Publié le 11 septembre 2020 |
0Les échos #24-2020
Dans le monde tel qu’il va, on peut parfois être surpris des postures. Ainsi Bastamag remet sur le tapis la récente antienne de la relocalisation dans un papier fouillé. Qui nous explique que la sécurité alimentaire est incompatible avec le libéralisme et que tout changerait si on produisait tout à portée de main en installant des centaines de milliers de paysans. Habitué des colonnes de Sesame, Sébastien Abis remet le blé au centre de l’Europe et nous rappelle que les exportations de blé français sont en grande partie en « circuit court » et que leurs aménités géopolitiques doivent être regardées de près, ce ne sont pas les Égyptiens qui diront le contraire. Les choses sont moins binaires qu’elles paraissent.
À l’heure du lait d’amandes ou de soja, il n’est pas inutile de rappeler que (presque tous) les humains adultes ont la possibilité de parfaitement digérer le lait de vaches, et ce depuis un bail, 5000 ans au bas mot. Et que cette évolution génétique fut déterminante dans l’évolution. Puisqu’il s’agit de manger, nous avons signalé cette enquête du New-York Times la semaine passée qui alertait sur le retour du spectre de la famine aux États-Unis. Le géant Cereal Mills, depuis longtemps associé aux efforts menés contre la faim et la malnutrition des enfants dans le pays, vient de s’associer à une marque de vêtements pour fournir 300 000 repas aux gamins qui en ont besoin. De son côté, le gouvernement fédéral a étendu les dispositifs mis en place cet été pour garantir aux enfants dans le besoin des repas équilibrés. C’est aux États-Unis également que se développent, à l’initiative du distributeur Whole Foods, les listes d’ingrédients indésirables, des spams de la bouffe en quelque sorte. On y trouve le sucre de canne, l’huile de colza… Le problème, c’est que tout le monde n’est pas d’accord sur la liste et certains ingrédients sont bannis ici quand ils sont considérés comme sains là-bas. Et le consommateur nage en pleine confusion. Mais la question de la famine se pose aussi aujourd’hui sur notre palier. Et ce ne sont pas les supérettes automatisées qui fleurissent aux coins des rues qui y changeront quelque chose. Ah, la supérette automatisée, rêve ultime de tout distributeur qui, certainement, à l’instar de Robert Hersant voulait faire des journaux sans journalistes, rêvent d’hypermarchés sans hôtesses de caisse.
Si vous ne connaissez pas la Mar Menor, vaste lagune de la province de Murcie, sachez que c’est trop tard ! Tourisme et agriculture ont abîmé cet espace naturel que ses défenseurs aimeraient voir doté d’une personnalité juridique. Et ce n’est pas sans faire écho à cette étude suédoise qui tend à montrer que la PAC subventionne plus fortement les régions les plus polluantes (en oubliant quand même de prendre en compte le bénéfice des productions qui y sont menées). Le grand truc de la crise du Covid, ça a été le boum du pain. Enfin, le boum des apprentis boulangers, nous, qui avons en masse testé la fabrication de notre propre pain pendant le confinement. Sachez que ce mouvement dépasse largement la tendresse que nous avons, nous, Français, pour la baguette ; 27 millions de Britanniques se sont aussi lancés dans l’aventure boulangère à domicile durant le confinement. À moins qu’ils aient anticipé l’issue d’un Brexit aux contours de plus en plus brutaux.
Alors que la chasse ouvre en grande partie dimanche, les chasseurs se sont donnés rendez-vous ce samedi à Prades, ville du premier ministre dans les Pyrénées-Orientales, pour réclamer le droit de chasser et défendre la ruralité. Histoire aussi de partager un malaise grandissant concernant le partage des espaces naturels avec leurs autres utilisateurs plus récents. Avec en cible expiatoire assurée, les écolos. Dans une longue analyse, Philippe Silberzahn tente de comprendre pourquoi cela ne fonctionne pas, à partir de l’exemple du passage au gouvernement de Nicolas Hulot et de l’incapacité de ce dernier à avoir imprimé un tournant décisif en la matière. Peut-être parce que les mots ne font pas l’action ? À moins que les mots aient complètement cédé le pas aux éMOTions ? Le (merveilleux) écrivain Jean-Philippe Toussaint synthétisait hier matin en quelques mots justes la peste de notre temps… « L’émotion prend le pas sur la raison, le débat argumenté, sur l’échange d’idées. On le voit avec le Brexit, l’élection de Trump, on aurait là dans le débat public une émotion spectaculaire, une émotion grossière… »
Nous nous étions horrifiés de découvrir, au moment de la dernière campagne présidentielle américaine l’existence de « bulles informationnelles » sur les réseaux sociaux. Elles sont aujourd’hui devenues des outils de communication assumés. Même par ceux dont le rôle, est, en théorie, de faire vivre les débats. Et si, comme en Pologne, nous remettions une moissonneuse-batteuse au milieu des barres d’immeubles ? Enfin, sachez-le, un bélier reproducteur exceptionnel a été vendu 412 000 euros et, en Argentine, où l’hiver touche à sa fin, le spectre des criquets refait surface après des décennies de discrétion et que l’alerte est désormais étendue à tout le pays.