait jusqu’ici. Ces mêmes outils qui lui permettront d’occuper, bien plus tard, la haut de la chaîne alimentaire !